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  • 082 – La veuve

    <Message de service> À partir de maintenant, je mettrai en italique la ou les phrases données. </Message de service>

    Phrase donnée par Khyreena

    Je ne veux pas me faire tuer par une femme dont les chaussures ont coûté plus cher que ma voiture. J’ai peu de principes mais j’ai au moins celui-là.

    En attendant, je marche, une pelle à la main, un flingue plaqué dans le dos, en direction de la tombe de mon patron.

    Cette conne qui marche sur la pelouse avec ses talons aiguilles à cinquante mille, c’est sa veuve éplorée. Je sens au mouvement du canon dans mon dos qu’elle a une certaine tendance à s’enfoncer dans le sol humide.

    « Attention à pas me tuer par inadvertance, en plantant vos chaussures.

    — Ta gueule ! Avance ! » répond-elle sèchement.

    Je serre les dents, et même si mon métier interdit généralement de s’attaquer aux femmes et aux enfants, je me ferais un plaisir de m’en occuper.

    Je suis quasi sûr qu’une fois l’arme retournée contre elle, la belle veuve tentera la carte de la séduction pour essayer de reprendre la main. C’est vrai qu’elle est admirablement bien taillée. À quarante-cinq ans, elle rivalise facilement avec des nanas de vingt-cinq. Mais je ne me ferai pas avoir. Je sais ce dont elle est capable. J’ai vu ce qu’elle a réussi à faire à la première femme du patron.

    Arrivé devant la tombe du boss, je m’arrête.

    « Allez ! Creuse ! m’ordonne-t-elle.

    J’hésite un instant, me demandant si je dois faire ce qu’elle me dit ou me retourner et lui mettre un grand coup de pelle dans sa belle petite gueule. Finalement, je fais demi-tour et me plaque contre le canon en la regardant droit dans les yeux. Avec ses maudits talons, elle est presque aussi grande que moi.

    — Et si j’veux pas ? Ça va vous avancer à quoi de m’butter ? C’est vous qu’allez creuser ? Mmh ?

    Elle hésite. Je le vois dans son regard. C’est pas tout de tenir une arme, il faut être vraiment prêt à s’en servir et être sûr que ça apporte quelque chose. Là, c’est pas trop le cas.

    — Et puis, vous lui voulez quoi à votre défunt mari ? Il vous a pas laissé assez ?

    Je la vois se ressaisir, elle lève le pistolet pour le mettre entre mes yeux.

    — Pose pas de questions. Creuse ! »

    Alors je creuse. J’aurais déjà pu la désarmer et lui faire passer l’envie de jouer à la méchante avec moi mais je suis curieux de nature. C’est mon seul défaut. Le boss me disait que ça causerait ma perte.

    Au bout d’un moment, ma pelle heurte le cercueil.

    Au fond de mon trou, je vois ses pompes à vingt cinq mille, sa jolie jambe qui dépasse de sa robe fendue, ses courbes appétissantes et surtout son sourire. Elle est ravie d’arriver au but.

    « Alors ? Je cherche quoi ?

    Elle fronce les sourcils, se sentant bien obligé de me mettre dans la confidence.

    — Des bons au porteur. Pour quatre-vingts millions.

    J’écarquille les yeux, vraiment surpris par cette nouvelle. Je ne m’attendais pas à ça.

    — Allez ! Dépêche ! On n’a pas toute la nuit !

    Effectivement. Je sens déjà au loin le ciel commencer à changer de teinte.

    Au bout d’une demi-heure, voilà le cercueil prêt à être ouvert. Je me retourne vers elle. D’un mouvement de menton, elle me fait comprendre d’y aller. Avec le tranchant de la pelle, je vais sauter les verrous de la boîte. Le patron y est tranquillement installé. On dirait qu’il dort. Ça me fait presque plaisir de le revoir. Alors que je commence à le fouiller, je n’arrive pas à refreiner un « désolé, boss ! ». Il n’a rien sur lui. Je suis obligé de le sortir pour tester la doublure. Bingo ! Je sens les bons.

    Alors que je plonge la main dans ma poche pour en tirer mon couteau, Madame se tend et s’apprête à faire feu.

    « Tout doux, je sors ma lame pour la doublure ! dis-je en gardant la main dans la poche.

    — Fais pas le con, je t’ai à l’œil ! »

    Les bons sont tous là, il y en a un bon paquet. La veuve me jette une sacoche. Pas besoin de m’expliquer. Je range le tout à l’intérieur.

    Du fond de mon trou, je lui tends l’attaché-case. Elle est obligée de se baisser un peu pour l’atteindre. Elle plie les genoux, dévoilant un peu plus sa jambe nue.

    Cette garce ne me donnerait même pas quelques bons pour le service. Hors de questions qu’elle s’en sorte comme ça.

    Alors qu’elle attrape la sacoche, je tire de toutes mes forces. Elle tombe et tire en même temps. J’ai la tempe en feu. Je crois qu’elle m’a atteint à l’oreille. Pas le temps de vérifier. Elle est face contre terre et se débat au fond du trou pour se redresser. Mon couteau toujours en main, je pose un genou entre ses omoplates et lui attrape sa belle tignasse. Ramenant sa tête en arrière, je l’embrasse dans le cou et lui susurre :

    « T’as pas choisi le bon larbin pour jouer, salope ! »

    D’un coup rapide, je lui tranche la gorge. Au moins le boss reposera avec sa pute.

    Je récupère la sacoche pleine de bons et sors du trou.

    Soudain, je sens une douleur me traverser la poitrine. Un bruit de coup de feu. Je me retourne lentement et la voit lâcher le  flingue dans un dernier soupir.

    Pendant que je pousse le mien en tombant à mon tour dans le trou, je vois les bons tombés de l’attaché-case s’envoler dans le cimetière.

    Je m’écrase devant ces putains de talons aiguilles.

  • 020 – La gravité

    Phrase donnée par Khyreena

    Je n’ai jamais pensé aussi clairement que depuis le jour où j’ai arrêté de croire en la gravité de ce monde.

    Avant, tout me semblait si important, si lourd de conséquences, si vital. Mon existence n’était dictée que par des « Je n’ai pas le choix », « c’est comme ça », « c’est la loi », « personne ne peut aller contre ».

    Quand j’ai quitté mon boulot, tout le monde a cru que c’était sur un coup de tête. Ils ont dit que c’était parce que je ne supportais pas la charge de travail, le poids des responsabilités.

    J’en avais juste marre d’avoir l’impression de m’enfoncer un peu plus chaque jour dans ce bourbier, de sentir l’écrasement de la culpabilité de rester en bas de l’échelle alors que j’aurai dû être là-haut, tout là-haut.

    À présent, je suis en haut de cet immeuble. Et j’ai compris.

    J’ai compris que mes soucis et mes problèmes ne sont qu’une vision de l’esprit et que ce sont eux qui m’empêchent de faire ce que je veux.

    Je regarde tout en bas, les gens sont si petits. Certains lèvent la tête et me montrent du doigt, inquiet.

    Alors que je m’élance, ils crient. Je les entends par dessus les bruits naturels de la rue.

    Je regarde le ciel et les quelques nuages.

    J’ai envie de crier de bonheur.

    Je regarde le ciel et les quelques nuages. J’ai envie de crier de bonheur. Et finalement, la seule chose qui me vient à l’esprit c’est :

    « Newton n’était qu’un boulet ! »

  • 010 – La Traque

    Phrase donnée par Khyreena

    « C’est fou qu’une personne aussi petite ait pu projeter une si grande ombre sur moi.

    — C’est ce qu’il se passe quand on mange trop, la neige ne supporte pas le poids ! »

    Je venais de m’affaler de tout mon long du haut d’un talus. Dans la lumière rasante de ce matin d’hiver, j’avais eu l’impression qu’un instant il refaisait nuit. Ça n’était que l’ombre de mon compagnon surplombant mon point de chute.

    Une fois debout, je m’époussetais la neige qui avait collé à mes vêtements et récupérait mon épée tombée non loin.

    « Dieu, que je hais cette saison ! »

    Harold me rejoignit prudemment. En plus d’éviter le risque d’être aussi ridicule que moi, il préférait se méfier de ce qui pouvait joncher le sol de cette forêt. Surtout recouvert par une épaisse couche de neige, les pièges à loups disséminés pouvaient être mortels.

    Une fois à mon niveau, mon camarade m’exhorta à avancer. Il était encore tôt mais avec cette neige nous n’avancerions pas vite et il fallait que nous nous pressions pour ne pas perdre la trace.

    Nous étions à la recherche d’une bête sauvage qui s’amusait à dévorer les troupeaux des éleveurs du coin. Ceux-ci nous avaient engagé pour que nous réglions le problème. Harold et moi étions les deux seuls combattants de la région. Deux anciens soldats. C’est là que nous nous étions connus. Deux gamins qui avaient sympathisé. Je l’avais immédiatement charrié à cause de sa petite taille et lui s’était vengé sur mon embonpoint. Et nous ne nous étions plus jamais quittés. Après cinq au service des troupes du Roi, nous avions préféré quitter les rangs et vivre comme nous l’entendions. Ça n’était pas aussi simple que nous le pensions au début. Trouver du travail quand on ne sait faire que la guerre depuis ses dix-sept ans n’est pas la chose la plus facile du monde. Et puis en arrivant dans la région, nous entendîmes parler de ces problèmes de bête sauvage. Mon compagnon eut tout de suite l’idée de vanter nos faits d’armes — en les enjolivant, beaucoup — pour qu’on nous engage. L’affaire fut conclue très rapidement. Les éleveurs, ici, étaient à bout de nerfs.

    Et ce matin, après une nuit glaciale en planque, nous vîmes la bête s’attaquer à la brebis laissée en appât dans le pré en lisière de forêt. Harold n’avait pas vraiment de plan pour s’attaquer à la bête. Il pensait que c’était un loup de rien du tout et que les villageois n’étaient que des froussards. À la lueur de frayeur que je vis dans ses yeux quand la bête avait déchiqueté le pauvre animal, je pense qu’il avait révisé son jugement.

    Nous n’étions armées que de nos épées, vestige de notre enrôlement. Et je commençais à me dire que nous n’arriverions pas à nous occuper de cette bestiole. Elle était énorme. J’en frissonnais rien qu’à y repenser. Rien à voir avec le froid.

    À vrai dire, je ne savais pas vraiment ce que nous avions vu. Harold non plus.

    Nous suivions les traces de sang de brebis et de pas gigantesques. Si c’était un loup, il devait avoir la taille d’un cheval. Sans exagérer. Mais on n’avait jamais vu un cheval manger une brebis. Enfin, moi, jamais.

    Au bout de deux bonnes heures de marche, les traces de sang avaient disparu depuis longtemps. Je faisais entièrement confiance à Harold pour savoir où nous étions, parce que pour ma part, j’étais complétement perdu dans cette forêt. Je commençais à désespérer de retrouver ce monstre.

    Soudain, mon ami me fit signe de me baisser et de faire silence. Je m’exécutai immédiatement et le rejoignit le plus discrètement possible. Il était sur un petit promontoire. À une dizaine de coudée en contre-bas se trouvait tranquillement allongé et ronflant, un ours. Un gigantesque ours brun. Je me tournais vers mon camarade, incrédule. Il n’y avait pas d’ours dans le coin, en général. Il y avait quelques carcasses d’animaux de toutes sortes autour de ce monstre de la nature. Aucun doute possible quand à sa culpabilité.

    « Comment veux-tu que nous puissions le tuer ? » demandai-je à Harold.

    Celui me fit signe d’attendre et de le laisser réfléchir quelques instants. Je pris le parti de m’asseoir. Des fois, les temps d’élaborations d’Harold pour ses plans pouvaient être très long. En plus, je commençais à avoir faim. Je tirai de ma besace un bout de viande séchée et commençait à le mastiquer quand mon compagnon se tourna vers moi. Il avait trouvé. Et je le vis glisser en arrière. Et le reste du paysage avec.

    J’étais déjà dans le vide quand je compris que c’était la plaque de neige sur laquelle je me trouvais qui venait de glisser et m’envoyait directement sur notre proie.

    J’essayai de ne pas crier pour ne pas la réveiller et ne pas me faire dévorer comme une simple brebis.

    Quand je rouvris les yeux, je voyais la tête d’Harold en contre-jour. Il me masquait encore le soleil.

    « Faudrait pas que tu prennes l’habitude de me faire de l’ombre ! lui dis-je.

    — Ça, y a pas de soucis !! rit-il en me tendant la main pour m’aider à me relever. Je me rendis compte que j’avais mal aux reins. En regardant alentours pour voir ce qu’était devenu l’ours, je fis un bond en arrière en voyant la masse velue juste à côté de moi. Harold ne put s’empêcher d’éclater de rire.

    — Il est mort ! annonça-t-il rapidement alors que je m’éloignais.

    — Quoi ? Mais comment as-tu…

    — Moi ? J’ai rien fait, l’ami. C’est toi ! Tu lui as brisé la nuque en lui tombant dessus. Comme quoi ! Ça sert des fois d’être aussi gros qu’un ours ! Imagine la taille de l’ombre que tu lui as projetée, à lui ! »