Tag: Charly aka Lapin

  • 065 – La ficelle

    Phrase donnée par Charly aka Lapin

    Tant d’année d’abnégation réduite à néant par cette ficelle qui décida sans doute que l’expérience devait s’arrêter là.

    Les deux planètes allaient recommencer à s’éloigner l’une de l’autre. L’expérience avait duré près de cent vingt ans. C’était terminé.

    La ficelle était le surnom donné par la population des deux mondes mais en réalité c’était un ensemble de câbles plantés à plusieurs kilomètres de profondeur dans le sol et tissés les uns aux autres. Ils attachaient ensemble deux planètes voyageuses, c’est-à-dire qu’elles n’étaient pas fixées à des systèmes solaires. Le but premier de cette ficelle avait été de relier deux mondes finalement assez proches pour pouvoir les stabiliser près du soleil Gran’Nivra. Ce qui avait permis aux habitants de Triquan et de Velmar, en plus de côtoyer d’autres habitants de la galaxie paisible, chose assez rare pour être soulignée, de pouvoir bénéficier de climats plus agréables.

    Triquan et Velmar sont deux planètes assez petites avec une population d’environ soixante-dix millions de personnes pour la première et cent vingt millions pour la seconde. Elles étaient habituées aux hivers rudes et extrêmement longs, dû aux longues périodes loin de sources de chaleur, mais les populations connaissaient cela depuis des millions d’années et savaient très bien le gérer.

    Cependant, quand les scientifiques de Velmar, un peu plus avancés, on découvert l’existence de Trisquan et calculé que les deux planètes très proches l’une de l’autre au passage du soleil Gran’Nivra, ils ont établis le contact avec leurs homologues et ont entrepris d’installer la ficelle.

    Il aura fallu du temps pour arriver à planifier tout cela, mais finalement, tout se fit sans problème. Les peuples virent immédiatement l’extrême utilité d’entrée en orbite d’un soleil permanent, malgré les quelques inconvénients prévus par les modèles théoriques des scientifiques, comme le déplacement du centre de gravité des planètes, par exemple.

    En moins de cinq ans, les câbles furent installés sur les planètes, le plus compliqué ayant été de ne pas détruire leurs noyaux en creusant les fondations du monument.

    Il y eut de nombreuses fêtes. Pour célébrer la fin de la pose des câbles, le mélange des atmosphères, la fin de la mise en tension de la ficelle.

    Évidemment quand les premiers tremblements de terre se sont fait ressentir, des opposants à se projet sur les deux mondes crièrent à la fin du monde et à la folie scientifique mais tout cela avait été prévu et expliqué. Le déplacement du centre de gravité entraîna forcément quelques changements. Des montagnes se « formèrent » autour de la ficelle, laissant plus de mers aux points opposés.

    Velmar et Triquan n’était plus éloignées que de cinq kilomètres. C’était une vision étrange et magnifique. Les gens pouvaient se déplacer d’un monde à l’autre sans problème. Il suffisait de gravir les montagnes d’un côté puis arrivé au milieu de la ficelle de se laisser « tomber » vers le sol de l’autre monde. Sensation étrange et magique.

    Les deux planètes tournant autour de cette ficelle, les forces qu’elle subissait étaient tout bonnement gigantesques. Il fallait entretenir ce monument et cela demandait beaucoup de temps, de main d’œuvre et d’argent. Mais la douceur de la vie apportée par l’orbite autour d’un soleil valait la peine de tous ses efforts.

    Et puis un beau jour, sans prévenir, malgré le soin qui lui était apporté, la ficelle lâcha.

    La population fut immédiatement paniquée. Personne, sur aucune planète, ne voulait reprendre le voyage interminable dans l’espace et l’hiver intersidéral mais il ne fut rien possible de faire. En mois de quatre heures les planètes étaient déjà éloignées de mille kilomètres, sans compter que de nouveaux tremblements de terre apparurent pour remodeler chaque planète. Rien ne fut possible.

    Velmar et Triquan reprirent leurs voyages respectifs vers un bout de la galaxie dans le froid et l’obscurité, pleurant déjà la perte du soleil Gran’Nivra.

  • 052 – L’échec

    Phrase donnée par Charly aka Lapin

    « Avé César, je sais que vous espériez fort que notre mission réussisse, mais je dois vous avouer que votre navire à échoué. Laissez-moi vous expliquer. »

    Le stress du général qui annonçait à César la mauvaise nouvelle était palpable. Sa voix était mal assurée, de grosses gouttes de sueur perlaient sur son front, il avait le regard fuyant et préférait fixer les pieds de l’empereur plutôt que son regard. Il craignait pour sa vie, connaissant les réactions brusques de l’ancien général. César ne lui laissa pas le temps d’ajouter quoi que ce soit. Il entra dans une fureur violente, envoyant voler son gobelet de vin à travers l’immense salle du trône. Le récipient rebondit plusieurs fois, le son métallique déchirant littéralement le silence.

    L’empereur se leva d’un bond et commença à marcher en tout sens, d’un pas rapide.

    « Je ne vous ai pas demandé une chose très compliquée, il me semble. Cette mission n’était pas plus difficile que de diriger une légion contre des barbares, si ? Non ! reprit-il sans laisser le temps au général de répondre. Alors comment voulez-vous que je comprenne que vous avez été incapable de retrouver cette femme ? Vous aviez le meilleur navire de Rome, le plus rapide et le mieux armé, des hommes entraînés, suffisamment de moyen pour faire tomber Carthage ! Expliquez-moi ce qui fait qu’une simple femme, seule, a réussi à s’enfuir, à vous filer entre les doigts !

    — C’est que…

    « Elle pourrait s’être enfuie grâce à une tempête, à un monstre marin ou à l’intervention de Jupiter lui-même que je n’accepterais pas d’excuse ! Général, vous n’êtes finalement qu’un incapable !

    César attrapa le glaive du garde le plus proche de lui et retourna l’enfoncer rapidement dans le flan du malheureux général qui écarquilla les yeux de douleur pendant qu’agonisant, il se faisait pousser au sol d’un coup de pied par son meurtrier.

    — Et vous savez ce que je fais des incapables. » ajouta-t-il plus pour l’assistance que pour le mort.

    L’empereur lança le glaive, dégoulinant de sang, à son propriétaire qui le rattrapa et le rangea comme si de rien n’était.

    César semblait rasséréné. Pendant que deux gardes emportaient le corps dans une traînée rouge se mêlant aux restes de vin, il se rassit sur son trône et posa la joue sur son poing, le coude en appui sur l’accoudoir.

    Après un court instant, il soupira fort, se leva et partit en direction de la sortie de son palais.

    « Rien n’est plus énervant que de devoir faire les choses soi-même pour qu’elles soient bien faites ! » l’entendirent ruminer les gardes.

  • 026 – La crevasse

    Phrase donnée par Charly aka Lapin

    Le soleil, après deux ans perdu dans cette crevasse, je suis tellement pressé de retrouver mes enfants.

    J’ai tellement cru que je ne sortirais jamais de là. J’aurais dû écouter ma femme, le jour où j’ai décidé d’aller faire de la spéléologie tout seul comme un grand.

    Je n’étais absolument pas préparé à vivre cette mésaventure. Qui l’aurait été ? Deux années bloquées dans les boyaux de la Terre. Je n’ai survécu que grâce à l’eau qui ruisselait par là et cette sorte de mousse qui poussait heureusement un peu partout. Au début, je trouvais que ça avait un goût de terre mais au bout d’un certain temps, je ne sais pas combien, je me suis habitué. Je ne savais pas pourquoi je continuais à me nourrir et à boire mais même dans mes pires moments d’égarement, je n’ai pas réussi à me résigner à me laisser mourir. La pensée de mes enfants, malheureux à l’idée de ne plus jamais me revoir m’en empêchait.

    Au début, il me restait la lumière. Quand j’ai compris que j’étais perdu dans ce dédale, j’ai attendu. Je me suis dit que quelqu’un viendrait me chercher. J’ai économisé la lumière pour qu’elle dure le plus longtemps possible. Je me souviens d’histoire de spéléologues chevronnés qui s’étaient retrouvés bloqués et qui n’avaient pu être sauvé qu’au bout de deux longues semaines. Il fallait être prévoyant. J’économisais la nourriture et même l’eau potable. Mais finalement, je suis tombé à court très rapidement. Quand on est habitué à faire trois repas par jour, il est très difficile de se rationner. Surtout quand on est bloqué dans le noir, sans rien à faire.

    J’ai compté les jours les premiers temps. Je sais que la lumière m’a lâché au bout de huit jours. Après je continuais à compter grâce à ma montre mais je ne voulais pas ruiner la batterie trop rapidement avec le rétro-éclairage donc je me forçais à ne pas regarder trop souvent la date ou l’heure.

    Finalement, au bout de trois mois, je crois que j’ai sombré dans la folie. J’ai essayé de me laisser mourir de faim mais la douleur au ventre était trop forte. Je n’ai pas réussi. Avec le temps, j’avais l’impression de devenir tel Golum dans sa grotte.

    Ce qui m’a sauvé la vie, c’est cette mousse. Non seulement parce qu’elle m’a nourri pendant si longtemps mais parce que pour en trouver chaque jour, j’ai été obligé de me déplacer. Et c’est grâce à ça que je suis revenu sur une zone de passages réguliers de spéléologues. Ceux qui m’ont trouvé n’en ont pas cru leurs oreilles quand je leur ai dit qui j’étais. Tout le monde me croyait mort. Deux ans. C’est normal.

    Ils ont appelé des secours pour venir me récupérer et s’occuper de moi.

    À présent, les rayons du soleil m’aveuglent. Alors que l’équipe médicale me fait un rapide check-up, je demande des nouvelles de ma famille, de mes enfants. On me répond qu’ils sont en route et qu’ils ne devraient plus tarder. Je ne sais pas si ma perception du temps a changé ou s’ils n’ont effectivement pas tardé mais quand je les ai vus, j’ai couru vers eux. Enfin, j’ai marché comme un vieillard. Deux ans à moitié plié dans un boyau sans pratiquer de réels exercices, ça rouille un peu.

    Mes enfants ont tellement grandis. Ils ont changé et pourtant sont toujours les mêmes. Ils me regardent étrangement. Avec un mélange de joie et de tristesse. Je ne sais pas à quoi je ressemble, je ne me suis pas encore vu dans un miroir. J’embrasse ma femme et je serre mes enfants fort contre moi. Je leur dis qu’ils m’ont manqué.

    J’ai à peine le temps de discuter avec eux que les médecins viennent et me traînent littéralement vers leur véhicule. Ils me disent de me calmer, que nous devons aller à l’hôpital et que ma famille nous suit. Finalement, je me laisse faire.


    Une fois que le patient est reparti dans sa chambre, le docteur va voir son épouse et ses enfants.

    « Il n’a pas l’air d’aller mieux, annonce-t-elle presque stoïque.

    — En effet, madame, répond le psychiatre. Le traitement ne fait pas beaucoup d’effet mais il est déjà à son dosage maximum. Comme je vous le dit à chaque fois, il n’y a que la patience et votre présence régulière qui le feront recouvrer son esprit.

    — Ça fait plus d’un an et demi que vous me dites ça, docteur ! Chaque fois il a l’impression de nous revoir pour la première fois depuis sa disparition. C’est comme s’il sortait de ce trou chaque fois.

    — La quantité de mousse toxique qu’il a avalé pendant cette captivité souterraine a attaqué sa raison.

    — Je sais docteur, vous m’avez déjà dit tout ça de nombreuses fois… Je commence à craquer. Il a passé trois mois au fond de cette crevasse mais on dirait que son esprit y est resté quand il a été secouru. Des fois, je me dis que j’aurais préféré qu’on ne découvre que son corps. »