Tag: Dexash

  • 115 – Mynopée

    Phrase donnée par Dexash

    « De toute façon, c’est pas du tout sa couleur ! »

    À vrai dire, Ludo et Kori n’en savaient rien mais ils étaient là pour récupérer de l’objet magique, de l’artefact bien puissant, voire même, mais ça ils n’étaient pas sûrs d’en trouver, quelque épée ou arc légendaire.

    Ce donjon n’était pas de tout repos, les monstres étaient d’un niveau relativement fort par rapport à eux et après s’y être cassé les dents deux fois à l’entrée, les deux compères avaient décidé d’engager un guérisseur. Ils avaient une réputation assez misérable dans la région et eurent du mal à trouver. Finalement, ce fut une guérisseuse qui arrivait juste dans le coin qui répondit à l’offre. Elle avait l’air assez puissante mais avait demandé quarante pourcent des gains. Ludo et Kori avaient un peu tiqué mais s’étaient finalement résigné à accepter, ne trouvant personne d’autres et espérant beaucoup sur le résultat de ce donjon pour augmenter leur réputation et leur niveau.

    Il était vrai que jusque-là, Mynopée, c’était son nom, avait bien géré les choses et leur avait permis d’arriver au quatrième sous-sol. C’était un endroit un peu plus calme, comme si les monstres ne voulaient pas y aller.

    « Rester-là un instant, je reviens. Surtout, ne touchez à rien en attendant ! ordonna la demoiselle.

    Le guerrier et l’archer attendirent qu’elle disparaisse au détour d’un rocher pour faire exactement le contraire.

    — On va pas suivre les ordres d’une nana qui est notre employée ! lança Ludo.

    — Une guérisseuse en plus ! renchérit son ami.

    — Ouais ! Faudrait voir à arrêter de déconner cinq minutes ! »

    En étant parfaitement en accord l’un et l’autre, ils allèrent fouiner du côté opposé et trouvèrent rapidement un gros coffre en pierre sculptée, très joli, un peu usé par le temps.

    Sans se poser plus de questions, Ludo et Kori poussèrent la pierre qui recouvrait le coffre et découvrirent un cadavre entouré de nombreuses reliques. Quelques bagues, une épée de belle facture en très très bon état, un casque bien abîmé, une dague, un sac en toile élimée contenant un bon paquet de pièces.

    Les deux compagnons vidaient le cercueil pour en faire l’inventaire. L’épée semblait faite pour Ludo. Il avait senti sa puissance au moment où il l’avait prise en main. Kori avait pris la dague, elle pouvait toujours lui servir s’il tombait à court de flèches. Quand aux bagues, ils n’étaient pas spécialiste des identifications d’objets magiques et devraient les ramener à la surface pour savoir quoi en faire. Comme ils ne voulaient pas vraiment partager quarante pourcent du butin avec Mynopée, ils prirent le partie d’en garder une chacun puis de faire le partage avec le reste. Ils faisaient ce tri quand ils trouvèrent au fond du cercueil, un pendentif magnifique en or avec une opaline qui semblait briller dans la pénombre.

    « De toute façon, c’est pas du tout sa couleur ! » lança Kori, en plongeant le pendentif dans sa besace. Ludo acquiesça.

    Il eut soudain un grognement venant du fond de la tombe. Une main osseuse se posa sur le bord et le squelette du macchabé se redressa, poussant un râle vraiment lugubre. Mynopée revint à ce moment.

    « Mais qu’est-ce que vous avez fait ? Je vous avais dit de ne toucher à rien !!

    Ludo et Kori étaient quelque peu paralysés à la vue de cet adversaire qui sortait lentement mais sûrement de son tombeau.

    — Vous avez ouvert la tombe sans m’attendre ? Mais vous êtes débiles ! Il y avait des tonnes de pièges magiques dessus ! Vous avez tout déclenché !

    — Oui… Ben, fallait mettre moins de temps pour aller pisser, toi aussi ! répondit assez sèchement Ludo. Maintenant, fais ton boulot et envoie le sort qui va bien pour faire sauter les maléfices !

    Kori essaya de s’éloigner du monstre. À la distance à laquelle il se trouvait, son arc était inefficace. Il marchait lentement, comme au ralenti. Impossible pour lui de bouger plus vite. Mynopée avait raison. Ils avaient été ensorcelés.

    Ludo tenta de lever sa nouvelle épée mais cela lui fut impossible. Elle semblait peser des tonnes à présent.

    — Allez ! Fais quelque chose Mynopée ! On va se faire démonter, là ! Dépêche-toi ! avait-il crié.

    La jeune femme, excédée au plus haut point par l’attitude de ces deux idiots qui n’avaient pas arrêté de faire les lourds et les choses en dépit du bon sens, leva les yeux au ciel et soupira fortement. Elle n’avait jamais fait ça, mais ces deux-là le méritaient vraiment.

    — Vous n’écoutez rien et il faut que je sauve votre peau ? Démerdez-vous tout seul, puisque vous êtes si intelligents ! »

    Mynopée incanta un sort de protection qui l’enveloppa d’une légère aura bleue avant de reprendre les escaliers pour la surface.

    Ludo et Kori la regardèrent partir avec effroi.

  • 061 – Lancefer

    Phrase donnée par Dexash

    « Bonsoir monsieur, je m’excuse de vous déranger, je viens juste vous avertir que… vous faites un bordel monstre.

    Matt avait un peu de mal à réaliser que le vieil homme courbé au regard fatigué, presque apeuré, à qu’il s’adressait de la sorte était un héros intergalactique mais le moment était trop critique pour prendre des gants. Gaspard Lancefer, l’ancien pilote mythique de la guerre des Septentrions, avait regardé le capitaine en face de lui. Il lui semblait tellement jeune. Depuis quand engageait-on des adolescents dans l’armée interstellaire ? À moins que ce ne fût lui qui soit trop vieux.

    Devant la tête quelque peu surprise du vieil homme, Matt demanda :

    — Vous n’avez pas entendu le message d’alerte ? Gaspard eut l’air encore plus surpris de cette annonce, puis fronçant les sourcils et secouant la tête.

    — Non, je désactive mon ouïe quand je dors… Que se passe-t-il ? Quel type d’alerte est-ce ?

    — Type 827-B.

    — Des pirates ? Dans ce coin de la galaxie ? Le vieil homme souffla. C’est vraiment la crise pour eux aussi s’ils en sont réduits à attaquer les croisières pour vieux.

    — Monsieur, il y a un vaisseau qui nous suit depuis notre escale sur Hortengria. Il s’est rapproché dans la nuit et après une manœuvre de fuite pour nous camoufler dans un champ d’astéroïdes, nous faisons le moins de bruit possible pour qu’ils ne nous repèrent pas. C’est pourquoi je me suis permis de venir vous demander d’arrêter de… Je ne sais pas ce que vous faisiez mais c’était extrêmement bruyant.

    — Très bien mon jeune ami, répondit Lancefer, un sourire bienveillant sur le visage, je vais arrêter ce que je faisais jusqu’à la levée de l’alerte.

    — Merci Monsieur. »

    Le jeune capitaine gratifia le vieux héros d’un salut comme il en recevait quand il était encore dans le service actif puis, après un quart de tour tout aussi réglementaire, s’éloigna, heureux d’avoir pu discuter avec une légende.

    Gaspard suivit le gamin des yeux jusqu’à ce qu’il disparaisse au bout du couloir. Il ferma la porte et retourna vers la salle de bain. Il s’y trouvait cinq hommes armés de fusils et harnachés comme des commandos. Le vieil homme se redressa et son regard brilla avec la dureté qu’ont les chefs militaires rompus aux hostilités.

    « Vous faîtes trop de bruit ! Siffla-t-il entre ses dents. Je me suis pas fait chier à monter ce projet pour que vous foutiez tout en l’air avant l’attaque finale !

    — Alors, ça t’a fait quoi de t’être fait saluer par un bleu-bite ? Ça faisait longtemps, hein ?

    — Fais pas chier, Merx ! Et puis tu diras à ton pilote que s’il me refait un coup pareil, je le dézingue moi-même ! Il a failli faire tout capoter en suivant de trop près.

    — Oui mais finalement ce champ d’astéroïdes, ça devient un avantage. Personne ne comprendra ce qu’il s’est passé ! répondit le second de Lancefer.

    L’ancien héros regarda sa montre.

    — Il nous reste trois heures avant le réveil du bâtiment ! Je te laisse encore dix minutes pour débarquer le reste de l’équipe.

    — Y a pas intérêt à se louper, sinon on est tous bons pour la désintégration, sourit Merks.

    — Ça sera toujours moins pire que de devoir survivre avec cette pension de misère qu’ils me versent ! » termina Lancefer.

  • 055 – La chance

    Phrase donnée par Dexash

    « Mais tu vas la fermer ! Oui ? »

    À grands coups de pelle, Tiana essayait de terminer le zombie qui l’avait suivie dans les égouts et avait presque réussi à la mordre. Le monstre couinait légèrement entre chaque coup d’ustensile. La jeune femme ne voulait pas s’arrêter tant qu’il continuerait à émettre un son.

    Depuis ces derniers jours, entre sa fuite, la perte d’êtres chers et le manque de sommeil, Tiana était plus que sur les nerfs. Elle vidait toute la tension accumulée sur ce cadavre ambulant.

    En frappant le crâne presque aussi mou que du bois vermoulu, elle repensait à ses parents qu’elle avait découverts dévorés dans leur canapé, TF1 encore à la télé. Plusieurs fois, elle leur avait dit que rester tout le temps sur cette chaîne les tuerait, elle ne pensait pas vraiment que ce serait de cette façon.

    Voyant ce qu’il venait de se passer, elle était partie voir chez son petit ami, Lloyd. Il devait savoir quoi faire, après tout, il était grand, baraqué et avait même un cerveau. Mais c’est la partie que ces monstres avaient attaqué en premier, avait-il semblé à la jeune fille.

    Elle était finalement repartie vers le lycée. Elle ne savait pas vraiment pourquoi. Elle détestait cet endroit et avait l’impression d’y être comme en prison, mais à cet instant, elle avait l’impression que ce serait le seul endroit où elle serait en sécurité. Sur le chemin, alors qu’elle voyait les maisons se faire attaquer par ces monstres étranges, elle avait envoyé un message à Francesca, sa meilleure amie pour savoir où elle était et puis lui donner rendez-vous à l’entrée du lycée. Tiana avait rapidement reçu une réponse annonçant que Francesca acceptait le rendez-vous.

    Alors que la jeune fille semblait soulagée par cette nouvelle, elle se retrouva face à face avec son premier zombie. Elle s’en voulut de n’avoir rien pris à la maison qui puisse lui servir d’arme. D’un pas qui devait lui rester des cours de danse classique, elle contourna le monstre et partit en courant le plus vite qu’elle put. Heureusement que ces monstres n’avançaient pas vite.

    Arrivée au lycée, Francesca était déjà là mais Tiana fut horrifiée de voir que le jardinier avait déjà pris soin d’elle et continuait de s’en repaître. Ce fut la goutte d’eau en trop. La descente aux enfers de sa folie commença à cet instant. Tiana attrapa dans le petit chariot du jardinier le premier ustensile qui lui tomba sous la main et sauta sur le jardinier, lui décollant la tête comme un golfeur lance sa balle avec son club.

    Au final, Tiana avait passé trois jours à se terrer dans l’école — merci aux frigos de la cantine qui étaient encore bien fournis — mais finalement, le nombre des zombies était devenu tout bonnement dingue. Ils avaient fini par réussir à entrer malgré les barricades que la jeune fille avait montées. Elle avait été obligée de s’enfuir par les égouts. La première chose qu’elle avait pensée fut que les zombies devaient extrêmement puer parce que l’odeur des canalisations ne la choqua même pas.

    Finalement, elle ne savait pas d’où il avait débarqué mais un des monstres avait réussi à retrouver sa trace et elle avait réussi à s’occuper à temps.

    Elle terminait de s’acharner sur le bout de cadavre en décomposition déjà avancée. Il semblait avoir compris le concept de silence. Tiana était en sueur de s’être obstinée d’une telle manière. Elle souffla pour décoller la mèche qui lui tombait sur le visage, haletante.

    Ce fut un bruit étrange derrière elle qui la fit sursauter et se retourner rapidement. Elle n’eut que le temps de voir un des monstres — suivi par des dizaines d’autres —  se jeter sur elle la bouche grande ouverte.

  • 042 – Le nouveau coéquipier

    phrase donnée par Dexash

    « Il travaille pas comme nous, il a des pratiques pas tellement éthiques mais non, les organisateurs nous le collent dans les pattes ! Gunner fulminait littéralement.

    Lui et son équipe de joueurs-mercenaires participaient à cette émission depuis trois saisons déjà. Ils avaient vu passer des centaines d’équipes de candidats, certaines d’une nullité affligeante, qui s’étaient fait détruire rapidement, d’autres plutôt bonnes, dont les quelques survivants avaient pu jouir de leurs gains pour se faire reconstruire les organes ou membres perdus pendant le jeu. Mais malgré l’état final des participants, Gunner et son équipe avait toujours suivi parfaitement les quelques règles.

    Mais l’émission avait du plomb dans l’aile. Les politiciens nouvellement élus voulaient la faire arrêter parce qu’ils la trouvaient trop violente et considéraient qu’elle n’était pas un bon exemple pour la jeunesse. Et surtout, elle commençait à perdre des parts de marché. Certains disaient que les mentalités des gens changeaient et qu’ils voulaient des émissions plus intellectuelles. Ça faisait chaque fois rire Gunner.

    « Ça fait près de cent ans que la télé existe et le niveau intellectuel des gens qui la regarde n’a jamais augmenté depuis, disait-il. Je vois pas pourquoi ça changerait maintenant ! »

    Pour remédier aux problèmes d’audimat, la production essayait depuis deux ou trois mois de nouvelles techniques, des invités spéciaux, des nouvelles règles moins dures, elle imposait des nouvelles recrues dans les équipes pourtant parfaitement rodées de joueurs-mercenaires, voire les mélangeait.

    Et cette fois-ci, c’était à son équipe que la production s’attaquait. Gunner ne décollerait pas.

    Assis dans son fauteuil, dans l’espèce de taudis qui lui servait de bureau, entouré des sept autres membres de son équipe, le cigare à la bouche, il attendait que la nouvelle recrue forcée n’arrive. Oh ! Il savait de qui il s’agissait. Tout le monde le savait. Il en avait suffisamment fait la publicité pour la prochaine émission. Arrivé dans le jeu depuis environ six mois avec son équipe, ce gars avait réussi à barrer la route de pas mal de participants et le public avait été séduit autant par ses manières de faire, parfois en dehors des règles, que par sa tenue.

    Mais Gunner n’aimait pas les nouvelles têtes. Surtout quand on ne lui laissait pas le choix. De toute façon, il le savait, il ne pouvait pas lutter. Soit il refusait et son équipe était virée, sans indemnités, soit il acceptait et tentait de sauver l’émission et leurs boulots à tous.

    Quelqu’un frappa à la porte. Gunner jeta son cigare qui rebondit, encore fumant, sur une caisse de munitions dans un recoin de la pièce.

    « Ouais ! » Grogna-t-il.

    La porte s’ouvrit et une silhouette se dessina dans l’embrasure : la silhouette toute de rose vêtue de Sacha, la Folle de l’Enfer.

  • 038 – Le rocher

    hrase donnée par Dexash

    Les gens s’écartaient autour de lui, telle une rivière contournant un rocher.

    À part qu’ils ne le touchaient pas. Ils n’osaient pas.

    Il était le seul à revenir de cet endroit vers lequel tous allaient, remplis d’espoir.

    Les quelques réfugiés qui le regardaient avec un peu d’attention avaient pu voir qu’il était comme plus lumineux, plus coloré, rayonnant, alors que tous semblaient grisâtres. La plupart des gens avaient la tête courbée, lui se tenait bien droit. Il marchait d’un pas assuré.

    Certains de ceux qui étaient passé près de lui, sans le toucher, avaient senti comme de la chaleur se dégager de lui.

    Tous se demandait qui était cet homme mais personne n’osait s’arrêter pour lui demander.

    Il devait être l’un de ceux qui avaient réussi à passer de l’autre côté. Là où tous se dirigeaient. Et pourtant, seul de rares êtres étaient capables de revenir. Chaque fois, ils étaient devenus de grands prophètes.

    Il n’avait même pas besoin de parler. Sa simple vision ravivait la foi de ces gens et les aidaient à continuer vers leur destin commun, les laissaient espérer qu’ils seraient le prochain bienheureux à revenir et à donner la foi aux suivants.

  • 017 – L’amour vache

    Phrase donnée par Dexash

    « Et puis… Elle m’a embrassé. Là comme ça. Alors que trente secondes plus tôt, elle me jetait des noms d’oiseaux à la tête. »

    Pierre attendait une réaction de son ami qui remuait le fond de sa bière en la regardant. Au bout de quelques secondes qui parurent assez longues à Pierre, Jules leva le nez.

    « Effectivement, c’est assez étrange… Mais pas autant que la tête que tu me tires-là. Qu’est-ce qui te gêne ? Elle te plaît pas ?

    Pierre fut décontenancé par cette question, pourtant simple. Il resta un instant pensif, le regard dans le vide, ne voyant plus passer les voitures dans la rue derrière les arbustes qui délimitaient le café.

    — Si, évidemment qu’elle me plait. Enfin, oui, elle est très mignonne et tout mais son caractère… tu imagines ça, toi ?

    Pierre se pencha pour que les personnes aux autres tables de la terrasse n’entendent pas.

    — Après des années à me détester, à me faire des coups bas, à lancer des rumeurs à la con sur mon dos, je te rappelle que l’histoire de la chèvre, c’est elle qui l’a lancée quand même, et ben après tout ça, elle arrive et m’embrasse comme jamais personne ne m’a embrassé ? Je comprends plus rien.

    — La chèvre, c’était elle ? Jules sourit. C’était quand même bien joué.

    — Jules !! C’est pas le sujet.

    — Ouais ! mais quand même, non ? Si ça avait pas été contre toi, t’en dirais quoi ? C’était bien joué. Il faut l’avouer.

    Pierre se rejeta au fond de sa chaise et but une rasade de sa bière.

    — On peut pas discuter sérieusement avec toi ! Je sais même pas pourquoi je t’en parle !

    — Parce que ton chien est mort d’ennui la dernière fois que tu lui as raconté une de tes aventures ? »

    Pierre leva les yeux au ciel.

    Le silence se fit une minute ou deux. Il ne fut rompu que par le portable de Pierre qui se mit à vibrer. Il lut rapidement le SMS et reposa l’appareil sur la table en soufflant fort.

    « Quoi ? C’est elle ? » s’enquit rapidement Jules avec un large sourire.

    Pierre refusa de répondre. Son ami était parfois tellement puéril. Il ne voulait pas lui dire le contenu du message.

    Jules sortit son paquet de cigarettes, en sortit une et l’alluma.

    « Bon, reprit-il après avoir tiré une grosse bouffée, et il s’est passé quoi après ce baiser ? Tu m’as pas dit.

    Il semblait avoir repris son sérieux.

    — Ensuite, on est parti marcher dans la nuit.

    — Romantique à souhait.

    Jules souriait de sa façon la plus ironique possible. Pierre lui jeta un regard menaçant de s’arrêter là.

    — Et on a parlé. Enfin surtout elle. Elle m’a avoué qu’elle avait craqué pour moi le premier jour qu’elle m’avait vu et que si elle avait été odieuse avec moi, c’est parce qu’elle était dégoûtée que je fasse pas attention à elle.

    — Les rumeurs… coupa Jules.

    — Les rumeurs ?

    — Oui ! C’est quoi son explications pour toutes ces rumeurs à la con qu’elle a lancées sur ton dos ?

    Pierre sembla un peu embarrassé.

    — Elle m’a dit que c’était pour faire fuir les filles à qui je plaisais, parce qu’elle n’aurait pas supporté de me voir avec une autre.

    — C’est de la jalousie ou je m’y connais pas. Ta vie va être un enfer. Enfin, si tu gères bien, elle fera tout ce que tu veux mais faudra pas faire de faux mouvements. Si elle est aussi amoureuse qu’elle le dit.

    — Tu n’y crois pas ? s’inquiéta Pierre.

    — C’est étrange quand même. Moi, je me méfierais quand même, que ce soit pas une nouvelle de ses fourberies.

    — T’aimes pas que je sois heureux, en fait, c’est ça ? s’énerva Pierre.

    — Je suis très content pour ce qu’il t’arrive mais fait gaffe à tes arrières. Une nana qui te pourrit la vie depuis l’entrée au lycée et qui tombe dans tes bras comme ça en une soirée alors qu’elle a même pas bu… je trouve ça bizarre… Elle était bien à jeun quand elle t’a embrassé ?

    — Oui, je crois. Elle me semblait sobre.

    Pierre regardait le fond de son verre, rattrapé par la logique implacable de son ami. Jules commençait à le faire douter. Il avala la fin de sa bière d’une traite.

    — Le problème, c’est que j’ai toujours été amoureux d’elle, je crois. Alors maintenant que j’arrive à sortir avec, j’ai pas vraiment envie de rater ça. Quitte à souffrir un peu.

    Jules posa sa main sur l’épaule de son pote.

    — Je comprends tout à fait, mais fais juste gaffe à pas te faire broyer par cette fille. Elle a un caractère fort et toi, tu es trop gentil pour t’y opposer. Ça m’inquiète. Je sais ce que c’est qu’une relation à problème comme ça. En général, tu te rends compte que t’es en petits morceaux qu’une fois que tu te retrouves tout seul. Allez, il faut que j’y aille ! »

    Jules se leva, attrapa sa veste et serra la main de Pierre, laissant celui-ci à ses réflexions.

    Quelques minutes étaient passées quand il fut rejoint par sa nouvelle petite amie. Elle était belle comme un cœur et avait ce sourire béat qu’ont les jeunes amoureux fixé sur le visage.

    Pierre ne pouvait s’empêcher de voir la fille qui lui avait fait tant de mal pendant ces années mais il ne pouvait empêcher son cœur d’être sourd à ces souvenirs.

    Elle s’approcha mais ne s’assit pas à la table.

    « Pierre écoute. Je crois que c’était une erreur de ma part de t’embrasser hier soir. N’espère rien de moi. Je préférais quand même te le dire en face. Salut. »

    La jeune fille s’éloigna. Pierre était anéanti sur sa chaise. Il ne voulait pas y croire et eut même l’impression de la voir, de dos, essuyer une larme.

  • 015 – La bonne marraine

    Phrase donnée par Dexash

    Du dernier étage, elle observait le couple se déchirer.

    Ça n’était pas la première fois qu’ils se disputaient de la sorte. Presque tous les soirs depuis quelques mois, ils en arrivaient au même point.

    Elle les regardait se déchirer et comme chaque soir, elle s’inquiétait de l’état de leur couple. Tout avait semblé s’envenimer à la naissance de leurs enfants. Il est clair que d’avoir à gérer quatre bébés d’un coup n’est pas une chose simple, même pour des gens aussi entourés que la princesse et son mari. La fatigue les rendait irascibles et la nouveauté d’avoir à s’occuper de petits êtres n’aidait pas à la sérénité.

    Pourtant, il était clair que ce n’était pas tout. L’entente quasi-parfaite qui avait fait la réputation du couple ne pouvait pas être corrompue que par la naissance de ces quadruplés. Il y avait forcément quelque chose derrière. Déjà la grossesse multiple était étrange. Dans aucune des deux familles, il n’avait été recensé de jumeaux. Certes, on avait déjà connu des femmes ayant deux voire trois enfants d’un coup malgré des familles sans antécédents, mais quatre, personne n’en avait jamais entendu parler.

    La seule raison plausible qu’elle voyait était la malédiction. Son problème était qu’elle n’arrivait pas à la repérer. Et pourtant c’était la meilleure à ce jeu là. C’était d’ailleurs pour ça que le roi l’avait tirée de sa tanière au milieu de la forêt pour la faire venir vivre au château. Elle avait, depuis, fait tout ce qu’elle avait pu pour mettre à profit ses pouvoirs.

    À présent, elle essayait de trouver qui avait bien pu jeter un sort sur la princesse ou son mari. Elle ne trouvait pas et commençait à désespérer, s’inquiétant pour ses pouvoirs comme pour le couple. Elle les aimait tant. Elle avait vu naître la princesse et l’avait vu grandir. C’était comme une fille pour elle.

    Elle attrapa dans un des nombreux pots en terre une poignée de poudre de sa fabrication et retourna près de la fenêtre. Elle saupoudra l’air et attendit que le couple retrouve la quiétude et l’harmonie qui avait fait sa célébrité dans le royaume. Cela prenait de plus en plus de temps pour faire effet.

    Du dernier étage, elle observa le couple regagner ses appartements, de nouveau amoureux comme au premier jour.

    Du dernier étage, elle regarda l’horizon sombre de la nuit, s’inquiétant pour l’avenir si elle n’arrivait pas à trouver la source du problème.

  • 012 – Le bracelet

    Phrase donnée par Dexash

    « Prends ça ! »

    Elle regarda fixement l’objet, effarée, avant d’obéir en déglutissant nerveusement.

    « C’est bon, Khrysta ! reprit Erlbach, son compagnon le plus vieux et clerc de l’équipe. Ce n’est pas comme si tu ne savais pas ce qu’on venait chercher. Par contre, prépare-toi au combat parce qu’on ne devrait pas tarder à tâter du monstre d’ici peu de temps. Quand on récupère ce genre de reliques, ils débarquent rapidement ! »

    La jeune femme, encore stressée d’avoir un tel objet dans ses mains, sous sa responsabilité, ne savait pas vraiment quoi répondre.

    Il fallut que Brax lui répète de se dépêcher pour qu’elle bouge enfin. Elle ouvrit son sac pour mettre le bracelet à l’intérieur mais Erlbach l’arrêta.

    « Mets-le à ton poignet, il sera plus en sécurité qu’à bringuebaler dans ton sac.

    — Mais c’est un objet pour les… »

    Erlbach lui lança un regard qui montrait qu’il n’avait vraiment pas envie de discuter. Khrysta enfila le bracelet puis prépara une flèche à son arc.

    Rapidement, un bruit sourd se fit entendre, comme si des dizaines d’animaux tambourinaient le sol qui commença à trembler légèrement puis plus fortement.

    « Combien sont-ils ? demanda Khrysta.

    — Très nombreux. »

    Erlbach avait répondu cela d’un ton grave et presque inaudible dans le grondement ambiant.

    Ça devenait assourdissant.

    Khrysta commençait à se questionner sur son choix de s’engager avec ses deux compagnons, beaucoup plus expérimentés qu’elle, dans une quête comme celle-ci. Sa première. Elle s’était dit qu’elle pourrait gagner facilement de l’expérience et monter des niveau rapidement, mais là, alors qu’elle s’attendait à voir apparaître des centaines de monstres d’un niveau inconnu, elle se posait vraiment la question sur ce choix.

    C’était même assez incompréhensible qu’Elbrach et Brax aient accepté une si jeune recrue pour cette quête. Même si elle était très mignonne et avait un sourire enjôleur, elle se doutait qu’ils ne l’avaient pas acceptée dans l’équipe juste sur ces critères.

    Des quelques tunnels qui débouchaient dans cette salle souterraine, arrivèrent finalement des dizaines d’orcs. En fureur, était-il besoin de préciser ?

    « Comment peuvent-ils savoir que nous avons récupéré leur relique ? Y a-t-il un système d’alarme ? » se demanda Khrsyta, l’espace d’un instant.

    Elle banda son arc, visant le premier des ennemis, commençant déjà à prévoir les deux ou trois cibles suivantes. Elle attendait que le premier entre dans son rayon d’action.

    Brax avait sa longue épée en mains, les muscles contractés à leur maximum, prêt à découper tout ce qui se présenterait.

    Elle allait libérer la corde quand Erlbach la somma d’attendre encore un peu, qu’ils s’approchent. La jeune femme voyait le monstre une fois et demi plus grand qu’elle s’approcher dangereusement.

    « Erlbach ? demanda-t-elle fébrilement.

    — Encore un peu… »

    Le monstre était à moins de trois pas (immenses mais quand même) de la jeune femme quand le clerc lui donna le signal.

    Simultanément, Khrysta décocha sa flèche dans la gueule de l’orc qui arrivait sur elle et s’apprêtait à la découper d’un coup de hache au tranchant émoussé, et Brax lança sa lame pour mettre en pièces trois monstres d’un seul coup.

    Pendant ce temps, Erlbach protégeait ses deux compagnons de prières protectrices. Il avait aussi lancé un sort d’enflammement pour les flèches de la jeune fille et un sort de lame empoisonnée pour Brax.

    Il y avait déjà une bonne douzaine de cadavres sur le sol et il semblait aux trois aventuriers que la caverne continuait de se remplir de monstres.

    Brax avait été touché au bras et à la jambe et Khrysta n’avait plus que trois flèches dans son carquois. Elle allait devoir sortir sa dague mais se demandait si cette petite arme suffirait à faire quelque chose contre ces énormes monstres.

    Erlbach avait encore quelques sorts mais attendait encore un peu pour les lancer. Brax commençait à fatiguer malgré le support de son ami. Il avait déjà taillé une bonne cinquantaine d’orcs et avait l’impression que plus il en tuait, plus il en arrivait. Khrysta essayait de se faufiler entre les pattes de ces monstres et de leur taillader les tendons des genoux et des chevilles — au passage elle se demanda si chez les orcs aussi, ça s’appelait le tendon d’Achille. Elle y était parvenue pour cinq ou six monstres qui se retrouvaient au sol à ramper pour essayer d’atteindre le clerc, en retrait.

    Au bout d’une heure de combat, ou plus — c’était assez difficile à savoir —, les trois compagnons se retrouvèrent acculés contre une paroi. Le nombre d’orcs encore debout était incalculable. Ils n’allaient pas s’en sortir vivant.

    Un orc se jeta sur la jeune femme, pendant que d’autres attaquaient ses compagnons. Il lui assena un violent coup de poing qui la projeta contre le mur. Elle était un peu sonnée mais se releva, ressentant une colère violente contre ce monstre. Un sentiment qu’elle ne s’était jamais connue.

    Le bracelet qu’elle avait au poignet commença à luire. Khrysta avait soudain envie de voir brûler tous ces monstres. Elle sentait en elle l’envie de les faire brûler. Peut-être était-ce le coup à la tête ou la fatigue, Khrysta avait l’impression de ne plus être aux commandes de son corps. Elle se vit lever le bras et lancer grâce au bracelet d’énormes boules de feu vers ses ennemis. Ceux encore en dernières lignes purent s’enfuir. Tous les autres périrent dans les flammes.

    Uniquement une fois que la petite équipe fut seule dans cette immense salle caverneuse, Khrysta reprit ses esprits. Dans un réflexe, elle retira vivement le bracelet et le jeta au sol. Il rebondit mollement sur l’un des nombreux cadavres d’orcs.

    « Qu’est-ce que… Qu’est-ce qui s’est passé ? Qu’est-ce que ça veut dire ?

    Erlbach souriait franchement. Brax, appuyée sur sa très grande épée longue, ne souriait qu’à moitié.

    — Ce bracelet est une relique pour les magiciens, comme tu voulais me le rappeler tout à l’heure.

    — Oui ! Et je ne suis pas magicienne !

    — Toi non ! Mais ton père est un très grand magicien. Et il y a forcément, dans le sang, des traces de cet héritage !

    — C’est pour ça que vous m’avez pris avec vous ? Et vous étiez prêt à nous faire tuer sur cette supposition ? »

    Krysta ramassa le bracelet, le remit à son poignet, croisa les bras et prit le chemin de la sortie avec une moue boudeuse sur le visage, sous les rires amicaux de ses camarades.

  • 011 – La Décision

    Phrase donnée par Amelodine – inventée par Dexash

    Il resta pensif un moment, les yeux dans le vague, avant de prendre sa décision.

    Cela faisait des années que ça durait. Il n’en avait plus envie. Des années que chaque soir, il rentrait chez lui, usé par le poids de la culpabilité. Des années qu’il s’asseyait chaque soir pour s’abrutir devant la télé pendant des heures afin d’oublier mais chaque nuit, au lieu de dormir, il y pensait et y pensait encore. Ça n’était plus possible.

    Sa femme l’avait quitté pour ça. Et maintenant, il comprenait vraiment pourquoi. Il la pardonnait presque d’être partie, vu le temps qu’elle avait mis pour le faire et tout ce qu’elle avait dû endurer par sa faute. Ce mariage avait duré seize ans. Elle méritait une médaille d’avoir tenu si longtemps. L’entrée au paradis, même.

    Son manager aussi lui avait dit qu’il fallait faire quelque chose, que ça « l’empêchait d’être en total cohérence avec l’esprit de la boîte », que ça mettait mal à l’aise toute le monde à l’étage et même dans les autres sections.

    Il avait raison. Ils avaient tous raison. C’était incroyable d’avoir dû attendre autant de temps pour se rendre compte de la triste réalité. Et à présent qu’il lui faisait face, il ne voyait plus qu’elle.

    Et dire que c’était ce gosse qui lui avait fait prendre conscience de la chose. Ce gosse. Cet ado en fait. De ceux qui n’ont pas la langue dans leur poche et disent tout haut ce que tout le monde pensent tout bas. Peut-être était-ce parce que ça venait d’un étranger, peut-être était-ce parce que ça venait d’un sale gamin, peut-être était-ce juste parce qu’il était temps d’accepter la chose… Sa décision était prise.

    Dans la salle de bain, le regard fatigué plongeant dans celui de son reflet, il dénoua lentement son nœud de cravate. Regardant au creux de sa main le morceau de tissus qu’il portait tous les jours depuis si longtemps, il appuya sur la pédale de la poubelle qui s’ouvrit avec ce son métallique si habituel et jeta sa cravate Babar.