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  • 102 – Les autres

    Phrase donnée par Masque de Mort

    Les zombies. Les zombies c’était dur au début, mais quand les autres sont arrivés, on a compris que ce n’était que de la rigolade.
    Certes, ça n’a pas été simple de survivre avec ces bouffeurs de chairs qui risquaient à tout moment de nous faire notre affaire. Je crois que j’ai passé presque un mois à ne pas dormir. À la fin, j’avais l’impression de ne plus vraiment être réveillé. Comme si je ne contrôlais plus rien. Un peu comme quand on a trop bu et qu’on fait les choses sans réfléchir, qu’on est au poste de pilotage mais qu’on est plus que spectateur de nos conneries.
    Et puis, on était tous sur les nerfs. On devenait comme ces bestioles, au final, prêts à nous entre-tuer pour un oui, pour un non. À part que nous, c’était pas pour bouffer, juste pour assouvir des coups de sangs dus au stress et au manque de sommeil. C’est à cause de ça qu’on a perdu Joan et Mitchell. Après que les têtes se soient échauffées, les mots ont fusé, ça a failli en venir aux mains et finalement, ils ont décidé de partir plutôt que de rester avec des « malades » comme nous. Je pense malheureusement pas qu’ils aient fait long feu, là dehors.
    Après, ça a été le tour de Peter. Il nous a toujours affirmé qu’il ne savait pas comment il s’était fait blesser au bras par ces saloperies mais ce con mentait. Moi, je sais bien qu’il descendait de temps en temps au garage, où c’était juste un grillage qui nous protégeait de ces monstres. Là, il les excitait en les narguant. Tu parles, c’est pas difficile. Il devait pas rester beaucoup de chair fraîche aux alentours. Et cet idiot devait s’approcher trop près pour leur tirer à bout portant à travers le grillage. C’est là qu’il a dû être contaminé. Heureusement qu’on s’en est rendu compte rapidement, il  aurait pu tous nous bouffer sans qu’on le voit venir. Finalement, il s’est tiré une balle dans la tête avant qu’il ne meure de lui-même. Dans le doute qu’il se réveille quand même, on lui a ouvert le bide et truffé de grenades, avant de le jeter aux zombies. On a réussi à en éliminer quelques uns. Ces cons se jettent sur tout ce qui a l’air plus frais qu’eux. Et ça devenait rare à ce moment.
    Finalement, alors qu’on commençait à manquer de nourritures et surtout d’eau potable, les choses ont vraiment mal tourné. D’abord, ça avait eu l’air de s’améliorer dehors. Il y avait moins de zombies, ils avaient l’air de mourir pour de bon au bout d’un moment. Mais les autres sont arrivés, plus rapides, plus agiles. Je savais pas ce que c’était à ce moment. Ils on réussi à monter aux murs du bâtiment comme moi je monte un escalier, peut-être même plus facilement. On s’en est sortis de justesse. Heureusement qu’on avait préparé le camion, au cas où. Le fait qu’il y ait moins de ces saloperies dehors nous aura permis de nous échapper sans trop de problème. Le sacrifice du padré aussi…
    Nous n’avions presque plus de vivre. Il fallait qu’on retourne vers une grande ville pour trouver un supermarché et y faire le plein. Au bout d’une demi-journée de route, nous les avons vus au-dessus de notre destination. D’abord j’ai cru que j’hallucinais mais non. Michaela et Andrew aussi les voyaient. Ces soucoupes volantes. Les mêmes que dans les théories les plus farfelues qui disaient que les gouvernements étaient au courant d’une présence extra-terrestre. Je ne sais pas ce que ces cons de politiciens ont branlé pour les foutres en rogne mais ces saloperies de zombies ont l’air d’être de leur fait. Une putain d’attaque bactériologique au niveau mondial. Ça a pas dû être compliqué. Et vu la vitesse à laquelle ça se propage, ils auront la planète pour eux tous seuls dans un mois, peut-être deux.
    Évidemment, arrivés en ville, nous avons été « arrêtés » par des escouades de ces petits hommes verts. Il était plus difficile de leur échapper qu’à leur armée de monstres.
    À présent, je suis dans cette cellule, à trois cents mètres du sol, dans ce vaisseau étrange. Les murs semblent bouger, j’ai l’impression qu’ils sont en matière vivante. J’ose pas trop y toucher. Je ne sais pas ce qu’ils ont fait de mes deux camarades de misère. Et je ne sais pas ce qu’ils vont faire de moi.
    Les zombies c’était dur mais, au moins, nous arrivions à les combattre.

  • 101 – Alexeï & Igor

    Phrase donnée par Amelodine

    « Je ne suis pas d’accord avec toi !
    — De toute façon, tu n’es jamais d’accord avec moi !
    Alexeï et Igor étaient sur le toit de l’immeuble abandonné, dans le vent glacial. Le ciel était d’un bleu impeccable. Les seules traces de vapeurs venaient de la bouche des deux soldats quand ils parlaient mais elles disparaissaient rapidement dans l’air sec. Ils auraient pu discuter encore un moment pour savoir lequel des deux avait raison mais le froid leur engourdissait la figure et parler demandait un effort considérable.
    Leurs casques en cuir fourré les protégeaient un peu mais ne serait pas suffisant jusqu’au passage du convoi. Heureusement que les lunettes leurs protégeaient mieux les yeux, sinon, ils auraient déjà gelé dans leurs orbites.
    Les deux tireurs d’élite n’étaient pas d’accord quant aux positions qu’ils devaient adopter. Cela faisait vingt bonnes minutes qu’ils se chamaillaient pour savoir qui prendrait la meilleur place, celle qui permettrait d’atteindre un maximum de pilotes du convoi, laissant l’autre abattre ceux qui restaient — ceux que le premier avait raté — ce qui ne risquait pas d’arriver. Alexeï et Igor était les meilleurs de tout le pays et s’ils avaient été envoyé sur cette mission, c’est parce qu’il ne fallait pas qu’un seul de ces véhicules passent cette ville fantôme.
    Finalement, ils décidèrent de tirer à pile ou face. Mais se disputèrent à nouveau pour savoir qui lancerait la pièce. Malgré le fait qu’ils fussent les meilleurs amis du monde, ils passaient leur temps à se chamailler. Comme deux frères. Finalement, avant même qu’il ait pu se mettre d’accord sur la méthode de tirage au sort, des bruits de moteurs et de chenilles se firent entendre, résonnant en un écho lugubre sur les façades des bâtiments vides et branlants de cette ancienne métropole.
    Les deux soldats se jetèrent sur le sol recouvert d’une vieille couche de neige gelée depuis une éternité, chacun lançant un juron de mécontentement. Se relevant doucement et ajustant leur fusil, sur le petit rebord de toit, ils attendirent l’un à côté de l’autre, que la colonne de véhicule ne se montre. Ils savaient que s’ils échouaient, un peu plus loin attendrait une division complète de chars lourds mais leur honneur et celui de leur compagnie était en jeu. Ainsi que leur vie. On ne plaisantait pas avec la réussite des missions.
    Enfin le premier véhicule apparut à l’angle d’un ancien bureau de poste. C’était un véhicule à roues. Igor qui vit le conducteur en premier dans son réticule grogna pour faire comprendre à Alexeï qu’il s’en occuperait mais qu’il fallait laisser la colonne entrer complétement dans la rue pour l’avoir en visuel. Alexeï le savait tout aussi bien que son ami. S’ils abattaient le conducteur de tête, la colonne allait s’arrêter, se mettre à l’abri, voire battre en retraite. La mission ne serait pas complétement satisfaisante. Ils savaient que leurs scientifiques voulaient récupérer les véhicules pour étudier de potentielles améliorations trouvées par l’ennemi. Ce qu’il fallait faire était d’attendre que la colonne soit entièrement en visuel pour abattre les conducteurs de l’arrière vers l’avant, les premiers mettant toujours plus de temps à voir ce qu’il se passe à l’arrière.

    Douze véhicules se suivaient déjà dans l’ancienne artère principale de la ville. Les trois premiers étaient à roues. Les autres étaient des blindés à chenilles, trois transports de troupes et le reste des chars de combats. Ils n’avançaient vraiment lentement c’était louche. Igor grogna une nouvelle fois pour annoncer qu’il allait commencer le travail quand arriva à la suite de la colonne un char immense. Alexeï et Igor se regardèrent, pas vraiment sûr de ce qu’ils voyaient. L’engin était aussi grand que le bâtiment postal, soit quatre étages, environ quinze mètres. Les chenilles montaient plus haut que les chars traditionnels eux-mêmes, et le canon, semblant plus court, était d’un calibre impressionnant, Igor aurait dit le diamètre d’une roue de camion. Il avançait à peine plus vite qu’un homme à pied.
    « Essaie de voir où est le conducteur se trouve sur ce truc, Alex ! Annonça Igor. Moi, j’vois pas. Mais si on arrive à récupérer cet engin, ça va être la fête ce soir !
    Alexeï cherchait lui aussi dans sa lunette mais n’arrivait pas à voir de visage qui dépassait comme sur les autres chars.
    — Il est planqué à l’intérieur, annonça-t-il. On l’aura pas. Si tu veux qu’on le récupère, il faudra y aller au corps-à-corps. »
    Et pour faire ça, il fallait que la colonne s’arrête. Les deux snipers commencèrent leur besogne. Les six premiers conducteurs furent décimés quand les autres soldats formant les équipages se redirent compte du problème. L’arrière de la colonne s’arrêta. Les tireurs tentèrent d’atteindre les deux tireurs embusqués mais leurs mitrailleuses n’y parvinrent pas. Alexeï et Igor ne s’étaient pas mis là par hasard.
    Quatre tireurs furent neutralisés. Les autres allaient suivre quand la tourelle gigantesque du monstre de queue se mit en branle. Igor lança un nouveau regard incrédule à son ami. Une détonation retentit, répercutée sur les nombreuses façades d’immeubles, un sifflement, l’explosion d’un impact. Le bâtiment sur lequel les deux soldats se trouvaient trembla fortement. Ce prototype n’était pas fonctionnel d’après les renseignements qu’ils avaient reçus.
    Ils n’eurent pas besoin de parler pour se mettre d’accord sur le fait qu’ils devaient déguerpir le plus rapidement possible. Une seconde détonation tonna. Alexeï et Igor se ruèrent dans la cage d’escalier. Le bâtiment fut une nouvelle fois secoué. Ils descendaient les marches quatre par quatre, six par six. Dix étages plus bas, Alexeï avait l’impression que les murs n’étaient plus droits. Il ne savait pas si le char géant avait tiré au milieu ou au pied de l’immeuble mais s’ils ne sortaient pas rapidement, ils risquaient de mourir ici. Exhortant son ami à se dépêcher, Alexeï accéléra autant que possible son rythme de descente.

    Finalement arrivé au sol avant que la construction complète ne s’effondre, les deux soldats furent cueillis par les troupes ennemies qui avaient eu le temps de se mettre en place et de les attendre. Sans possibilité de se battre sans se faire tuer, les deux amis jetèrent leurs armes au sol et posèrent leurs mains sur la tête.
    « Cette mise en scène et la perte de quelques soldats valait bien le coup pour attraper les deux plus dangereux tireurs du continent ! Je suis le général Sergei Dachkov et vous êtes mes prisonniers ! »

  • 100 – L’événement non heureux

    Phrase donnée par Utadah Bay

    C’est l’anniversaire d’un événement non heureux.

    Le huitième. Chaque année quand vient ce jour de l’année, je n’arrive pas à ne pas y penser. En fait, dès que les premiers vents glacés et les premières pluies d’automnes font tomber les feuilles déjà rouillées, je revois la scène, je la revis même. Je passe les jours qui me séparent de cette date fatidique à me morfondre, à réfléchir dans le vide, à rester là, entourée de mes amis, le regard lointain, n’écoutant leurs conversations que d’une oreille distraite, quand j’arrive à suffisamment me concentrer pour les écouter.

    C’est bête, je le sais, mais je n’arrive pas à oublier. Pourtant ce n’est pas quelque chose d’affreux, comme la mort d’un parent, d’un proche, le déracinement de ma vie à cause d’un déménagement à l’autre bout du pays ou un traumatisme quelconque. En fait, ce n’est pas un événement triste. Juste non heureux.

    Et pourtant, dans mon cœur, quelque chose me serre et m’oppresse, m’empêche de respirer correctement quand l’anniversaire s’approche et me laisse usée d’y avoir trop réfléchi, trop repensé une fois passée.

    Comme chaque année depuis huit ans, je suis là, dans ce café, toujours à la même table, pour fêter seule cet anniversaire tout aussi non heureux que l’événement qu’il célèbre. J’ai plusieurs fois pensé à aller voir un psy, histoire d’en parler et de me sortir de ça, mais j’ai trop peur qu’il me fasse enfermer de focaliser sur quelque chose comme ça.

    Encore là, j’y pense encore et encore. En fait, je pense plus au fait que j’y pense qu’autre chose. Je dois être folle, il n’y a pas d’autres explications.

    Devant ma bière à réfléchir à la raison pour laquelle je réfléchis à quelque chose qui finalement n’est pas important et pourtant me pourrit la vie chaque année, je regarde dans le vide à travers la vitre quand quelqu’un s’assoit en face de moi.

    Mon amie Caro me regarde tristement. D’un signe de tête, elle me fait comprendre que c’est l’heure. Comme chaque année, elle a organisé une petite fête pour me faire penser à autre chose, même si officiellement c’est pour garder contact avec les amis du lycée. Et comme chaque année, ça m’angoisse d’y aller.

  • 099 – Madame Wolkberg

    Phrase donnée par Masque de Mort

    « Allo, Madame Wolkberg, ici l’Ambassade de Hongrie. Sauriez-vous actuellement comment nous pourrions entrer en contact avec votre mari ? »

    La voix à l’autre bout du fil avait un léger accent. Hongrois peut-être mais elle ne pouvait pas l’affirmer. Pourquoi diable des gens de ce pays si éloigné voulaient contacter Nestor ? Inquiète, la dame, dans la cinquantaine bien avancée, demanda la raison de cette question.

    — Nous avons reçu une demande de visa pour votre mari mais il nous manque une pièce au dossier, Madame.

    — Je suis désolé, il n’est pas joignable pour le moment. Il est parti à la campagne il y a trois jours pour pêcher. Il n’a pas pris de téléphone avec lui et ne rentrera que dans quatre jours, normalement. Je peux lui dire de vous rappeler dès qu’il rentre.

    — Vous ne savez pas où il est parti pêcher par hasard, Madame ?

    Cette question parut beaucoup plus suspecte à madame Wolkberg. Si tout ça n’était qu’une question de paperasse, il n’était pas logique du tout qu’ils essaient de savoir sa position exacte.

    — Non, je suis désolée, mais il ne m’a pas dit exactement où il allait.

    — Très bien, Madame. Dans ce cas, nous rappellerons dans cinq jours. » La voix au téléphone remercia l’épouse dévouée avant de raccrocher.

    Madame Wolkberg resta un instant le téléphone ne main. Cette histoire n’était pas claire et elle commençait à se méfier. Après une minute de réflexion, elle se dirigea directement dans la buanderie, empoigna le bac à linge sale et démonta le fond. Elle en tira un téléphone mobile chiffré démonté. Son mari lui avait dit qu’en cas de problème ou de situation très étrange, elle devrait l’appeler avec cet appareil. Insérant la puce puis la batterie, Madame Wolkberg dut attendre que la machine ne s’initialise. Elle se sentait stressée sans vraiment savoir pourquoi.

    Soudain, elle entendit un fracas de verre et de bois. Elle comprit immédiatement que ses fenêtre et sa porte venait se voler en éclats. Que se passait-il. Était-ce une grenade qui avait fait ça ou une flopée de gars d’un groupe d’intervention venus s’occuper d’elle ? Cette journée commençait vraiment trop bizarrement pour elle.

    Et ce satanée téléphone qui mettait trois plombes à se connecter aux satellites. La quinquagénaire se plaqua au sol. Son mari lui avait dit qu’une arme se trouvait en dessous de l’armoire. Elle mit quelques instants à la trouver. Le chargeur était à côté, garni. Elle entendait des pas furtif marcher sur les débris de verre et sûrement aussi de bibelots. Armant le pistolet, elle resta allongée visant la porte, prête à tirer sur qui que ce soit qui passerait devant.

    Le téléphone afficha enfin s’être relié à un réseau. Madame Wolkberg appela le seul numéro préenregistré. Il avait plutôt intérêt à décrocher. Après tout si elle se trouvait dans cette position ridicule au fond de sa buanderie, c’était sa faute. Elle ne savait pas ce qu’il faisait exactement comme travail mais elle avait compris depuis très longtemps qu’il n’était pas contrôleur des impôts comme il lui avait dit à leur rencontre, mais elle savait qu’il baignait parfois dans des histoires étranges. Quelques fois déjà, elle avait eu des coups de téléphones sans queue ni tête, ressemblant plus à des messages codés, venant de différents consulat, département des télécoms ou de soi-disant démarcheurs tentant de vendre des encyclopédies sur l’histoire des armes à feu dans la Russie soviétique. Et la fois où il l’avait emmenée s’entraîner au tir aussi, alors qu’elle n’avait jamais tenu une arme de sa vie et qu’elle n’en avait jamais émis le désir. Mais ce qui l’avait confortée dans l’idée que son mari avait un métier très spécial fut la fois où il lui indiqua la position de ce pistolet et de ce téléphone chiffrée. Tout ça ne pouvait être anodin.

    À présent, elle était là, à attendre de se faire tirer dessus par elle ne savait qui, même pas sûre que ce soit un Hongrois ou autre chose, alors que son mari était perdu dans la campagne, bien tranquille en train de pêcher.

    Et il fallait combien de temps pour établir une communication avec cette antiquité ? Elle commençait à perdre patience. Enfin, la sonnerie retentit dans l’écouteur. Presque aussitôt, une sonnerie résonna dans la maison. Se pouvait-il que son mari ait laissé son téléphone d’urgence ici la seule fois que son épouse en eut besoin ? Madame Wolkberg soupira, lasse et résignée sur son sort. Elle sursauta, appuyant presque sur la détente de son arme par inadvertance, en entendant un coup de feu fort, une grosse arme, plutôt un fusil à pompe, de ce qu’elle en reconnaissait par rapport aux sons dans les films. Cette détonation fut suivie par le bruit d’un poids lourd qui s’écrase au sol.

    Second, troisième, quatrième coup de feu.  Chaque fois suivi d’un fracas ou d’un corps qui tombe au sol.

    Toujours aussi tendue sur son arme, madame Wolkberg s’attendait à voir passer quelqu’un devant sa porte d’un moment à l’autre. Ça ne tarda pas. Une silhouette passa devant l’embrasure mais fit immédiatement marche arrière en voyant la dame armée. Le réflexe fut bon puisque le coup de feu partit rapidement et la manqua de peut.

    « Chérie ! Tu as déjà manqué de me faire tuer avec ton appel, tu vas pas me tirer dessus pour faire leur boulot, non ?

    Son mari était là. Il allait devoir lui expliquer beaucoup de choses, s’il ne voulait pas dormir sur le canapé les prochains jours.

    — Allez viens, il faut pas qu’on reste là ! annonça-t-il avant de tirer une nouvelle fois sur un assaillant. C’est bon, je crois que c’était le dernier !

    — Tu as intérêt à m’expliquer le lien entre les Hongrois et tout ce bazar ! annonça madame Wolkberg en voyant son salon complétement dévasté.

    — Pas de problème. Mais pour l’instant, tu as trois minutes pour prendre des affaires. Il faut qu’on se mette en sécurité. »

  • 098 – La synthèse

    Phrase donnée par Amelodine

    « Je ne crois pas que le produit ait une bonne couleur » dit le chimiste en agitant son flacon de phthalocyanine.

    Le liquide, au lieu d’avoir une teinte bleu, ou au pire verte, avait pris un belle couleur orange. Il n’avait aucune idée de comment cela avait pu arriver mais ça le contrariait profondément.

    Le jeune homme en blouse blanche reposa son erlenmeyer et essaya de comprendre comment il avait pu arriver à un tel résultat. Tous les flacons sur la paillasse étaient les bons, il les avait préparés lui-même. Le mode opératoire avait été scrupuleusement suivi.

    Décidemment, ça n’était pas logique. Mettant le nez au-dessus de sa mixture, le chimiste,  fut étonné de sentir une bonne odeur de jus d’orange fraîchement pressée. D’abord étonné, il sentit plusieurs fois mais ne put que tirer la conclusion que c’était bien du jus d’orange ou un ersatz très ressemblant. Très tenté de goûter, il n’osa pas, de peur de s’intoxiquer. Il devrait essayer sur les rats du labo d’à côté.

    Dans sa tête se bousculaient mille idées mais la seule qui prenait beaucoup de place lui disait qu’il avait trouvé la recette pour synthétiser facilement du jus d’orange. S’il arrivait à retrouver exactement comment il avait fait, il pourrait vendre le brevet à une grande entreprise agro-alimentaire et deviendrait riche.

    Attrapant un bécher et le mode opératoire de la synthèse du phthalocyanine, le jeune homme entreprit de recommencer l’expérience pour voir où les choses avaient dérapé et voir s’il pourrait retrouver la voie vers le jus d’orange synthétique. Il était très excité par cette découverte, partagé entre l’envie d’en parler à tous ces collègues pour les impressionner et la peur que l’un d’eux lui en vole la paternité.

    Au bout d’une heure, le chimiste avait recommencé trois fois l’expérience mais avait chaque fois obtenu le liquide bleu prévu par sa recette. Il commençait à désespérer.

    Un de ces collègues entra dans la pièce. Il s’enquit de voir le jeune homme dans un état étrange.

    « Ça va pas ? Tu as un problème pour ton expérience ?

    — Je n’arrive pas à faire ce que je veux avec cette synthèse, ça m’énerve un peu.

    L’autre attrapa les flacons les uns après les autres et les agita en les regardant avant de les reposer.

    — Ils m’ont tous l’air très bien, pourtant. Par contre, je m’attarde pas, je viens juste récupérer mon jus d’orange, je l’avais laissé là pour qu’il soit à température ambiante.

    Le jeune chimiste regarda son collègue l’air plus qu’étonné.

    — C’est ton jus ?

    — Oui, je l’ai sorti tout à l’heure, et j’ai mis… ah ça devait être à toi, il y avait un flacon de ça, dit-il en montrant les autres flacons nouvellement synthétisés. Je l’ai mis dans le frigo comme tu n’étais plus dans la pièce.

    — Ah. Oui. Merci… »

    L’autre prit son erlenmeyer de jus d’orange et sortit de la pièce, laissant le jeune homme sur ces illusions de richesse.

  • 097 – L’introduction comptable

    Phrase donnée par Luigi B.-B.

    Cet exercice me permit de réaliser que mon ancien métier m’avait appris à imaginer des introductions venues de nul part. Évidemment, dans la situation actuelle, introduire n’était pas chose suffisante. Il fallait aussi que je conclue. Et une arme pointée sur moi, ça n’était forcément si simple.

    Au moins, mes deux agresseurs semblaient captivés par ce que j’avais commencé à leur raconter.

    Sur le quai aérien de la gare, j’attendais tranquillement mon train pour rejoindre ma banlieue non moins tranquille. Je n’espérais rien de plus que de pouvoir embrasser ma femme et mes gosses et me poser dans mon fauteuil avec un bon verre de bourbon. La semaine avait été assez difficile. Je travaillais à présent dans un cabinet d’experts comptables et là, nous préparions les déclarations de nos clients. Rien de bien folichon mais ça demandait une bonne dose de concentration et c’était la période où les horaires étaient le plus élastiques. J’en avais plein les bottes.

    Et là, alors que j’étais tout seul sur ce quai, ces deux idiots s’approchèrent de moi. Le premier me demanda une cigarette, avec un ton des plus détestables et un manque total de marque de politesse. Manque de bol pour lui, je ne fume plus. J’ai réussi à lâcher cette saloperie depuis quatre ans, après la mort d’un pote, une longue histoire… Bref, je répondis au gars que non, je n’avais pas de clope, me retenant bien de rajouter que même en cas contraire, il aurait toujours pu courir pour que je lui en lâche.

    Le second me demanda si je pouvais lui prêter mon téléphone portable pour qu’il puisse appeler sa mère parce que le sien n’avait plus de batterie. Je sentais les problèmes arriver. C’était le coup classique des deux bonhommes qui veulent voler un portable ou autre chose et tentent d’abord d’endormir l’attention de leurs proies. Je mentis que mon portable non plus n’avait plus de batterie en me levant pour vérifier l’heure. Je ne voulais pas me battre et je sentais que le temps jusqu’à l’arrivée de mon train allait être long, très long. Il allait falloir palabrer pour leur tenir la jambe. Je détestais ça.

    Les deux me firent barrage, de peur que je m’enfuie ou peut-être parce qu’ils y virent un moyen facile de me faire les poches. D’ailleurs je sentis immédiatement la main du second comparse essayer de fouiller la poche de ma veste. Je lui attrapai le poignet avant même de m’en rendre compte. J’avais encore quelques réflexes.

    Repoussant mon pickpocket avec quand même une certaine délicatesse, je commençai par dire au deux qu’il n’était pas judicieux de commencer sur ce chemin, qu’il était encore temps pour eux de partir sans problème pour personne.

    Finalement, le premier sortit un couteau papillon standard, lame d’une vingtaine de centimètres, manche de merde, le tout fabriqué en Chine ou à Taïwan.

    C’est là que je partis commençai mon introduction venue de nul part, expliquant de façon plus ou moins nébuleuses l’art d’attaquer au couteau, détaillant pourquoi ce type-ci n’était pas adapté et surtout pourquoi il n’était pas adapté contre quelqu’un comme moi. Les deux idiots me regardèrent quelque peu interdis.

    C’était là, qu’il fallait que je passe au développement de mon argumentaire. Je le voyais bien dans leurs regards qui se remplissaient de colère. J’aurais pu essayer de continuer à discourir avec ces deux imbéciles mais j’étais fatigué et je voulais être tranquille le plus rapidement possible. J’optai pour la parti pratique de mes explications.

    D’un mouvement rapide, j’attrapai à deux mains ma sacoche de dossier et appuyai violemment avec contre la pointe de la lame. Celle-ci glissa dans la main de mon agresseur, le coupant profondément au passage. Profitant de la surprise, je décochai un grand coup de mon sac dans la tête du second avant de lui mettre un violent coup de pied au cul. Il s’écroula par terre lourdement.

    Le premier se tenait la main comme si elle allait tomber. Elle saignait à peine. Je lui balançai ma sacoche dans le menton, il tomba à la renverse. Pendant que son soi-disant ami prenait son courage à deux mains pour fuir, j’attrapai le blessé à moitié sonné et le traînai au bord du quai. Mon train arrivait au loin.

    Sa tête à moitié dans le vide au-dessus des voies, il essayait de se débattre pour se défaire de mon étreinte mais il n’arrivait à rien. Un de mes genoux sur sa poitrine, l’autre pied sur sa main encore en état, il était incapable de faire quoi que ce soit d’efficace, à part étaler son sang sur ma veste de costume. Je l’avais attrapé par le col et le secouait       .

    « Tu vois le train qui arrive ? Tu le vois ? commençai-je à crier.

    Oh ! Oui ! Il le voyait bien, je le lisais dans ses yeux.

    — Je pourrais attendre ici qu’il arrive et t’arrache la tête ! C’est ça que tu veux ?

    Il secoua la tête frénétiquement tout en criant que non, plus quelques excuses mal placées et tellement pathétiques.

    — Je ne veux plus jamais voir ta sale petite gueule ni celle de ton pote dans le coin si tu ne veux pas que ça arrive, c’est clair ?

    Nouveau secouage de tête mais dans l’autre sens, cette fois.

    Le train arrivait. Il nous avait vu et klaxonnait tant qu’il pouvait pour nous faire comprendre le danger. J’attendis encore un court instant pour relever mon agresseur qui regardait la locomotive comme un lapin les phares d’une bagnole, et l’envoyer valser. Je lui assenai un grand coup de pied dans le cul au passage, comme à son ami.

    — Dégage maintenant ! Et loin !! » criai-je pour couvrir le hurlement des freins.

    Les portes des voitures s’ouvrirent, laissant sortir deux, peut-être trois passagers. Je montai à mon tour, réalisant que mon ancien métier, en plus de m’avoir appris toutes les techniques de corps-à-corps utiles pour ce genre de situation m’avait permis aussi d’apprendre à faire de belles introductions pour embrouiller ces petites frappes.

  • 096 – Jusqu’à ce que la mort nous sépare

    Phrase donnée par Polgara d’Erat

    John posa son regard de braise sur l’épaule fragile et dénudée d’Amanda. La jeune femme frémit, son visage se voila de désir, si intense qu’elle en perdait presque la raison. Elle s’appuya sur son bureau, ouvrit le tiroir, laissa ses doigts le fouiller. Enfin, elle senti l’étui en cuir de son couteau.

    L’enserrant discrètement, elle fit glisser la lame hors de son fourreau avant de l’empoigner fermement. Il fallait qu’elle agisse avant qu’elle ne contrôle plus ni son désir ni son corps. Elle aimait Brandon et devait se débarrasser de son mari pour pouvoir vivre son amour sans plus de problèmes.

    Tout avait été arrangé. Brandon attendait déjà en bas de l’immeuble avec une camionnette empruntée à son travail. Il devait déjà avoir recouvert tout l’arrière de bâches pour éviter de laisser des traces de sang. Ils avaient vu ça dans une série à la télé. Une fois qu’elle l’aurait fait, Amanda appellerait son amant pour l’aider à mettre le corps dans le tapis avant de l’évacuer. Ils iraient ensuite le jeter sur le chantier où travaillait Brandon comme maçon. Ils devaient absolument se débarrasser de John ce soir, des fondations seraient coulées demain. Après ce serait trop tard et cela repousserait leur projet à beaucoup plus loin dans le temps.

    Mais John avait un charme énorme. S’il ne l’avait pas délaissée de la sorte pour coucher avec sa secrétaire, la chef de projet, et la petite salope de la cafétéria, Amanda aurait pu le pardonner, mais là, c’était trop tard. Elle était heureuse avec Brandon même s’il ne gagnait pas aussi bien sa vie. Mais son sourire, la douceur de sa voix, ses mains rugueuses fermes et douces, l’odeur de sa peau… Impossible de résister. Sous les baisers de John dans son cou, Amanda lâcha lentement le couteau, se laissant partir dans la volupté.

    Amanda fut brutalement ramenée à la réalité quand John lui susurra un mot doux mais l’appela « Christine ». La jeune femme repoussa son mari avec violence. Celui-ci bredouilla un chapelet de prénom féminin dont aucun ne correspondait à celui de son épouse. Kimberley, Sharon, Cassandra, Gertrude. Comment pouvait-il ne pas se souvenir de celle pour laquelle il avait promis amour et fidélité ? Amanda, vexée autant par le nombre de conquête qu’il semblait avoir que par son incapacité à se souvenir de son prénom, ouvrit le tiroir de son bureau en grand et attrapa son couteau.

    Se jetant, des larmes plein les yeux, la lame en avant sur John, Amanda hurla la seule phrase qui lui venait à l’esprit : « jusqu’à ce que la mort nous sépare !! »

    Son mari, surpris mais alerte recula d’un bond et attrapa la première chose qui lui tomba sous la main : un mini buste en bronze d’un illustre inconnu. Il esquiva le coup de lame d’Amanda et lui assena un coup de buste sur le coin de la tête. Amanda s’écroula en tapant le bord d’une petite table. Étalée au sol, elle ne bougeait plus. John, effrayé par ce qui venait de se passer, se pencha sur le corps de sa femme. Son pouls ne battait plus. Il eut un instant de vide, incapable de bouger, de penser, de réaliser ce qu’il venait de faire. Certes, c’était de la légitime défense et il l’avait trompée tant de fois mais il venait de tuer sa femme.

    Soudain, la porte de la pièce s’ouvrit en claquant. Un homme armé d’un revolver apparut. John le connaissait, il l’avait déjà vu à la maison. Il lui fallut un instant pour se souvenir qu’il avait été leur maçon pour la clôture. Brandon. Amanda, à l’époque avait eu l’air de s’intéresser à lui. Il n’en savait pas plus mais imaginait aisément la raison de sa présence armée.

    Brandon eut l’air de réfléchir quand il vit Amanda à terre.

    « C’est un accident ! Je le jure ! » annonça rapidement John en se relevant. L’autre pointa son arme sur lui. Avant de laisser le temps au maçon de tirer, John lança le buste qu’il avait toujours en main. L’autre se protégea. John en profita pour se jeter dessus et tenter de le désarmer. S’en suivit une bagarre violente. Les deux hommes étaient de forces égales. Ils se roulaient par terre en tenant à quatre mains l’arme à feu, chacun tentant d’en prendre le contrôle.

    Un coup partit, étouffé par les deux corps serrés l’un contre l’autre.

    John se releva en un bond, les yeux exorbités. Il regarda Brandon se débattre pendant que la tache de sang sur sa chemise s’agrandissait à vue d’œil. À présent, il avait deux cadavres sur les bras. Une légitime défense pouvait passer auprès des autorités mais deux… personne ne croirait son histoire.

    Il attrapa le buste et le mit dans les mains de Brandon puis arracha un bout de sa chemise, attrapa l’arme gisant devant le maçon en prenant soin de ne pas rajouter d’empreintes digitales, essuya bien l’arme pour faire disparaître celles qu’il avait déjà dû déposer et s’approcha de son épouse. John mit le revolver dans la main d’Amanda, posa le canon sur la tempe de la jeune femme et appuya sur la détente. Cette mise en scène devrait suffire à le disculper.

    Regardant une dernière fois sa femme et son amant, John rentra chez lui, brûla ses habits tachés de sang dans la cheminée et attendit que la police l’appelle pour lui annoncer la triste nouvelle. Il espérait juste pouvoir jouer correctement la surprise.

  • 095 – La suivre

    Phrase donnée par JohnButcher

    Je n’aurais jamais dû la suivre.

    Plusieurs fois déjà, je l’avais fait et ça m’avait mis dans un pétrin sans nom. J’avais même failli me faire tuer une fois ou deux. Mais là, alors que je marchais dans la nuit chaude et humide de cette ville en ruine, je savais, avant même que les ennuis ne commencent, que c’était une mauvaise idée. Elle était trop fugace et trop lumineuse. Elle me promettait la voie à la célébrité, comme chaque fois. Elle m’excitait au point de ne plus être capable d’avoir un raisonnement cohérent.

    De toute façon, il ne servait à rien de lutter. Dans tous les cas, résister à l’envie ne servait qu’à repousser l’inéluctable, si je ne la suivais pas à cet instant, je l’aurais fait plus tard, mais alors, il aurait peut-être été trop tard.

    L’appareil photo en main, je longeais un mur, à l’abri de la lumière, prêt à shooter tout ce qui pourrait m’offrir le Pulitzer.

    Une rafale de kalachnikov fit voler en éclat le bord du mur derrière lequel je m’abritais.

    Un frisson d’excitation et de peur me parcourt la colonne. Je n’aurais jamais dû la suivre mais j’espère que ce sera, comme chaque fois, une bonne intuition.

  • 094 – L’île d’Éden

    Phrase donnée par Anna Hat

    La lumière perçait les nuages, et formait comme un halo sur ce bout de terre merveilleux. S’illuminait devant lui une nature luxuriante : des plantes et fleurs extraordinaires aux senteurs nouvelles, des arbres fruitiers jamais connus, des animaux doux et énigmatiques, une grande joie l’envahissait et il se demandait s’il n’avait pas enfin trouver le jardin d’Éden. Il donnerait son nom à cette île et resterait célèbre auprès des générations futures.

    Se retournant vers les quelques hommes d’équipage avec lesquels il venait de débarquer, il donna une poignée d’ordre afin de préparer le bivouac. Prenant avec lui trois hommes, il décida de s’aventurer plus à l’intérieur de ce paradis.

    Était-il possible que cette terre soit inhabitée ? Certes, ils avaient navigué pendant des semaines pour arriver sur cette île qui semblait perdue dans l’océan mais était-il possible de trouver d’autres êtres humains ? Il n’en savait rien et, d’un côté, préférait rester le premier à avoir foulé cette terre magnifique.

    Le sabre à la main, le pistolet prêt à faire feu sur le premier animal dangereux ou comestible qu’il verrait, il progressait lentement dans cette jungle sauvage. Ça faisait au moins une semaine que les réserves de viande séchée avait été finies et même sans ça, après quelque temps à mastiquer ces bouts de nourriture ressemblant plus à du cuir qu’à autre chose, il lui ferait plaisir, ainsi qu’à ses hommes, il le savait, de manger un bon morceau de viande grillée par des flammes.

    Au bout d’une bonne centaine de pas dans la forêt luxuriante, il dut bien admettre qu’ils devraient peut-être rester encore quelques temps à manger leurs réserves. Les fruits étaient tous plus magnifiques les uns que les autres, et appétissants, et sentaient bon, mais personne n’en avait jamais vu de semblables et n’osait se risquer à mordre dedans. Trop de fruits colorés de la sorte étaient en réalité un poison pour l’homme. Et il avait perdu assez d’homme pendant le voyage pour se permettre de faire prendre des risques à ceux qui étaient encore en vie.

    Par contre, les animaux ne semblaient pas farouches, preuve que c’était la première fois qu’ils voyaient des humains. Évidemment, ils s’enfuyaient quand on essayait de s’en approcher de trop près mais la plupart restait en place un moment pour admirer cette nouvelle forme de vie.

    Ils étaient enfoncés d’environ deux cents pas quand les animaux les admirant partirent soudainement. S’enfuirent, même, à son avis. Une nuée d’oiseau coloré s’envola à grands cris. Le capitaine ne savait pas vraiment pourquoi mais il n’aimait pas ça. Donnant l’ordre de faire demi-tour, le petit groupe commença à s’exécuter.

    Un rugissement étrange résonna soudain. Il n’avait jamais rien entendu de pareil et commençait à comprendre pourquoi les animaux avaient fui. Faisant presser le pas de ses hommes, il se retournait sans cesse, appréhendant le moment où il découvrirait la bête qui avait poussé ce cri.

    Le feuillage derrière eux s’agita et s’écarta finalement, pour faire apparaître une espèce de lézard géant, haut comme un bâtiment de trois étages, des dents grandes comme des sabres et des yeux noirs, gros comme des boulets de canons. Et cette bestiole n’avait pas l’air content du tout.

    Le capitaine fit feu mais l’effet au mieux fut inexistant, au pire, énerva encore plus le lézard.

    Courant aussi vite qu’ils le pouvaient à travers la végétation, les marins atteignirent enfin la plage et continuèrent leur course jusqu’à se jeter dans la chaloupe. Dieu merci, le monstre s’arrêta en lisière, effrayant malgré tout, tout l’équipage qui détala comme des lapins en le voyant. Le reptile hors norme rugit encore une fois ou deux, agacé. Il claqua des dents, regardant de ses yeux noirs le capitaine, soufflant par ses narines grandes comme des sabords et tapant de sa patte griffue sur le sol de la forêt, l’étrange animal se retourna lentement pour s’enfoncer entre les arbres.

    « On est loin du jardin d’Éden, capitaine ! » lança l’un de ses hommes.

  • 093 – L’anecdote

    Phrase donnée par Masque de Mort

    « Je m’apprête à vous raconter l’anecdote la moins intéressante du monde. »

    Patrick avait annoncé ça pendant un de ces longs silences gênants de la pause café. Malgré l’ennui annoncé de ce qu’il allait relater, personne n’eut la force de l’arrêter. Ça vaudrait toujours mieux que ce silence pesant.

    « Et bien voilà, commença-t-il, essayant malgré tout de mettre un peu d’effet dans la présentation de son anecdote. Quand j’avais douze ans, mon père m’a amené faire du camping. »

    Il fit une pause, pour boire une gorgée de son café. Ces collègues aimaient bien quand il racontait des anecdotes. Il savait les rendre vivantes, mettre les pauses où il fallait, faire monter la tension. . Ils savaient que Patrick tenait à faire monter la tension.

    Jean-Philippe imaginait déjà, malgré l’avertissement du narrateur, une histoire avec un meurtrier en série qui aurait poursuivi le jeune Patrick et son père à travers la forêt. Ils auraient découvert que la voiture avait été sabotée, dû fuir, se cacher, attendre le jour, tendre un piège au tueur et le ramener à la police après avoir réussi à le capturer. Accoudé à la table, le gobelet à quelques centimètres de la bouche, il retenait déjà sa respiration.

    Bernard, quant à lui, imaginait quelque chose de plus tranquille. Le père de Patrick l’aurait emmené dans un coin tranquille de la forêt voisine et ils auraient peut-être trouvé un trésor ou une vieille pièce de monnaie. Quelque chose de simple, loin des histoires abracadabrantesques habituelles.

    Yvette, qui n’aimait pas les histoires de Patrick, n’attendait rien d’autre qu’il finisse son histoire pour arrêter d’attirer l’attention sur lui, comme il le faisait toujours.

    Manu, le stagiaire, qui avait l’habitude avec ses amis d’aller en forêt chercher une sorte bien spéciale de champignons, imagina immédiatement le père et le fils faire la cueillette et tomber malade d’avoir une amanite pour un cèpe, ou quelque chose comme ça.

    Au bout de quelques secondes et après qu’il eut bu sa troisième ou quatrième gorgée de café, Patrick n’avait toujours pas continué son histoire. Jean-Philippe n’en pouvant plus, demanda avec envie :

    « Et alors ? Il s’est passé quoi ?

    Patrick le regarda avec un regard étonné. Il cligna des yeux plusieurs fois.

    — Bah ! Rien ! Mon père m’a amené faire du camping. C’est tout.

    Il y eut un soupir d’incompréhension dans la petite salle café.

    — Hé ! Je vous avez prévenu que c’était pas intéressant, quand même ! »