Tag: Masque de Mort

  • 069 – Le clown

    Phrase donnée par Masque de Mort

    Le clown la regardait fixement. Ses vêtements étaient sales et il sentait l’alcool sous son maquillage.

    Elle n’avait jamais aimé les clowns mais celui-ci particulièrement ne lui inspirait pas confiance. Surtout dans cette ruelle un peu trop sombre. Elle resserra la main sur la lanière de son sac à main puis inspira profondément. Les relents de l’homme déguisé atteignirent son palais. Elle dut retenir un haut-le-cœur. Ils étaient tous les deux immobiles.

    Le regard du clown était vague, pas vraiment fuyant. C’était comme s’il n’arrivait pas à se fixer sur la jeune femme. Il regardait tout autour d’elle. Pas ses jambes, son sac, ou ses cheveux. Vraiment tout autour d’elle. Comme poser son regard sur elle lui brûlait la rétine.

    La jeune femme pris son courage à deux mains et fit un pas en avant. Puis un second, puis un troisième. Elle était lancée. Se décalant un peu pour éviter le l’effrayant et triste bonhomme, elle se retint de fermer les yeux pour se donner la force de continuer quand elle passa à son niveau. Il fallait garder les yeux ouverts au cas où il tenterait quelque chose.

    Elle avait fait six, sept, huit pas, après lui. Il n’avait pas l’air d’avoir bougé. L’avait-il au moins vue ? Elle souffla. Fort. Soulagée.

    Pourquoi fallait-il qu’elle prenne ces petites rues pour rentrer le soir chez elle ? se demanda-t-elle. C’était la première fois qu’elle tombait sur quelqu’un d’aussi bizarre mais chaque fois qu’elle passait là, elle sentait l’angoisse monter en elle et, chaque fois, elle se disait que ce serait la dernière fois.

    Presque arrivée au bout de la rue, elle se retourna pour voir le clown. Il n’avait par l’air d’avoir bougé d’un iota.

    Sans avoir le temps de se retourner, elle buta dans quelque chose, ou plutôt quelqu’un. Un homme, la dépassant d’une tête, lui saisit le poignet. D’où venait-il ? Cette partie de la ruelle était complétement vide il y avait un instant encore.

    Elle tenta de se libérer de son étreinte mais elle était trop puissante. Soudain, une paire de mains se posa sur ses épaules. Ils étaient donc deux. Ce ne pouvait être le clown, il n’aurait pas pu parcourir cette distance en si peu de temps.

    Le premier agresseur de sa main libre attrapa le sac à main et tira pour l’arracher à sa propriétaire. Celle-ci résista tant qu’elle put mais ces efforts furent vain, retenue par le complice. Elle cria à peine. Tout juste fut-ce un haussement de ton de protestation. Autant parce qu’elle savait que jamais personne ne viendrait l’aider que pour ne pas énerver ces deux délinquants et les pousser à des actes plus graves qu’un simple vol.

    Pendant que le premier fouillait le sac, elle sentit soudain l’étreinte du second se défaire et le vit tomber par terre à son côté. Le premier gars leva la tête de l’intérieur du sac, prit une expression de surprise apeurée. Il jeta le sac par terre et s’enfuit en courant.

    Elle se retourna pour voir et se retrouva nez-à-nez avec le clown. Surprise, elle recula d’un pas, marcha sur son sac à main et tomba au sol sur les fesses. Vue d’en bas, il était encore plus effrayant. Elle essaya de reculer encore un peu mais le sol était glissant ses mains n’avaient pas de prise réelle.

    Le clown sortit de son immobilisme et ramassa le sac. Elle resta immobile, préférant perdre le peu d’argent qu’il contenait plutôt que de finir comme son assaillant au sol. Elle ne savait pas s’il était juste inconscient ou mort…

    Finalement, le clown, sans même fouiller le sac, le tendit à la jeune femme qui eut un petit mouvement de stress avant de tendre fébrilement la main vers son bien. Il lui tendit ensuite une main usée et sale. Elle attendit quelques secondes, incertaine, puis l’attrapa. Avec une force incroyable, le clown la tira du sol et elle ratterrit sur ses pieds presque instantanément.

    La jeune femme lâcha la main du clown pour enserrer son sac. Elle commençait à trembler après cette mésaventure.

    « Merci… merci beaucoup. » trouva-t-elle la force de dire. Elle le pensait du fond du cœur mais ne put l’exprimer comme elle le voulait. Elle ne savait même pas s’il l’avait entendu.

    Il lui fit un signe de tête et sa bouche s’étira dans ce qui devait être un sourire bienveillant mais rendait étrangement carnassier sur cette figure au maquillage passé.

    Elle fit un pas en arrière, fixant son étrange sauveur, puis se retourna pour sortir d’un pas pressé de la ruelle. Avant de rejoindre le brouhaha de la grande rue, elle eut l’impression d’entendre le clown maugréer :

    « C’est ma rue, personne n’agresse personne dans ma rue ! »

    En jetant un dernier coup d’œil, elle vit le clown frapper à grands coups de pieds l’agresseur qui était encore au sol.

    Elle n’aurait peut-être plus peur de passer par là finalement.

  • 068 – La fissure

    Phrase donnée par Masque de Mort

    « Tu avais déjà remarqué cette fissure dans le mur des toilettes ?

    Paul fit semblant de ne pas avoir entendu son colocataire et continua à taper sur son ordinateur, rentrant légèrement la tête dans ses épaules comme pour disparaître. Bien évidemment qu’il avait vu la fissure dans le mur des toilettes. C’était plus un trou béant qu’une simple fissure.

    — Vu ton silence, reprit Franck, tu devais l’avoir remarquée.

    Celui-ci s’approcha de son ami et se pencha sur lui.

    — Et donc, reprit-il, tu voulais te le garder pour toi tout seul, sale égoïste ! J’imagine que tu avais remarqué que ça donne sur la salle de bain de l’appart’ voisin. Je me demande si c’est la blonde sexy. L’autre fois, quand je l’ai croisée, elle m’a regardé avec insistance, je suis sûr que je lui fais de l’effet.

    Paul se tourna vers son ami, incrédule quant aux films qu’il se faisait sur cette habitante de l’immeuble. Il levait les yeux au plafond, secouant la tête. Et Franck continuait dans son délire, se dandinant dans la pièce :

    — Je l’imagine déjà en train de se passer de la crème sur tout le corps après sa douche. Et toi, salaud, tu m’avais caché que tu assistais à se spectacle.

    — Je n’ai regardé qu’une fois ce trou pour voir s’il était traversant ou pas, objecta Paul.

    — C’est ça, lança Franck avec un petit sourire entendu. Raconte ça à d’autres. Tu voulais te garder ces visions féeriques pour toi tout seul.

    — T’es vraiment con des fois, Franck. Réfléchis un peu. C’est le vieux gros qui habite l’appart d’à côté. Maintenant, si tu veux aller te pignoler en le mâtant, vas-y fais-toi plaisir. Moi, c’est pas mon truc !

    Franck fit une grimace de dégoût non feint.

    — Argh, je crois que je vais vomir ! »

  • 062 – L’engin

    Phrase donnée par Masque de Mort

    « Non, non, ne t’inquiète pas, elle ne risque plus d’exploser maintenant » dit-il avant de donner un grand coup de pelle dans l’engin.

    La jeune femme se jeta sur le sol par réflexe mais effectivement rien ne se passa. Elle se releva, le cœur battant à cent à l’heure avec cette blague que venait de lui faire son ami. Lui, la regardait se retenant de rire. Il lui tendit la main pour l’aider à se remettre d’aplomb, elle la dédaigna pour lui montrer qu’elle n’aimait pas son humour.

    — Allez, fais pas la tête. Il sauta au pied de l’énorme roquette rouillée, ou bien était-ce un missile, il n’avait jamais compris la différence.

    — Tu ne sais pas depuis combien c’est là. Et je suis pas sûre que tu sois vraiment capable d’affirmer si c’est encore dangereux ou pas.

    Le jeune homme haussa les épaules comme il ne savait pas trop quoi répondre à ces accusations. Elle n’avait peut-être pas si tort que ça, après tout.

    — Continuons, nous trouverons peut-être quelque chose d’intéressant un peu plus au nord.

    — Je commence vraiment à me demander pourquoi je t’ai suivi dans cette histoire de chasse au trésor en plein milieu de la forêt. Il manquerait plus que tu me fasses le coup de nous perdre ou celui de la panne et j’aurais tout gagné ! »

    La jeune femme commençait à fatiguer et à avoir faim alors que son ami commençait à peine à s’amuser.

    — Encore une petite heure et après, on rentre. Promis. »

    La jeune femme souffla de soulagement. Ils reprirent la marche à travers la forêt dense, glissant maladroitement sur la mousse humide au sol.

    Ils étaient à une centaine de mètre de l’ancien missile, ou roquette, quand celle-ci explosa, projetant les deux chasseurs de trésors au sol.

    Heureusement, la mousse amortit l’impact.

    La jeune femme regarda son compagnon, très très mécontente.

    « Elle ne risque plus d’exploser ? C’est ça ? On rentre, j’en ai marre de ces conneries ! »

    Le jeune homme ne put qu’afficher un regard incrédule et hausser les épaules, comme s’il n’y était pour rien. Il savait que ce n’était plus la peine de discuter.

  • 056 – L’aveu

    Phrase donnée par Masque de mort

    « Écoute, j’ai quelque chose à te dire. Je ne t’ai pas dit toute la vérité !

    En entendant cela, Éléonore, si c’était encore possible, pâlit. Elle venait de passer une après-midi et une soirée merveilleuse avec Aristide. Assis sur ce banc au bord de la rivière, elle espérait bien qu’il entreprendrait de l’embrasser avant de la raccompagner chez elle. À présent, avec cette annonce, elle se sentait fébrile.

    — Sache que depuis le début, tu me plais énormément et je crois bien être tombé amoureux de toi dès le premier jour.

    Éléonore attendait avec difficulté le moment où son prétendant allait dire le « mais » fatidique, celui qui mettrait au jour cette nouvelle qui semblait le miner.

    — Mais je dois t’avouer que je suis un vampire.

    Éléonore regarda un court instant avec de grands yeux élargis par la surprise le jeune homme. Il semblait encore plus fébrile dans l’attente de la réaction de sa belle. Celle-ci ne put réprimer un fou-rire si fort que les pigeons qui picoraient autour d’eux s’envolèrent.

    La jeune femme riait tellement qu’elle commençait à avoir des larmes aux coins des yeux. Elle se tenait l’estomac, incapable de s’arrêter.

    Aristide restait coi devant la réaction de la jeune femme. S’il s’était attendu à un petit rire incrédule ou une réelle frayeur dans son regard, il n’avait absolument pas prévu ceci et commençait à s’en vexer.

    Au bout d’un moment et avec grande force, Éléonore parvint enfin à reprendre une contenance, soufflant et essuyant ses larmes.

    — Tu ne me crois pas ? demanda le jeune homme. Regarde bien !

    Aristide devait montrer à celle qu’il aimait son vrai visage pour la convaincre. Il détourna le visage, eut un petit mouvement comme un tic facial et montra sa nouvelle face. Ses canines avaient grandi, ses yeux avaient changé de couleur et ses traits habituellement si fins s’étaient incroyablement durcis pour le faire ressembler à un monstrueux animal.

    Encore une fois, la jeune femme fit une courte pause, étonnée, puis s’esclaffa de plus belle.

    Aristide commençait vraiment à prendre mal la réaction de la jeune femme et se demandait s’il n’allait pas la mordre pour la calmer, mais se sentiments pour elle l’empêchait de l’attaquer.

    Finalement excédé, il se leva et demanda avec force :

    — Pourquoi te moques-tu ? D’habitude les gens ont peur !

    La jeune femme continua à rire mais fit l’effort de se lever. Inspirant un grand coup, elle posa tendrement sa main sur la joue du vampire. Elle détourna le visage, eut un petit mouvement comme un tic facial et montra à son tour sa nouvelle face.

  • 021 – Le canard

    Phrase donnée par Masque de Mort

    Tout en haut, il trouva un canard.

    En plastique jaune et mou.

    Petit. Ridicule. Navrant.

    Il resta un instant interloqué, ne sachant trop s’il devait tomber à genoux en hurlant de désespoir contre le sort ou sortir son épée et découper le morceau d’hydrocarbure moulé.

    Le temps passa. Il ne sut pas exactement combien. Il repensait à ce qu’il lui en avait coûté pour en arriver là. Ces années d’entraînement, ces nombreuses quêtes pour être sûr qu’il serait prêt, assez fort, suffisamment sage. Ça devait avoir payé parce que, plus jeune, arrivé si loin pour trouver ce canard, il lui aurait arraché la tête avec les dents avant de le faire fondre dans un feu de joie.

    À présent, il était là à regarder ce jouet, sans rien faire.

    Depuis combien de temps était-il là ? Une minute ? Une heure ? Plus ? Aucune idée. Il devait prendre une décision. Peut-être que ce canard était l’objet qu’il était venu chercher. Peut-être que c’était vraiment la relique sacrée du village, celle laissée là depuis des milliers d’années par les dieux anciens. Il n’y avait qu’un seul moyen de savoir si ce canard était bien l’objet qui ramènerait l’eau sur les terres arides depuis si longtemps.

    Il allait redescendre de cette montagne. Il était l’élu. Tout le monde attendait de lui qu’il revienne avec l’objet. Comment allait-il être accueilli quand tous le verrait et découvriraient la vérité ? Il n’en savait rien.

    Il ramassa l’objet et le toisa avec un mélange de mépris et d’espoir. Le canard lui rendit son regard. Ou fut-ce juste l’impression que lui renvoyèrent ces yeux à la peinture qui s’écaillait.

    Avant de le mettre dans son sac, il eut l’impression que le canard était rempli. Rempli de liquide. Curieux, il appuya légèrement dessus et de l’eau sortit du bec de l’objet en plastique. Sentant la joie monter en lui, il pointa l’horizon en direction de son village et pressa la relique de toutes ses forces. De l’eau jaillit, d’abord un mince filet, puis un ruisseau, puis un jet si puissant qu’il se transformait en torrent.

    Il resta là-haut à presser ce canard pendant trois jours et trois nuits. Sans s’arrêter. Ce ne fut que quand ses forces le quittèrent et qu’il posa un genou, harassé par la fatigue et la faim. Que l’eau arrêta de couler de la relique. Il sut que sa mission, accomplie avec tant de difficultés, avait été menée à bien.

    Après avoir dormi encore trois jours et trois nuits, il se réveilla, reposa le canard où il l’avait trouvé, en cas de besoin des générations futures, et repartit vers son village en suivant le rivage du torrent nouvellement créé.