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126 — Madame Peacock

Phrase donnée par Alice Saturne

Derrière le rideau, une main s’agitait. Madame Peacock n’en vit pas rien et continua son trajet vers le marché, pas le moins du monde intéressée, contrairement à l’habitude. Elle avait mal dormi et n’était pas d’humeur à exercer cette passion qui l’occupait depuis toujours, et plus particulièrement depuis sa retraite : espionner ses voisins.
En voyant cette main, agitant étrangement ce rideau, peut-être aurait-elle dû comprendre que quelque chose n’allait pas chez mademoiselle Huston.
Madame Peacock n’aimait pas beaucoup — comprendre « pas du tout » — mademoiselle Huston. Elles étaient l’exact opposée l’une de l’autre. La maîtresse d’école était aussi jeune, pimpante et bien élevée que la retraité était vieille, aigri et sans gène. C’était peut-être aussi pour ça que tout le monde adorait la première dans le quartier alors que les amis de madame Peacock ne se comptaient même pas sur les doigts d’un manchot.
Sa mauvaise humeur du jour ajoutée au fait que cet étrange mouvement de main venait d’une des fenêtres de la personne qu’elle détestait assurément le plus dans le quartier, voire dans le monde entier — même plus que cette petite peste de Sally Salinger qui l’avait tant ennuyée durant toute l’école primaire — fit que la vieille dame passa son chemin comme si de rien n’était.
Elle qui voyait très bien les allers et venues de monsieur Vandermulhen chez madame Grey quand son mari passait ses soirées à jouer au poker chez leur voisin et rentrait ivre. Elle voyait très bien les agissements du facteur qui passait autant de fois qu’il le fallait pour remettre en main propre le courrier à madame Williams, qui ne succombait pas à ce numéro ridicule de charme malgré un mari très souvent absent — et pas que pour déplacement professionnels, d’après madame Peacock. Assise sur le perron de sa maison, elle passait son temps assise à observer les mouvements des gens. De temps en temps, elle le faisait de derrière la fenêtre, pour que les gens se sentent libres et se laissent aller. C’était là, en général, qu’ils commettaient l’acte qui les confondait aux yeux de la vieille dame. Elle consignait ensuite tout ça dans un cahier pour être sûre de ne rien oublier.
Mais ce matin, elle n’avait pas envie de tourner la tête, de se détourner de son chemin pour voir ce qu’était ce mouvement. D’ailleurs, à cette heure, elle aurait déjà dû être revenue du marché et assise sur son perron pour surveiller tous ces mécréants. Seulement, la veille, madame Peacock était restée éveillé très tard, surprenant monsieur McGuinty en train de creuser un trou pour cacher un paquet de billet qui intéresserait sûrement le fisc en temps voulu.
Rendue rouspéteuse tant par le poids de la fatigue que par le retard qu’un réveil tardif avait entraîné sur son emploi du temps, Madame Peacock continua son chemin sans s’apercevoir de rien. Elle était déjà à l’angle de la rue quand la main attrapa finalement le rideau. Mais la tringle ne tint pas et le morceau d’étoffe s’écrasa au sol. Si la vieille dame avait été sur son perron, comme à son habitude, elle n’aurait pas pu voir mademoiselle Huston. Non. À la place, elle aurait découvert une silhouette, tout de noir vêtue, encagoulée, qui se redressait rapidement, un lacet dans la main, avant de se mettre à l’abri des regards.

One comment on “126 — Madame Peacock

  1. !!!! pauvre Mlle Huston 🙁

    J’imagine bien la police fouiller chez l’aigrie, trouver le cahier, et hmmm c’est bizarre vous n’avez rien noté today => suspecte ^^

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