Depuis le mois de juillet, je me suis lancé dans un marathon de nouvelles (très voire ultra courtes) au rythme d’une par jour. Je voulais essayer d’écrire sur des thèmes différents, dans des styles différents, pouvoir faire ce qu’un roman ne permet pas à cause du travail à long terme que ça représente.
Neil Jomunsi, auteur notamment de la série des « Jésus contre Hitler », s’est lancé pour sa part dans un marathon d’autant plus courageux : le projet Bradbury, consistant à écrire et publier (avec tout le travail éditorial que cela représente) une nouvelle par semaine pendant un an, soit pour les mauvais en maths, 52 nouvelles. (plus de détails par là)
Ce matin, sur Twitter, Neil a lancé 3 tweets qui me renvoient un peu à mon projet et m’ont poussé à quelques réflexions sur ce genre de folies que sont les marathons d’écritures.
Se lancer dans un marathon, c’est d’abord de l’organisation.
En effet, ça peut paraitre évident, mais se lancer dans un projet comme ça, demande d’être capable d’y allouer un temps certain par jour. TOUS LES JOURS.
Dans mon cas, j’écris une nouvelle par jour, c’est donc clair, je dois être capable de prendre le temps, entre le boulot et la vie de famille (et le sommeil aussi, c’est important). J’ai aussi décidé d’écrire des nouvelles très courtes (maximum 5 pages A4, mais finalement rarement plus de 2), de ne pas faire un travail éditorial de peaufinage pour leur publication sur le blog. J’envoie des textes mal dégrossis et absolument pas exempt de fautes, mais la finalité de mon marathon est surtout de visiter des styles et des narrations différentes.
Dans le cas de Neil, qui livre des nouvelles finies (corrigées et complètement « pro ») et beaucoup plus longues que les miennes , cela demande beaucoup de temps et une organisation bien rodée, comme il l’explique sur son site dans l’article Tenir le rythme :
Voilà donc comment se répartit, pour moi, la semaine :
- LUNDI : écriture du premier jet, en général de 9:30 à midi puis de 14:00 à… jusqu’à ce que je m’écroule.
- MARDI : si le premier jet n’est pas terminé, je continue sur la même base horaire. S’il est terminé, j’entame une première relecture sur le texte écrit la semaine précédente : je décale d’une semaine, histoire d’avoir un regard plus frais. Toutefois, il s’agit de garder le même esprit que celui dans lequel il a été écrit. je préconise donc de ne pas laisser trop de temps passer entre deux relectures. La première réécriture est selon moi la plus difficile. Elle me colle un mal de crâne à coup sûr, et ça prend un temps fou.
- MERCREDI : une fois le premier jet relu et corrigé sur ordinateur, j’imprime le texte et je l’annote au stylo rouge . Dernières coquilles, répétitions, tournures de phrases : en général les pages se couvrent assez vite de rouge. C’est un processus au moins aussi difficile que la première relecture, mais sans le mal de tête. L’effet papier? Pas forcément, même si c’est plus agréable de se relire sur une feuille que sur un écran. Peut-être juste qu’on commence à se détacher.
- JEUDI : Après avoir corrigé le texte informatique avec toutes mes annotations, je le réimprime (au verso de la première version) et je le RE-corrige/annote avec un stylo bleu, cette fois, histoire de ne pas me planter de côté de la feuille. Cette fois-ci, il y a moins de travail. Je corrige des tournures de phrase principalement, et je simplifie ce qui peut l’être. J’élimine les mots / phrases inutiles. Il y en a beaucoup et ça plombe plus souvent le rythme que ça n’embellit le style.
- VENDREDI: Je fais une pause, je sors dans le jardin et je m’allonge dans l’herbe pour regarder les oiseaux. Non, je plaisante bien sûr. Je RELIS encore le texte, sur l’écran, et j’effectue des micro-corrections après avoir rentrées celles de la veille. Je conserve chaque version du texte dans un dossier distinct.
- SAMEDI: C’est prêt !
On voit bien qu’il a prévu de travailler tous les jours et de ne s’octroyer qu’un petit jour de repos (ou de vie sociale, je ne sais pas ^^).
Je trouve qu’en plus son projet est bien plus difficile à gérer que le mien parce que, quand moi je termine une nouvelle, je la publie et je l’oublie, Neil, lui, doit travailler sur au moins deux nouvelles en même temps, tout en pensant à ce que va être la prochaine.
C’est là que moi je triche, parce que je demande à mes amis de me fournir des phrases à partir desquelles je vais partir et essayer de créer un univers. Cela dit, ça a aussi son lot de difficultés, parce que des fois, ils m’en refilent des biens gratinées.
Les histoires courtes préfèrent les fins tristes
Étrangement, je me suis rendu compte que j’avais une tendance à faire des fins triste. Je ne sais pas si c’est une généralité ou juste un point commun entre Neil et moi, mais je dois me forcer pour faire des fins heureuses ou drôles dans les nouvelles. Alors que finalement, dans mes histoires plus longues, les fins sont moins tragiques.
C’est au pied du mur qu’on voit le mieux le mur
Pour reprendre le faux proverbe de Bigard, il est vrai qu’on ne prend la mesure de l’ampleur du travail qu’une fois qu’on s’est lancé. C’est le côté sportif. Avant, on imagine ce que ça peut être, on a une vague idée, mais une fois qu’on est parti dans le défi, on se rend compte que c’est bien plus difficile à tenir qu’on pouvait le penser, tout en gardant un niveau de qualité correct. Un peu comme faire des gosses quoi 🙂
Pour le côté enrichissant, quand on fait autant d’efforts pour tenir le rythme, tenir la qualité, essayer de faire des choses différentes, forcément on s’améliore.
Donc comme pour un vrai marathon, il ne faut pas se lancer dans un projet à long terme avec un rythme soutenu :
- sans préparation,
- sans organisation,
- sans un bon grain de folie,
mais ça reste une très bonne expérience en tant qu’auteur.
Le dernier avantage que je vois dans des marathons à sorties régulières, c’est que l’auteur reçoit des retours des lecteurs de façon plus régulières. (ce qui en bonus, permet de ne pas sombrer trop rapidement dans la dépression de l’auteur ^^)