Tag: Celle de X

  • 048 – La pivoine

    Phrase donnée par Celle de X

    « C’est joli les pivoines ! »

    Anter, l’armoire à glace, assis sur son rocher le long du chemin, tenait la fleur et la regardait comme la chose la plus précieuse qu’il avait pu voir dans sa vie.

    Son compagnon, Cribb, à peine plus petit mais beaucoup plus malingre était debout, à côté de lui. Il regardait aux alentours, attendant le passage des voyageurs. L’ingénuité de son compagnon l’exaspérait toujours un peu.

    « Tu trouves pas ça joli, Cribb ? reprit le géant.

    — Anter, mon cher, ça ne sera jamais aussi beau qu’une bourse bien remplie !

    — Tu es tellement terre à terre des fois.

    — Ah ! Voilà enfin de la clientèle. Je croyais que personne ne passerait aujourd’hui ! »

    Anter sauta de son rocher et fit trembler un peu le sol en atterrissant. Il déposa délicatement la fleur fraîchement coupée et attrapa sa grosse hache. Cribb dégaina sa rapière. En général, les voyageurs observant le spectacle de ces deux bandits sur le pied de guerre n’opposait pas de résistance et se délestaient volontiers de leurs bourse et bijoux.

    Celui-ci arriva tranquillement vers les deux compères. L’homme, malgré le fait qu’il se déplaçât à pied, semblait fort bien vêtu. Sa houppelande montrait une qualité de tissage et de broderie qu’en général seuls les nobles pouvait se payer, mais ceux-ci se déplaçait plus fréquemment à cheval.

    Cribb ne savait pas trop quoi en penser. Le voyageur qui avait parfaitement vu les deux hommes au milieu du chemin, n’avait pas, comme la plupart le faisait, dévié sa trajectoire pour tenter de les éviter. Il était allé directement sur eux. Quand il fut à une dizaine de pas de lui, Cribb prit la parole :

    « Bonjour, noble voyageur ! Cribb parlait toujours avec de grands gestes, imitant de façon moqueuse les révérences faites à la cour. Le tout, l’épée à la main, faisait toujours un effet certain sur les plus téméraires des personnes qui passaient par là.

    — Ne continue pas plus loin, l’ami, répondit le voyageur, la voix assurée et le timbre grave. Vous allez, ton ami et toi, gentiment me proposer de ménager mon voyage en me soulageant d’une partie de ma charge.

    — Assurément !

    — Et pour vous remercier de m’aider dans mes efforts, je vais devoir, en plus de me délester de ma joaillerie, vous payer ce service si aimable.

    — Parfait ! Si le contrat est connu et, semble-t-il, accepté, passons donc à l’échange de services.

    — Je n’ai pas dit que j’acceptais. Mais si vous voulez bien me laisser passer, je vous laisserai la vie sauve.

    — Allons… commença Cribb, prêt à rire de ces menaces, mais il s’arrêta alors que le voyageur dégainait à son tour.

    — Je me doutais bien que les célèbres Anter et Cribb ne laissaient jamais personne sans les délester ! Passons aux choses sérieuses, je n’ai pas envie de perdre trop de temps ! » annonça-t-il en se mettant en garde.

    Cribb, surpris autant par les manières de cet homme que par sa célébrité, ne se laissa pas plus impressionner. Haussant les épaules, il imita son adversaire. Ils n’attendirent pas longtemps pour commencer le combat. L’homme était rapide et connaissait ses techniques. Cribb avait peut-être une très grande expérience dans les combats — non académiques — mais l’homme en face de lui avait un niveau bien supérieur.

    Rapidement, Cribb fut touché à l’épaule puis à la jambe. Alors qu’Anter levait sa hache pour l’abattre sur ce récalcitrant qui venait de blesser son ami, il fut transpercé directement dans le cœur. Le géant s’effondra, mort.

    Cribb essaya de se relever.

    « Tu es fort, l’ami, mais je me battrai jusqu’à la mort pour venger mon ami ! annonça-t-il plein de fierté.

    — N’aie crainte, tu vas le rejoindre rapidement !

    L’homme laissa au bandit le temps de se relever.

    — Qui es-tu ?

    — Je suis le chevalier de la Hordy, chef de la garde royale. J’ai reçu l’ordre de venir m’occuper de vous deux ! »

    Et d’un coup, le chevalier trancha la moitié de la gorge de Cribb.

    Surpris autant par la quantité de sang que par cette attaque qu’il n’avait pas vu venir, le brigand porta la main à son cou. Il tituba, essayant de s’appuyer sur le rocher dont se servait de siège son ami pour se maintenir debout. Sa main glissa, emportant dans sa chute la fleur de son ami, déjà dans l’autre monde.

    Le chevalier tira un tissu de sa poche, essuya sa lame, la rengaina puis partit sans même se retourner.

    La dernière chose que vit Cribb fut cette pivoine baignant dans son sang.

    Anter avait raison. C’était une jolie fleur.

  • 031 – Le poignet

    Phrase donnée pas Celle de X

    « Trois métacarpiens étaient fracturés ainsi que l’amatum et le triquetrum ! annonça le médecin.

    — Faut être un sacré branleur pour arriver à se péter tout ça d’un coup, rajouta la manip radio.

    Le docteur lui lança un regard sévère, puis retournant la radio de la main et du poignet :

    — Il s’est fait ça comment ?

    — D’après lui, une chute, mais j’ai du mal à y croire.

    — Quel âge il a ce garçon ? 15, 16 ans ?

    — Soixante-douze.

    — Pardon ? C’est impossible ! Vous avez mélangé les clichés. On voit bien que ce patient-là a encore son cartilage de croissance !

    — Peut-être mais c’est sûr que c’est bien le cliché de ce monsieur. C’est moi qui ai fait la radio, je sais ce que je fais encore ! Mais bon, il fait quand même assez jeune pour son âge, alors il a peut-être un problème d’hormones qui le font vieillir moins vite et ça aura empêché son cartilage de s’ossifier. Je sais pas.

    — Je n’ai jamais vu ça de ma carrière, ni jamais entendu parler d’une chose pareille. C’est la première fois qu’il vient chez nous ?

    — Oui, je crois. Je peux demander aux secrétaires, si vous voulez.

    — Faites-le plutôt rentrer en salle de radio, je vais l’examiner. Il faut que je voie ça de mes yeux. »

    Le manip radio, sceptique, alla dans la salle d’attente récupérer le patient au poignet d’adolescent et l’emmena dans une des salles et prévint le radiologue.

    Le patient ressemblait à un homme dans la force de l’âge. Il se tenait bien droit et bougeait comme si de rien n’était. Normalement, il aurait dû garder sa main contre lui, de façon à la garder bien immobile et éviter les douleurs.

    Le docteur s’assit sur un tabouret et invita cet étrange bonhomme à faire de même. Il manipula le poignet cassé et pourtant le vieux n’avait pas l’air d’avoir mal.

    « Monsieur, commença le radiologue, pouvez-vous me rappeler votre âge ?

    — J’ai soixante-douze ans.

    — Vous êtes vous déjà cassé quelque chose ?

    — Non, docteur, jamais.

    — Et quand je vous manipule le poignet, ça vous fait mal ?

    — Non, plus maintenant, répondit l’homme étonné. C’est ma fille qui m’a poussé à venir. Je lui ai dit que ce n’était rien. Mais elle a insisté. Vous savez comme les enfants s’inquiètent quand on atteint un âge certain. Vous avez des enfants, docteur ?

    — Oui, une fille moi aussi, mais elle est encore trop jeune pour s’inquiéter pour moi. Monsieur, cela vous dérange-t-il si je fais reprendre une radio de votre poignet ?

    — Non, évidemment, docteur. Mais ce n’est rien de grave, dites-moi ?

    — Non, non, juste un cliché de contrôle pour vérifier quelque chose qui apparaît mal sur le précédent.

    Le docteur se leva.

    — Restez assis, je vous envoie le technicien qui va prendre une nouvelle radio, ça ne prendra qu’une minute. »

    Le docteur récupéra son manipulateur et l’envoya refaire exactement les mêmes clichés que précédemment. Une fois celui-ci développé, ils restèrent comme deux ronds de flancs.

    « C’est pas possible ! lança finalement le docteur. Il n’y a plus rien !

    — Si j’avais pas fait les radios moi-même, j’aurais du mal à croire que c’est la même personne à vingt minutes d’intervalles.

    — Irréel. Il faut qu’on lui fasse des tests. Je dois savoir comment il arrive à guérir comme ça. Vous imaginez ce que ça peut apporter à l’humanité, la capacité à guérir d’une fracture dans la journée ? Allez me le chercher, il faut que je lui parle ! »

    Le docteur s’imaginait déjà prix Nobel de médecine quand son technicien revint penaud. Il annonça que le patient était parti et que le formulaire qu’il avait rempli était tellement illisible qu’il serait impossible de le retrouver.