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  • 022 – Le chat

    Phrase donnée Par Mélize the Fairy

    Sur le parking, il y avait un vilain chat qui me regardait de ses yeux phosphorescents.

    Rien avoir avec Garfield ou Félix ni même celui qu’avait trouvé Usagi et qui l’avait changée en Sailor Moon. Non, celui-là semblait sauvage, méchant. Il était déjà à moitié cambré. Je voyais son pelage se redresser lentement dans la pénombre. Sa gueule s’ouvrait petit à petit. Je sentais qu’il allait se mettre à feuler d’ici peu de temps.

    Mais diable qu’avait donc ce vilain matou ? Je ne lui avais rien fait. J’étais juste revenue à ma voiture avec mon chariot de courses. C’était peut-être le bruit de cet engin mal entretenu, qui couinait de façon stridente. Même moi ça m’énervait. Mais comme ils étaient tous à peu près dans le même état, je n’avais pas pris la peine de le changer.

    C’était peut-être à cause de la viande et de la charcuterie que j’avais acheté. Il devait croire que c’était une proie et me prenait pour une concurrente. Ou alors, il venait de la forêt qui jouxtait le parking du centre commercial et espérait que je lui laisse un peu de nourriture.

    « Pschhhttt ! »

    Je me sentais ridicule à crier comme ça contre cet animal pour le faire déguerpir. J’aurais dû ranger mes paquets dans mon coffre et rentrer chez moi tranquillement, tout en l’oubliant. Je ne hais pas spécialement les chats mais celui-ci ne m’inspirait pas confiance. J’avais peur qu’il se jette sur moi pendant que je lui tournais le dos, et vu son état, j’avais du souci à me faire.

    Je tapai du pied et criai encore.

    « Allez ! Va-t’en ! »

    Rien n’y fit. Il resta là. La queue droite comme un paratonnerre et les poils du dos dans la même direction.

    Il ne s’arrêtait plus de feuler.

    Au bout d’un moment, c’en fut assez. Je n’allais pas rester là toute la nuit en attendant qu’il me laisse charger ma voiture. Je pris une des boîtes de conserve que j’avais achetées, des raviolis, une grosse boîte, et je fis mine de la lui jeter dessus.

    Enfin, il déguerpit. Pourquoi n’avais-je pas fait ça plus tôt ?

    Soulagée. Je le regardais disparaître dans la lisière du bois quand j’entendis derrière moi, tout prêt, un grognement étrange. Je tournai la tête et comprit de quoi le chat avait peur. Ses feulements avaient dû couvrir le bruit de ses pas.

    Je n’eus que le temps de voir cet immense ours noir lever la patte avant de me l’abattre dessus.

  • 021 – Le canard

    Phrase donnée par Masque de Mort

    Tout en haut, il trouva un canard.

    En plastique jaune et mou.

    Petit. Ridicule. Navrant.

    Il resta un instant interloqué, ne sachant trop s’il devait tomber à genoux en hurlant de désespoir contre le sort ou sortir son épée et découper le morceau d’hydrocarbure moulé.

    Le temps passa. Il ne sut pas exactement combien. Il repensait à ce qu’il lui en avait coûté pour en arriver là. Ces années d’entraînement, ces nombreuses quêtes pour être sûr qu’il serait prêt, assez fort, suffisamment sage. Ça devait avoir payé parce que, plus jeune, arrivé si loin pour trouver ce canard, il lui aurait arraché la tête avec les dents avant de le faire fondre dans un feu de joie.

    À présent, il était là à regarder ce jouet, sans rien faire.

    Depuis combien de temps était-il là ? Une minute ? Une heure ? Plus ? Aucune idée. Il devait prendre une décision. Peut-être que ce canard était l’objet qu’il était venu chercher. Peut-être que c’était vraiment la relique sacrée du village, celle laissée là depuis des milliers d’années par les dieux anciens. Il n’y avait qu’un seul moyen de savoir si ce canard était bien l’objet qui ramènerait l’eau sur les terres arides depuis si longtemps.

    Il allait redescendre de cette montagne. Il était l’élu. Tout le monde attendait de lui qu’il revienne avec l’objet. Comment allait-il être accueilli quand tous le verrait et découvriraient la vérité ? Il n’en savait rien.

    Il ramassa l’objet et le toisa avec un mélange de mépris et d’espoir. Le canard lui rendit son regard. Ou fut-ce juste l’impression que lui renvoyèrent ces yeux à la peinture qui s’écaillait.

    Avant de le mettre dans son sac, il eut l’impression que le canard était rempli. Rempli de liquide. Curieux, il appuya légèrement dessus et de l’eau sortit du bec de l’objet en plastique. Sentant la joie monter en lui, il pointa l’horizon en direction de son village et pressa la relique de toutes ses forces. De l’eau jaillit, d’abord un mince filet, puis un ruisseau, puis un jet si puissant qu’il se transformait en torrent.

    Il resta là-haut à presser ce canard pendant trois jours et trois nuits. Sans s’arrêter. Ce ne fut que quand ses forces le quittèrent et qu’il posa un genou, harassé par la fatigue et la faim. Que l’eau arrêta de couler de la relique. Il sut que sa mission, accomplie avec tant de difficultés, avait été menée à bien.

    Après avoir dormi encore trois jours et trois nuits, il se réveilla, reposa le canard où il l’avait trouvé, en cas de besoin des générations futures, et repartit vers son village en suivant le rivage du torrent nouvellement créé.

  • 020 – La gravité

    Phrase donnée par Khyreena

    Je n’ai jamais pensé aussi clairement que depuis le jour où j’ai arrêté de croire en la gravité de ce monde.

    Avant, tout me semblait si important, si lourd de conséquences, si vital. Mon existence n’était dictée que par des « Je n’ai pas le choix », « c’est comme ça », « c’est la loi », « personne ne peut aller contre ».

    Quand j’ai quitté mon boulot, tout le monde a cru que c’était sur un coup de tête. Ils ont dit que c’était parce que je ne supportais pas la charge de travail, le poids des responsabilités.

    J’en avais juste marre d’avoir l’impression de m’enfoncer un peu plus chaque jour dans ce bourbier, de sentir l’écrasement de la culpabilité de rester en bas de l’échelle alors que j’aurai dû être là-haut, tout là-haut.

    À présent, je suis en haut de cet immeuble. Et j’ai compris.

    J’ai compris que mes soucis et mes problèmes ne sont qu’une vision de l’esprit et que ce sont eux qui m’empêchent de faire ce que je veux.

    Je regarde tout en bas, les gens sont si petits. Certains lèvent la tête et me montrent du doigt, inquiet.

    Alors que je m’élance, ils crient. Je les entends par dessus les bruits naturels de la rue.

    Je regarde le ciel et les quelques nuages.

    J’ai envie de crier de bonheur.

    Je regarde le ciel et les quelques nuages. J’ai envie de crier de bonheur. Et finalement, la seule chose qui me vient à l’esprit c’est :

    « Newton n’était qu’un boulet ! »

  • 019 – Survie

    Phrase donnée par Aloyse Blackline

    « C’est pas juste !!!

    — Écoute Erwann, s’énerva le grand-père, tu es le plus jeune donc tu prends ce qu’il reste, c’est comme ça, c’est la règle. Et puis, va parler de justice à ton père, à Sarah et à Paul !

    — Non mais je me retrouve quand même avec l’arme la plus pourrie du groupe. En fait, vous voulez que ce soit moi le prochain, c’est ça ?

    — Putain, t’es chiant Erwann ! coupa Damien, l’aîné. T’es toujours en train de te plaindre. C’est clair qu’à se rythme, on s’occupera peut-être de toi avant que ça t’arrive !! »

    Sur quoi, il démarra sa tronçonneuse pour vérifier son bon fonctionnement et surtout éviter d’entendre son plus jeune frère continuer à se plaindre.

    Ils étaient quatre survivants, Erwann et Damien, leur mère, Gisèle, et le père de celle-ci. Toute la ville avait été submergée de zombies en moins d’une journée. À présent, il fallait qu’ils quittent la zone avant que les militaires ne décident de la boucler et d’éradiquer tout ce qui pouvait être une menace. Ça se passait comme ça dans les films, il y avait peu de chances que ça se passe différemment dans la vraie vie. Ce qui était dingue pour ces quatre survivants, c’est que l’épidémie de monstres s’était déclarée ici, dans cette petite ville de province et pas à Paris. Pourtant ici, il n’y avait aucun laboratoire, aucune entreprise ou grand groupe qui travaillât dans la branche des virus ou produits du genre. En tout cas, personne n’était au courant.

    En tout état de cause, ils n’étaient plus que quatre sur la famille de sept qu’ils étaient encore peu d’heures plus tôt. Le père d’Erwann et de Damien, Martin, ainsi que leur sœur Sarah et leur autre frère, Paul, avaient été contaminés. Ils étaient partis en voiture au centre-ville pour en revenir à l’état de zombies titubants.

    Ils avaient essayé de se nourrir des autres mais Gisèle, perspicace et réactive, avait rapidement dégommé son mari sans trop de problèmes — elle avait une dent contre lui depuis qu’elle savait qu’il avait couché avec cette traînée de la compta. Il lui avait été plus compliqué de s’occuper de Sarah, même si au moment où elle avait collé le batteur électrique dans les yeux de sa fille, elle ne ressemblait déjà plus trop à l’adorable bébé aux bouclettes rebelles qu’elle voyait chaque fois qu’elle posait les yeux sur elle. La cervelle, facilement atteinte à travers les orbites, avait giclé dans toute la cuisine. Pour Paul, le troisième, c’était le grand-père qui s’en était occupé. Après lui avoir fait un croche-pied avec sa canne, il lui avait fait tomber le dictionnaire sur la tête qui s’était écrasée sous le poids du livre.

    « Quand je disais qu’il avait rien dans le crâne, celui-là ! » avait-il rajouté en regardant Gisèle, déconcertée.

    Avec tout le raffut, Damien et Erwann avaient dévalé les escaliers pour voir ce qu’il se passait et avaient frémi d’horreur en voyant ce qu’il restait d’une partie de la famille.

    « Il ne faut pas rester ici, avait dit Gisèle. Il faut prendre de quoi se défendre et trouver un véhicule avec les clefs pour partir le plus loin possible. »

    Le grand-père était allé chercher son fusil de chasse et toute ses cartouches. Pour les sangliers, les chevreuils, les palombes, tout ce qu’il avait. Gisèle avait pensé un instant à prendre l’arc de sa fille mais elle s’était doutée que les flèches, au mieux, traverseraient le corps mou des zombies, mais ne leur causeraient pas trop de dégâts. Elle avait eu du mal à se décider et finalement, avait pris le katana d’apparat que son mari avait posé fièrement au-dessus de la télé. Il n’était pas aiguisé, la lame n’était peut-être même pas en métal, mais ça serait sûrement suffisant contre ces pourritures sur pattes. Damien avait immédiatement choisi la tronçonneuse après avoir vérifié qu’il avait une réserve suffisante de carburant pour la faire fonctionner.

    Ils étaient prêts à sortir de la maison pour essayer de trouver un moyen de transport. Tout le monde enserra son arme, prêt à s’en servir, et tous sortirent par la baie vitrée du salon. Ils n’avaient pas traversé le jardin qu’une cinquantaine de zombies se dirigeaient déjà vers eux.

    Grand-père avait déjà dégommé quatre de ces « saloperies » comme il avait dit, quand les premiers des monstres furent sur le groupe. Gisèle envoya son sabre japonais en tous sens et découpa avec une étrange facilité bras, jambes et têtes de ces monstres. Damien s’en donnait à cœur-joie avec sa tronçonneuse. Il trouvait étonnamment plus drôle de découper du monstre que des stères de bois. Quand à Erwann, il restait un peu en retrait, presque honteux de cette arme censée lui sauver la vie. Jusqu’au moment où encerclé, il dut lui aussi passer à l’attaque. D’un grand mouvement en arc de cercle, il envoya son arme dans la tête du zombie qui en voulait à sa chair. La tête du monstre explosa comme le bouquet final d’un feu d’artifice de fête nationale. Erwann jubila.

    « Wouhou !! Mais en fait, elle est trop bien cette pelle !! »

  • 018 – Le temps

    Phrase donnée par Ambrose

    Le temps n’est plus ce qu’il était.

    C’est ce que je me dis chaque matin quand je me regarde dans le miroir pour me raser. Ou bien c’est moi qui vieillis. Je ne sais pas trop.

    Et maintenant, me voilà dans cette satanée salle d’interrogatoire. À perdre mon temps. Oh, je sais bien pourquoi je suis là. Ils n’ont pas eu besoin de me le dire quand ils m’ont ramassé sur les quais de Seine. Même si je me demande comment ils ont su. Je revenais d’un boulot pour un gros client. J’allais planquer à l’endroit habituel mon butin en attendant de réunir la commande complète. Heureusement, ils m’ont chopé juste avant que je ne me serve de la cachette. Ce n’est pas la seule planque que j’ai dans la ville mais c’est toujours ennuyeux d’en perdre une. Il est très difficile de trouver un abri qui résiste au temps.

    Je regarde encore une fois les murs. Il n’y a pas d’horloge. C’est à devenir fou d’être là, enfermé à imaginer les secondes s’égrainer comme le sable d’un sablier. Au moins à l’époque de cet objet, ils ne s’embêtaient pas à faire des « pressions psychologiques » en faisant poireauter un suspect pendant des heures en garde à vue. À l’époque, ils le torturaient direct, au moins on perdait pas de temps. Mais là. Là ! Je n’y tiens plus. J’ai envie de hurler. Mais je sais que c’est ce qu’ils veulent. Me voir craquer. Ils attendent que je sois à point.

    Suis-je bête. C’est ce que je devrais faire. Faire semblant de péter un câble pour qu’ils viennent enfin me parler, m’inculper, ou essayer, et me laisser partir.

    Enfin, deux agents arrivent. Ils sont en civil. Le genre décontracté. Je déteste ces gens-là. Ils sont tellement vulgaires dans leurs postures pseudo-cools. Au moins après la révolution française, les policiers étaient sérieux et prenaient leur rôle très au sérieux. Ils ne la jouaient pas les héros de série américaine.

    « Bien, bien, bien ! commence le premier en posant sur la table le bracelet franc en bronze sculpté incrusté de pierres précieuses qu’ils m’ont pris en m’arrêtant.

    — D’après nos experts, reprend-t-il, ce bijou est authentique. D’époque. Entre le IV° et le VI° siècle. On attend les analyses complémentaires au carbone 14 pour être sûr. Seulement, il n’a jamais été répertorié par aucun archéologue et ne porte aucun signe de détérioration dû à un enterrement prolongé.

    — C’est normal, il n’a jamais séjourné dans le sol, réponds-je.

    — Seulement voilà, continue le second flic, il y a un bon ami à moi qui travaille au service d’histoire du Louvre. Service du folklore régional. Et il y a peu de temps, il m’a raconté une histoire étrange d’un bracelet que Clovis aurait perdu une nuit. Une histoire racontée qui s’est transformée en légende dans un petit village de Picardie. Heureusement, il y a des écrits qui ont apporté cette histoire étrange jusqu’à nous. Clovis avait un bracelet qu’il aimait beaucoup et qu’il portait toujours. C’était une sorte de porte-bonheur. Il s’en servait surtout lors des combats. Et puis, une nuit, il a vu une personne s’introduire dans sa tente, lui prendre le bracelet et s’enfuir. Quand Clovis est sorti de sa tente, immédiatement après son voleur, celui-ci avait disparu dans la nuit. Aucune trace de lui dans le camp. Personne ne l’avait vu. Et personne n’a jamais retrouvé ce bracelet.

    — Vous essayez de me faire croire que c’est ce bracelet là, celui que j’avais sur moi ? Soyons sérieux deux minutes. Vous me dites que vous m’arrêtez sur base d’une légende d’un patelin paumé ?

    — Le truc c’est qu’il y a tout au long de l’Histoire, des légendes similaires à des lieux et de époques très différentes…

    — Sérieusement, reprends-je sans me démonter et comme si je n’avais pas entendu cette dernière phrase, c’est quoi le chef d’inculpation ? Si c’est vol, y a prescription depuis, non ? »

    Les deux flics se regardent. Le premier soupire et se lève. Il me fait signe de l’imiter.

    Après qu’il m’a libéré de mes menottes, il me raccompagne jusqu’à l’entrée du commissariat.

    « Faites attention à vous ! me préviens le second agent. Nous vous avons à l’œil. Vous ferez un faux pas un jour ou l’autre. Nous avons le temps.

    — Le temps n’est plus ce qu’il était, vous savez ! » dis-je en souriant. Avant de quitter les lieux, je demande à récupérer mon bien. Il a de la valeur et je n’ai aucune raison de leur laisser.

    Une fois loin du poste de police et de ces deux agents un peu trop pressants à mon goût, je m’arrête un instant. La rue est vide. Je range le bracelet bien à l’abri de l’air et des interférences quantiques. Je regarde ma montre. Finalement, j’ai encore le temps de revenir un peu en arrière me prévenir de cette arrestation, histoire que je sache qu’ils sont à mes basques, et d’aller récupérer les ferrets d’Anne d’Autriche avant mon rendez-vous avec le client. Je souris Après tout, j’ai toujours le temps.

  • 017 – L’amour vache

    Phrase donnée par Dexash

    « Et puis… Elle m’a embrassé. Là comme ça. Alors que trente secondes plus tôt, elle me jetait des noms d’oiseaux à la tête. »

    Pierre attendait une réaction de son ami qui remuait le fond de sa bière en la regardant. Au bout de quelques secondes qui parurent assez longues à Pierre, Jules leva le nez.

    « Effectivement, c’est assez étrange… Mais pas autant que la tête que tu me tires-là. Qu’est-ce qui te gêne ? Elle te plaît pas ?

    Pierre fut décontenancé par cette question, pourtant simple. Il resta un instant pensif, le regard dans le vide, ne voyant plus passer les voitures dans la rue derrière les arbustes qui délimitaient le café.

    — Si, évidemment qu’elle me plait. Enfin, oui, elle est très mignonne et tout mais son caractère… tu imagines ça, toi ?

    Pierre se pencha pour que les personnes aux autres tables de la terrasse n’entendent pas.

    — Après des années à me détester, à me faire des coups bas, à lancer des rumeurs à la con sur mon dos, je te rappelle que l’histoire de la chèvre, c’est elle qui l’a lancée quand même, et ben après tout ça, elle arrive et m’embrasse comme jamais personne ne m’a embrassé ? Je comprends plus rien.

    — La chèvre, c’était elle ? Jules sourit. C’était quand même bien joué.

    — Jules !! C’est pas le sujet.

    — Ouais ! mais quand même, non ? Si ça avait pas été contre toi, t’en dirais quoi ? C’était bien joué. Il faut l’avouer.

    Pierre se rejeta au fond de sa chaise et but une rasade de sa bière.

    — On peut pas discuter sérieusement avec toi ! Je sais même pas pourquoi je t’en parle !

    — Parce que ton chien est mort d’ennui la dernière fois que tu lui as raconté une de tes aventures ? »

    Pierre leva les yeux au ciel.

    Le silence se fit une minute ou deux. Il ne fut rompu que par le portable de Pierre qui se mit à vibrer. Il lut rapidement le SMS et reposa l’appareil sur la table en soufflant fort.

    « Quoi ? C’est elle ? » s’enquit rapidement Jules avec un large sourire.

    Pierre refusa de répondre. Son ami était parfois tellement puéril. Il ne voulait pas lui dire le contenu du message.

    Jules sortit son paquet de cigarettes, en sortit une et l’alluma.

    « Bon, reprit-il après avoir tiré une grosse bouffée, et il s’est passé quoi après ce baiser ? Tu m’as pas dit.

    Il semblait avoir repris son sérieux.

    — Ensuite, on est parti marcher dans la nuit.

    — Romantique à souhait.

    Jules souriait de sa façon la plus ironique possible. Pierre lui jeta un regard menaçant de s’arrêter là.

    — Et on a parlé. Enfin surtout elle. Elle m’a avoué qu’elle avait craqué pour moi le premier jour qu’elle m’avait vu et que si elle avait été odieuse avec moi, c’est parce qu’elle était dégoûtée que je fasse pas attention à elle.

    — Les rumeurs… coupa Jules.

    — Les rumeurs ?

    — Oui ! C’est quoi son explications pour toutes ces rumeurs à la con qu’elle a lancées sur ton dos ?

    Pierre sembla un peu embarrassé.

    — Elle m’a dit que c’était pour faire fuir les filles à qui je plaisais, parce qu’elle n’aurait pas supporté de me voir avec une autre.

    — C’est de la jalousie ou je m’y connais pas. Ta vie va être un enfer. Enfin, si tu gères bien, elle fera tout ce que tu veux mais faudra pas faire de faux mouvements. Si elle est aussi amoureuse qu’elle le dit.

    — Tu n’y crois pas ? s’inquiéta Pierre.

    — C’est étrange quand même. Moi, je me méfierais quand même, que ce soit pas une nouvelle de ses fourberies.

    — T’aimes pas que je sois heureux, en fait, c’est ça ? s’énerva Pierre.

    — Je suis très content pour ce qu’il t’arrive mais fait gaffe à tes arrières. Une nana qui te pourrit la vie depuis l’entrée au lycée et qui tombe dans tes bras comme ça en une soirée alors qu’elle a même pas bu… je trouve ça bizarre… Elle était bien à jeun quand elle t’a embrassé ?

    — Oui, je crois. Elle me semblait sobre.

    Pierre regardait le fond de son verre, rattrapé par la logique implacable de son ami. Jules commençait à le faire douter. Il avala la fin de sa bière d’une traite.

    — Le problème, c’est que j’ai toujours été amoureux d’elle, je crois. Alors maintenant que j’arrive à sortir avec, j’ai pas vraiment envie de rater ça. Quitte à souffrir un peu.

    Jules posa sa main sur l’épaule de son pote.

    — Je comprends tout à fait, mais fais juste gaffe à pas te faire broyer par cette fille. Elle a un caractère fort et toi, tu es trop gentil pour t’y opposer. Ça m’inquiète. Je sais ce que c’est qu’une relation à problème comme ça. En général, tu te rends compte que t’es en petits morceaux qu’une fois que tu te retrouves tout seul. Allez, il faut que j’y aille ! »

    Jules se leva, attrapa sa veste et serra la main de Pierre, laissant celui-ci à ses réflexions.

    Quelques minutes étaient passées quand il fut rejoint par sa nouvelle petite amie. Elle était belle comme un cœur et avait ce sourire béat qu’ont les jeunes amoureux fixé sur le visage.

    Pierre ne pouvait s’empêcher de voir la fille qui lui avait fait tant de mal pendant ces années mais il ne pouvait empêcher son cœur d’être sourd à ces souvenirs.

    Elle s’approcha mais ne s’assit pas à la table.

    « Pierre écoute. Je crois que c’était une erreur de ma part de t’embrasser hier soir. N’espère rien de moi. Je préférais quand même te le dire en face. Salut. »

    La jeune fille s’éloigna. Pierre était anéanti sur sa chaise. Il ne voulait pas y croire et eut même l’impression de la voir, de dos, essuyer une larme.

  • 016 – L’ascension

    Phrase donnée par Ambrose

    De là-haut on aurait pu croire que les gens n’existaient pas.

    Il était facile de comprendre pourquoi Dieu, encore plus haut, avait oublié ceux qu’il avait créés.

    L’ascension avait été difficile et très périlleuse. Il avait fallu des jours pour arriver là.

    Mais le spectacle valait le coup.

    La mer de nuages en-dessous de nous faisait comme un parterre cotonneux. J’avais envie de m’y jeter pour tester son moelleux. Heureusement, malgré l’altitude, mon cerveau recevait encore assez d’oxygène pour me rappeler l’épreuve que ça avait été pour la traverser. Et je me souvenais parfaitement que nous avions perdu encore deux de nos compagnons de cordée. Je ne serais pas le prochain.

    « Tiens ! Bois vite tant que c’est encore chaud !

    Je remerciais Thyra pour la tasse de café fumant qu’elle venait d’apporter. Je le regardai avec insistance.

    — T’inquiète pas ! J’ai pas mis de poison dedans ! » me lança-t-elle avant que je ne porte la tasse à mes lèvres.

    Nous n’étions plus que trois dans cette ascension. Plus que trois sur les vingt au départ. Plusieurs fois, je m’étais demandé pourquoi j’avais voulu être là et qu’est-ce qui me manquait sur cette terre pour vouloir m’en éloigner le plus possible. Pourquoi diable avais-je voulu gravir cette tour abandonnée depuis toujours. La curiosité de découvrir ce qu’il y avait à son sommet ou juste le plaisir de la vue ? De toute façon, maintenant, j’y étais, plus moyen de revenir en arrière. Tous les autres y étaient restés au fur et à mesure. Une véritable hécatombe.

    Nous étions encore cinq quand l’un de nous avait émis l’étrange idée que pour pouvoir continuer dans la tour, il fallait qu’environ à chaque kilomètre, l’un des membres de la cordée meure. C’était complétement farfelu comme idée. Même s’il était vrai que nous avions perdu des membres de façon assez régulière, peut-être trop régulière. Et puis, nous étions vingt au départ pour l’ascension d’une tour qui aux dires des anciens en mesurait vingt kilomètres. La théorie se tenait mais c’était trop bizarre comme idée.

    Nous avions traversé la mer de nuages et nous avions perdu deux personnes, dont le malheureux prophète…

    Mon café fini, je me relevai et manquai de tomber de la tour. Le manque d’oxygène. La fatigue. Après tous ces efforts, rester immobile quelques instants semblait m’affecter fortement. Il ne fallait que nous bougions.

    Il n’était pas très tard et nous pourrions encore gravir un bon kilomètre avant de nous poser pour la nuit. Je rejoignis Thyra qui se trouvait non loin. Elle aussi était assise sur le bord de la tour. À ce niveau, elle n’était plus très large, pas plus de trente mètres de diamètres. L’ascension continuait par un petit escalier en colimaçon à moitié délabré par les vents violents et ne présentant que peu de protection pour ceux qui le gravissaient. Là, un faux pas ou une bourrasque un peu trop forte et c’était la chute assurée dans la mer de nuages.

    Je tendis la main à ma compagne de cordée pour l’aider à se relever et éviter qu’elle ne tombe comme j’avais failli le faire. Une demi-seconde l’histoire de notre compagnon me traversa l’esprit en même temps que l’idée de pousser la jeune fille. Si effectivement il ne pouvait y en avoir qu’un qui arrive au sommet, je devais peut-être faire quelque chose pour que ce soit moi.

    Je me repris rapidement. Je ne croyais pas à ces balivernes. Tous les autres y étaient restés parce qu’ils n’avaient pas le niveau physique suffisant ou un mental assez fort pour résister. Nous arriverions ensemble.

    « Où se trouve Mirk ? demandai-je comme je ne le voyais plus.

    — Il est parti devant pour voir.

    Thyra frissonna. Elle se blottit contre moi. Je sentis la chaleur de son corps. C’était agréable.

    — Nous avons tiré à la courte-paille, reprit-elle.

    Je la repoussai délicatement et la dévisageait. Je ne comprenais pas ce qu’elle voulait dire.

    — C’est moi qui ai perdu, avait-elle continué.

    — Perdu pour quoi ? C’était quoi l’enjeu ?

    — Savoir qui… »

    Thira se cacha le visage comme elle commençait à pleurer. J’essayai de la prendre dans mes bras pour la consoler sans vraiment comprendre de quoi et dans un mouvement violent, elle me repoussa. Je partis en arrière, mon pied s’enfonça dans le vide.

    Je ne vis qu’un de ses yeux quand elle releva la tête mais je fus sûr qu’il n’y avait pas de larme.

  • 015 – La bonne marraine

    Phrase donnée par Dexash

    Du dernier étage, elle observait le couple se déchirer.

    Ça n’était pas la première fois qu’ils se disputaient de la sorte. Presque tous les soirs depuis quelques mois, ils en arrivaient au même point.

    Elle les regardait se déchirer et comme chaque soir, elle s’inquiétait de l’état de leur couple. Tout avait semblé s’envenimer à la naissance de leurs enfants. Il est clair que d’avoir à gérer quatre bébés d’un coup n’est pas une chose simple, même pour des gens aussi entourés que la princesse et son mari. La fatigue les rendait irascibles et la nouveauté d’avoir à s’occuper de petits êtres n’aidait pas à la sérénité.

    Pourtant, il était clair que ce n’était pas tout. L’entente quasi-parfaite qui avait fait la réputation du couple ne pouvait pas être corrompue que par la naissance de ces quadruplés. Il y avait forcément quelque chose derrière. Déjà la grossesse multiple était étrange. Dans aucune des deux familles, il n’avait été recensé de jumeaux. Certes, on avait déjà connu des femmes ayant deux voire trois enfants d’un coup malgré des familles sans antécédents, mais quatre, personne n’en avait jamais entendu parler.

    La seule raison plausible qu’elle voyait était la malédiction. Son problème était qu’elle n’arrivait pas à la repérer. Et pourtant c’était la meilleure à ce jeu là. C’était d’ailleurs pour ça que le roi l’avait tirée de sa tanière au milieu de la forêt pour la faire venir vivre au château. Elle avait, depuis, fait tout ce qu’elle avait pu pour mettre à profit ses pouvoirs.

    À présent, elle essayait de trouver qui avait bien pu jeter un sort sur la princesse ou son mari. Elle ne trouvait pas et commençait à désespérer, s’inquiétant pour ses pouvoirs comme pour le couple. Elle les aimait tant. Elle avait vu naître la princesse et l’avait vu grandir. C’était comme une fille pour elle.

    Elle attrapa dans un des nombreux pots en terre une poignée de poudre de sa fabrication et retourna près de la fenêtre. Elle saupoudra l’air et attendit que le couple retrouve la quiétude et l’harmonie qui avait fait sa célébrité dans le royaume. Cela prenait de plus en plus de temps pour faire effet.

    Du dernier étage, elle observa le couple regagner ses appartements, de nouveau amoureux comme au premier jour.

    Du dernier étage, elle regarda l’horizon sombre de la nuit, s’inquiétant pour l’avenir si elle n’arrivait pas à trouver la source du problème.

  • 014 – Les étoiles

    phrase donnée par Astray

    Le truc bien avec les étoiles, c’est qu’elles sont suffisamment loin pour que les habitants potentiels puissent nous ignorer sans qu’on le sache.

    Tant qu’ils restent sur leurs planètes respectives.

    Évidemment, si tous décidaient d’aller voir ce qu’il se passe chez les autres, je ne sais pas ce qu’il se passerait.

    Nous sommes partis depuis si longtemps de chez nous. Je ne suis même pas sûr de savoir combien de générations sont nées à bord de notre vaisseau. Je ne sais pas s’il reste des gens sur Terre pour se souvenir que nous sommes partis ni pourquoi nous l’avons fait.

    Je souris.

    Je dis « nous » mais je n’y étais évidemment pas. Mon aïeul devait le savoir mais la raison qui nous est parvenue doit avoir été déformée par les souvenirs. Surtout depuis que la base de données du vaisseau a été détruite suite à une avarie.

    Depuis les savoirs se transmettent de manière orale, à la façon des anciens temps. Ils me semblent aussi irréels que les temps dit modernes qui nous ont vus partir vers une autre planète. La Terre était mal en point, les problèmes s’accumulaient, l’air n’était plus respirable, l’eau plus potable, la vie disparaissait lentement mais sûrement. Peut-être sommes-nous les derniers représentants d’une espèce éteinte depuis des centaines d’années.

    À présent, le commandant du vaisseau nous mène là où ses ancêtres lui ont dit que nous avions prévu d’aller. Nous ne sommes pas sûrs d’y trouver une terre d’accueil mais nous n’avons nulle part d’autre où aller. L’énergie utilisée pour le voyage ne nous permet pas d’aller ailleurs que sur cette petite planète.

    Que je ne verrai jamais.

    Il est prévu que nous y arrivions dans cent-vingt ans environ. Je serai morte et mes enfants le seront sûrement aussi. Ici, il n’y a pas de politique de maintien en vie à tout prix. De toute façon, personne ne veut rester dans cet environnement trop longtemps. Si on ne sert à rien, on est un fardeau pour les autres, alors autant mourir et être recyclé pour nourrir ceux qui restent.

    Des fois, j’ai l’impression que nous sommes des prisonniers. Je ne sais pas quels crimes ont commis nos ancêtres mais nous les expions de générations en générations, enfermés dans cette petite boîte de métal propulsée à trois fois la vitesse de la lumière à travers les astres.

    Il est étrange de se dire qu’avant, une personne qui levait les yeux au ciel étoilé voyait ce que toutes les personnes qui étaient passées là avant elle voyait. Moi, d’un jour à l’autre, je vois les astres sous des jours différents. Des jours. Quelle drôle d’expression qui nous reste d’un monde inconnu pour nous qui sommes dans l’obscurité de l’univers toute la journée.

    Nos premiers scientifiques se sont rendu compte qu’une journée de trente heures était le temps optimal pour nous. Alors les lumières artificielles ont été reréglées pour ce faire. Les jours comme nos ancêtres les ont connus sur Terre sont quelque chose de complétement inconnu pour nous.

    Des fois j’ai l’impression que nous sommes des rats de laboratoire dont le propriétaire serait mort. Nous continuons notre vie comme si de rien n’était mais nous n’avons pas vraiment de but. À part cette planète. Espérons qu’elle ne soit pas habitée ou alors pas par des gens hostiles.

    « Chérie ? Que se passe-t-il ?

    — Rien, rien… Je n’arrivais pas à dormir.

    — Encore ? Ça arrive de plus en plus souvent ces temps-ci. Qu’est-ce qui ne va pas ?

    Je m’éloigne de la grande fenêtre qui donne sur l’immensité du cosmos et m’assoit dans le bord du lit.

    — Des fois, j’ai l’impression que nos vies ne mènent à rien. »

    Mon mari va pour me dire quelque chose qu’il voudrait réconfortant mais qui n’arrivera pas à me sortir de cette dépression mais il se ravise. Il fixe la baie, se lève et s’en approche, la bouche toujours ouverte. Étonnée, je le rejoins. Qu’a-t-il pu bien voir de si spécial ?

    « Là-bas » réussit-il à peine à articuler quand j’arrive à sa hauteur. Du doigt, il me montre un objet qui n’a pas l’air d’être un corps céleste et qui se dirige droit sur nous. Très vite. Ça a l’air propulsé. Il y a une forte lueur derrière.

    Je me précipite vers le téléphone et appelle la salle de commandement. Il est impossible que nos radars soient passés à côtés.

    Je lâche un juron. La ligne est occupée.

    L’objet ralentit et vient se positionner à côté de nous. C’est un vaisseau. Il est très différent du notre et il est trop loin pour que j’arrive à distinguer quoi que ce soit à travers ses fenêtres.

    Soudain, les haut-parleurs du vaisseau résonnent avec la voix de notre commandant :

    « Mesdames et messieurs. Ceci n’est pas un exercice. Nous venons d’être accostés par un vaisseau d’une planète inconnue. Nous avons réussi à nous transmettre des informations mais nos langages sont très différents. Il nous est pour l’instant impossible de savoir si ces êtres sont pacifiques ou non. Restez sur vos gardes mais accueillez-les du mieux que vous le pouvez. »

    Des larmes coulaient le long de mes joues. C’était le jour le plus beau de ma vie. J’avais l’impression qu’elle commençait pour de vrai. Quoi que ces êtres nous apportent.

  • 013 – L’atome

    Phrase donnée par Lyco

    Quand elle ouvrit la porte, les atomes reprirent tous leur place. Sauf un.

    Lycia revérifia tous les paramètres de transfert. Il semblait que tout s’était bien passé, pourtant. Alors pourquoi lui manquait-il un atome ?

    Et d’ailleurs, de quel atome s’agissait-il ? La jeune femme entreprit de lancer l’analyse pour le découvrir.

    Il était assez difficilement concevable qu’il manque quoi que ce soit. Elle se sentait complète, cela dit. Pourtant la machine était formelle. Et même si les dix dernières années n’avaient vu aucun accident de téléportation se produire, il n’était pas impossible qu’il en arrive un. Mais pourquoi serait-ce arrivé à elle ?

    Des fois, Lycia se disait qu’elle attirait les problèmes.

    Déjà le matin même, elle avait été obligée de changer en urgence de tailleur à cause de ce nouveau garçon qui venait d’être embauché, Hurby. Cet empoté lui était rentrée dedans quand elle sortait de l’ascenseur, renversant son café encore bouillant sur sa tenue.

    Il avait beau s’être excusée avec véhémence et avoir un sourire à se damner, Lycia lui en voulait. Ou lui en voulait-elle parce qu’elle avait peur de ce qu’il avait bien pu penser d’elle ?

    Elle ne savait pas.

    L’analyse terminée, le rapport indiqua qu’en réalité il ne lui manquait pas d’atome. Il avait juste été échangé par un autre, qui ne lui appartenait pas. Mais qu’est-ce que c’était que cette histoire ? Depuis quand la machine échangeait des atomes pendant les transferts ? Et puis après, quoi ? Elle deviendrait une autre, petit à petit, chaque jour qu’elle se téléporterait ? Chaque fois qu’elle irait au travail, en vacances ou voir ses amis ? Certes ce n’était qu’un atome et il faudrait des millions, voire des milliards d’années pour la changer entièrement, mais sur le principe, elle n’était pas d’accord. Hors de question qu’une machine ne la change de la sorte.

    Dès le lendemain matin, elle appellerait Lightspeed Travels et leur expliquerait sa façon de penser.

    Arrivée chez elle, Lycia essaya de penser à autre chose.

    Elle repensait à cet Hurby. Elle avait dû passer pour une folle, vue la façon dont elle avait réagi. Lui avait su rester très calme malgré son air plus que gêné. Il lui avait même proposé de payer la note de teinturerie, ce qui était sympa puisqu’elle aurait pu faire attention avant de sortir en trombe de l’ascenseur.

    Lycia fut interrompu dans ses réflexions par son téléphone. Elle regarda le numéro mais elle ne le connaissait pas. Maugréant intérieurement contre les gens qui appelaient à n’importe quelle heure de la nuit en se trompant de numéro, elle décrocha.

    « Allo ? Bonsoir.

    Lycia reconnut immédiatement la voix. Elle se redressa dans son canapé et coupa le son de sa télé.

    — Je suis bien chez Lycia Saint-Clair ? continua l’interlocuteur.

    — Oui ? Qui la demande ? La jeune femme essaya de rester le plus calme possible.

    — C’est Hurby, Hurby van Broot. Je suis le nouveau. C’est moi qui vous ai ruiné votre tailleur ce matin.

    — Ah, oui, Hurby. Elle gardait son ton le plus neutre pour essayer de ne pas s’emballer. Que se passe-t-il pour que vous m’appeliez aussi tard ? Rien de grave ? Comment avez-vous eu mon numéro d’ailleurs ?

    Le jeune homme devint hésitant.

    — C’est le patron qui me l’a donné… Je… Je suis désolé de vous embêter à cette heure si tardive mais voilà… en rentrant chez moi ce soir, je me suis rendu compte qu’il me manquait quelque chose et après quelques recherches, il semblerait que ce soit vous qui l’ayez.

    Quoi ? Il l’appelait pour l’accuser de vol ? Il était dans la boîte depuis même pas une semaine et il l’accusait, elle qui était là depuis presque six ans à faire un boulot irréprochable, de lui avoir dérobé quelque chose ? Mais pour qui se prenait-il ?

    — En fait, vous m’avez pris quelque chose mais je n’en suis pas sûr, c’est pour ça que je vous appelle. Juste pour être sûr.

    — Mais de quoi parlez-vous ?

    — Ce soir en rentrant chez vous, le téléporteur ne vous a pas indiqué qu’il vous manquait un atome ?

    — Euh… Si ! Mais comment le savez-vous ?

    — Je crois que ce matin, en nous percutant, nous avons échangé cet atome. À moi aussi il m’en manque un.

    Lycia se sentit un peu décontenancée.

    — Alors ça ne vient pas de la machine ?

    — Apparemment pas.

    — Comment est-ce possible ? Et comment allons-nous faire pour nous rendre nos pièces ?

    — Je n’en sais trop rien, mais si vous n’êtes pas trop fatiguée, nous pourrions en discuter autour d’un petit verre.

    — D’accord ! »

    Après s’être donnés rendez-vous dans un bar non loin de chez eux, Lycia raccrocha. Elle sourit en se disant que le mélange de particules était une technique de drague qu’on ne lui avait encore jamais faite.