Category: Nouvelles

  • 027 – Médiation

    Phrase donnée par Anna Hat

    Assis dans la posture dit du Lotus, il contemplait le coucher du soleil sur les Pyrénées.

    Il ferma les yeux et essaya de respirer lentement. Il se concentrait pour entrer en méditation. Les brins d’herbe agités sous la légère brise caressaient agréablement ses jambes nues. Il se sentait entrer en communion avec la nature toute entière. Il se sentait soulevé du sol, porté par les airs.

    Il survolait les champs, les forêts, les rivières, arrivait au-dessus de ces belles montagnes qu’encore peu de temps plus tôt il contemplait de loin. Continuant à s’élever, il sortit de l’atmosphère. Sa vue embrassait la planète entière. Il voyageait dans le cosmos, frôlant la Lune, Mars, Jupiter, Saturne. Prenant la tangente, il admirait le ballet majestueux des planètes de notre système solaire.

    Il traversa un moment l’espace, dépassant nombre de soleils, pour finalement redescendre vers un système à 4 planètes. Il s’approchait de la plus éloignée de ce si petit soleil. Elle était bleue comme la Terre mais les continents en étaient bien différents. Il continuait sa descente et s’approchait d’un bord de mer. Les montagnes n’étaient pas loin, mais semblait plus petites, différentes de chez lui. Finalement, il survolait des rivières, des forêts, des champs. Ce monde était tellement semblable au sien.

    Il posa un pied au sol avec la grâce d’une plume puis commença à marcher sur l’herbe. Rapidement, il se trouva devant un être à la forme vaguement humaine mais beaucoup plus fine, filiforme. Son visage avait de très grands yeux et un nez presque inexistant. Ils se regardèrent un instant. Il tendit sa main et dans un geste timide, ils se frôlèrent le bout des doigts puis posèrent leurs paumes de mains l’une contre l’autre comme pour communier.

    L’autre ouvrit la bouche. Lui, attendit, fébrile, d’entendre la voix de cet être extraordinaire.

    « Roger !! Cria-t-il avec la voix de sa femme. Arrête de dormir sur la pelouse ! On passe à table ! Les gosses crèvent la dalle !! »

  • 026 – La crevasse

    Phrase donnée par Charly aka Lapin

    Le soleil, après deux ans perdu dans cette crevasse, je suis tellement pressé de retrouver mes enfants.

    J’ai tellement cru que je ne sortirais jamais de là. J’aurais dû écouter ma femme, le jour où j’ai décidé d’aller faire de la spéléologie tout seul comme un grand.

    Je n’étais absolument pas préparé à vivre cette mésaventure. Qui l’aurait été ? Deux années bloquées dans les boyaux de la Terre. Je n’ai survécu que grâce à l’eau qui ruisselait par là et cette sorte de mousse qui poussait heureusement un peu partout. Au début, je trouvais que ça avait un goût de terre mais au bout d’un certain temps, je ne sais pas combien, je me suis habitué. Je ne savais pas pourquoi je continuais à me nourrir et à boire mais même dans mes pires moments d’égarement, je n’ai pas réussi à me résigner à me laisser mourir. La pensée de mes enfants, malheureux à l’idée de ne plus jamais me revoir m’en empêchait.

    Au début, il me restait la lumière. Quand j’ai compris que j’étais perdu dans ce dédale, j’ai attendu. Je me suis dit que quelqu’un viendrait me chercher. J’ai économisé la lumière pour qu’elle dure le plus longtemps possible. Je me souviens d’histoire de spéléologues chevronnés qui s’étaient retrouvés bloqués et qui n’avaient pu être sauvé qu’au bout de deux longues semaines. Il fallait être prévoyant. J’économisais la nourriture et même l’eau potable. Mais finalement, je suis tombé à court très rapidement. Quand on est habitué à faire trois repas par jour, il est très difficile de se rationner. Surtout quand on est bloqué dans le noir, sans rien à faire.

    J’ai compté les jours les premiers temps. Je sais que la lumière m’a lâché au bout de huit jours. Après je continuais à compter grâce à ma montre mais je ne voulais pas ruiner la batterie trop rapidement avec le rétro-éclairage donc je me forçais à ne pas regarder trop souvent la date ou l’heure.

    Finalement, au bout de trois mois, je crois que j’ai sombré dans la folie. J’ai essayé de me laisser mourir de faim mais la douleur au ventre était trop forte. Je n’ai pas réussi. Avec le temps, j’avais l’impression de devenir tel Golum dans sa grotte.

    Ce qui m’a sauvé la vie, c’est cette mousse. Non seulement parce qu’elle m’a nourri pendant si longtemps mais parce que pour en trouver chaque jour, j’ai été obligé de me déplacer. Et c’est grâce à ça que je suis revenu sur une zone de passages réguliers de spéléologues. Ceux qui m’ont trouvé n’en ont pas cru leurs oreilles quand je leur ai dit qui j’étais. Tout le monde me croyait mort. Deux ans. C’est normal.

    Ils ont appelé des secours pour venir me récupérer et s’occuper de moi.

    À présent, les rayons du soleil m’aveuglent. Alors que l’équipe médicale me fait un rapide check-up, je demande des nouvelles de ma famille, de mes enfants. On me répond qu’ils sont en route et qu’ils ne devraient plus tarder. Je ne sais pas si ma perception du temps a changé ou s’ils n’ont effectivement pas tardé mais quand je les ai vus, j’ai couru vers eux. Enfin, j’ai marché comme un vieillard. Deux ans à moitié plié dans un boyau sans pratiquer de réels exercices, ça rouille un peu.

    Mes enfants ont tellement grandis. Ils ont changé et pourtant sont toujours les mêmes. Ils me regardent étrangement. Avec un mélange de joie et de tristesse. Je ne sais pas à quoi je ressemble, je ne me suis pas encore vu dans un miroir. J’embrasse ma femme et je serre mes enfants fort contre moi. Je leur dis qu’ils m’ont manqué.

    J’ai à peine le temps de discuter avec eux que les médecins viennent et me traînent littéralement vers leur véhicule. Ils me disent de me calmer, que nous devons aller à l’hôpital et que ma famille nous suit. Finalement, je me laisse faire.


    Une fois que le patient est reparti dans sa chambre, le docteur va voir son épouse et ses enfants.

    « Il n’a pas l’air d’aller mieux, annonce-t-elle presque stoïque.

    — En effet, madame, répond le psychiatre. Le traitement ne fait pas beaucoup d’effet mais il est déjà à son dosage maximum. Comme je vous le dit à chaque fois, il n’y a que la patience et votre présence régulière qui le feront recouvrer son esprit.

    — Ça fait plus d’un an et demi que vous me dites ça, docteur ! Chaque fois il a l’impression de nous revoir pour la première fois depuis sa disparition. C’est comme s’il sortait de ce trou chaque fois.

    — La quantité de mousse toxique qu’il a avalé pendant cette captivité souterraine a attaqué sa raison.

    — Je sais docteur, vous m’avez déjà dit tout ça de nombreuses fois… Je commence à craquer. Il a passé trois mois au fond de cette crevasse mais on dirait que son esprit y est resté quand il a été secouru. Des fois, je me dis que j’aurais préféré qu’on ne découvre que son corps. »

  • 025 – La mort de l’écuyer

    Phrase donnée par Yoda des Bois

    Il avait toujours ignoré les raisons de la disparition de son écuyer, jusqu’à ce jour de décembre.

    La veille des fêtes du solstice.

    Il faisait extrêmement froid depuis déjà la mi-novembre. Les rivières étaient gelées sur de grosses épaisseurs. Avec le redoux des deux derniers jours, il avait commencé à neiger pour ne plus s’arrêter. Il y en avait plus haut que le niveau des fenêtres de la plupart des chaumières. La vie semblait s’être arrêtée.

    C’était un des bûcherons qui était venu au château pour y apporter la nouvelle. Il avait trouvé un corps dans la neige, un jeune homme, pas plus de vingt ans. À cette annonce, il fut immédiatement introduit dans la grand’salle du château.

    « M’seigneur, l’pauv’gars doit-z-y être d’puis pas longtemps, parcequ’eul neige est encore toute blanche. N’y a point d’sang autour. Alors qu’l’pauv’môme, il ben amôché qu’même !

    Melderic avait immédiatement pensé à son écuyé. D’un regard au seigneur Parteine, il avait demandé la parole. Ce dernier la lui accorda d’un simple mouvement de tête. Melderic, chevalier de l’Ordre et fidèle bras droit du seigneur, se leva.

    — Mène-moi à ce corps, je vais m’occuper du reste. »

    Le bûcheron s’inclina en guise d’acceptation de l’ordre — il n’avait pas vraiment le choix non plus — pendant que Melderic, d’un geste convoquait une escorte de huit gardes.

    Arrivés à une vingtaine de pas du corps, le chevalier fit stopper la troupe et demanda à ce qu’on le laisse seul pour l’examiner. Il avait arrêté de neiger pendant leur trajet et le ciel se dégageait tranquillement.

    Il y avait des traces de morsures un peu partout sur le corps. Ses habits n’étaient plus que des lambeaux. Le visage avait été littéralement labouré par des griffes mais Melderic n’eut pas de mal à reconnaître son écuyer, Borhm, disparu depuis près d’un mois. La dernière fois qu’on l’avait vu, il quittait la taverne bien plus aviné qu’il n’aurait dû. À présent, mort, il lui manquait une jambe et un avant-bras.

    « Que t’est-il donc arrivé, Borhm ? demanda Melderic au cadavre de son écuyer pendant qu’il l’examinait en détail, ainsi que les alentours. Une fois qu’il eut fini, il fit signe aux gardes qui l’accompagnaient :

    — Récupérez le corps. Ramenez-le au château pour qu’une messe soit dite et qu’il reçoive sépulture. Vous deux, restez avec moi !

    Puis il se tourna vers le bûcheron.

    — Tu peux reprendre ton travail, l’ami. Je te remercie d’être venu nous trouver.

    — Sont-ce des loups qu’y’ont fait ça, m’seigneur ? Il regardait en tout sens, peu rassuré.

    — Non, ne t’inquiète pas. Tu n’as rien à craindre dans ces bois ! »

    Melderic lui tapa amicalement sur l’épaule. Le bonhomme baissa les yeux par déférence. Le chevalier suivit de la troupe laissa le bûcheron au milieu de la forêt.

    Le seigneur Parteine fut très surpris quand son fidèle chevalier revint, près de vingt minutes après le corps de son triste écuyer, avec entre les deux gardes le maître tanneur de la ville.

    Parteine regarda son ami avec étonnement.

    « Sire, commença le chevalier. Je viens ici, vous demander de rendre justice contre Johann le tanneur pour le meurtre de mon écuyer, Borhm.

    Il voulait faire ça dans les règles. Le seigneur savait très bien que si Melderic venait avec quelqu’un et qu’il voulait immédiatement un jugement, c’est que ce pauvre hère devait bel et bien être le coupable.

    — Accusé ! qu’avez-vous à dire pour vous défendre ? demanda le seigneur de la voix la plus grave et sinistre qu’il pouvait.

    — Seigneur, je ne sais absolument pas de quoi parle le chevalier, répondit le tanneur, fébrile.

    — Je parle du cadavre de l’écuyer qui a été retrouvé ce matin dans la forêt, près de la zone de travail du bûcheron que nous avons vu ce matin. D’un claquement de doigt, Melderic fit apporter le cadavre devant le seigneur et l’accusé. Il fut déposé à même le sol. Et voici les preuves incontestables qui me font affirmer que vous êtes l’assassin de mon ami. Le corps a été trouvé dans la forêt, au-dessus d’une épaisse couche de neige, pas en-dessous. Cela, plus le fait qu’il n’y avait pas une seule goutte de sang là où le pauvre bougre a été trouvé, signifie qu’il n’est pas mort là mais que son cadavre a été déplacé. Par qui ? Comment ? Je n’en suis pas encore sûr à l’heure actuelle mais passons pour le moment. Pourquoi a-t-il été déplacé ? C’est une bonne question. Parce que le temps s’est radouci depuis deux jours et que les températures sont remontées au-dessus de la température de la glace. On sait que nous n’avons pas eu de température aussi douce depuis avant la disparition du sieur Borhm. Le redoux aura permis au corps d’entrer en décomposition. De continuer le travail à peine débuté puis arrêté à cause du froid. Le tueur s’en sera rendu compte et surtout aura assurément eu peur que l’odeur n’attire des curieux. Il aura préféré déplacer le corps.

    Le seigneur, le tanneur et même l’assistance avait le souffle coupé. Melderic captivait par sa voix et sa démonstration.

    — Voyez, Sire, comme le malheureux Borhm a été mutilé. Mon avis sur ce fait est que l’assassin a voulu se débarrasser petit à petit de son encombrant fardeau. En le débitant. Morceau par morceau. Et en le dissimulant dans les déchets. En petits parts, impossible pour quiconque de se rendre compte de la présence de reste humain. Mais le redoux a coupé court au plan.

    Le chevalier lança un regard noir à Johann.

    — À présent Sire, si vous voulez bien approcher, vous verrez que le visage de Borhm a été affreusement mutilé par un ou plusieurs animaux. Comme il a été retrouvé dans la forêt, nous pourrions croire que ce sont des loups qui ont fait cela, mais nous savons très bien qu’aucun animal de la sorte n’a été vu depuis près de trois hivers. Sans exclure totalement, cette hypothèse, je pense que nous pouvons la mettre de côté sans trop nous tromper. Je pense plutôt que l’assassin a voulu se débarrasser de ce cadavre trop encombrant en le donnant à ses chiens. Mais les animaux ne sont pas idiot et savent reconnaître quand une viande est mangeable ou non, alors ils l’ont laissé après quelques morsures en surface. L’assassin, lâché par les seuls êtres qui pouvaient encore l’aider à ce stade, n’a eu d’autre solution que d’emmener le cadavre de Borhm dans la forêt et espérer que personne ne le trouve avant que la nature ne fasse son œuvre.

    Melderic s’arrêta de parler quelques instants, autant pour ménager ses effets que pour reprendre son souffle.

    — Bien ! s’exclama Parteine. La démonstration me va, jusqu’ici. Mais pourquoi accusez-vous donc le tanneur, chevalier, alors que la façon de faire me ferait plutôt penser au boucher, rapport à la découpe de… Il n’acheva pas sa phrase mais montra vaguement les membres amputés de l’écuyer.

    — Je comprends mon seigneur. Je pensais de même avant d’examiner les restes du corps. Si vous regardez le bas du dos, vous verrez sur la peau et sur les habits, ainsi que sur le bout des doigts et la tranche de la main encore présente, des traces tenaces de teinture. L’odeur caractéristique persistante et la couleur sombre montre que la concentration du produit était élevée et donc en cours de décoction. Et il n’y a que chez le tanneur que nous trouverons pareil produit. Quand j’ai quitté Borhm à l’entrée de la taverne, le soir de sa disparition, il n’avait pas ces marques sur la main. Il ne se les sera pas faites en buvant. Il ne peut se l’être faite qu’après. Tout porte donc à croire que le meurtrier de l’écuyer est le tanneur Johann ici présent. Il possède aussi trois chiens, deux de grande taille et un plus petit. Vous pourrez voir que les morsures sur le corps montrent deux tailles bien distinctes de mâchoires, correspondant à celles des animaux de Johann.

    Melderic s’arrêta encore une fois, regardant le seigneur, manifestement convaincu par la démonstration, puis il se tourna vers le tanneur. Celui-ci restait stoïque devant le chevalier.

    — Les témoins montrent que Borhm était ivre quand il a quitté la taverne, continua le chevalier directement à sa proie, et vous avez une très jolie fille. Je sais qu’elle plait à mon écuyer pour avoir été son confident à ce sujet. Trop ragaillardi par le vin, Borhm sera allé la trouver chez vous, ce soir-là. Ça ne vous aura pas plus et vous l’aurez tué sous un accès de colère. Avouez. AVOUEZ !!

    Le chevalier commençait à perdre son sang-froid devant le tanneur dont la physionomie ne laissait rien paraître. Mais voir Melderic s’énerver était quelque chose de rare qui parvint à faire flancher le courage du tanneur. Il éclata en sanglot.

    — Oui ! C’est vrai ! Mais c’est parce que ce porc voulait prendre ma fille par la force. Elle criait et se débattait. Il avait beau être écuyer, il y a des manières à avoir avec une fille ! Alors je suis arrivé, je l’ai attrapé par le col. Il a voulu se débattre mais il était trop ivre. Je l’ai mis à la porte mais il a commencé à vouloir enfoncer la porte. Au bout de trois coups d’épaule, j’ai ouvert la porte. Je l’ai vu traverser la maison et atterrir dans mon atelier. Il s’est cogné à un des bacs de décoctions de couleur, c’est là qu’il a dû se tâcher. Je me suis approché de lui. Il voulait se battre avec moi, mais aviné comme il était, il tenait à peine debout. Il a fait un faux pas et s’est étalé de tous son long. Sa tête a buté contre une des cuves et il s’est rompu le cou. Je ne savais pas quoi faire, alors je l’ai mis dans la réserve de bois à l’extérieur, en attendant de trouver quoi faire. Tout le reste s’est passé comme le chevalier l’a dit, termina le tanneur hagard en se tournant vers le seigneur Parteine.

    — Chevalier Melderic, je vous félicite pour la découverte du coupable aussi rapidement. Johann le tanneur, vous allez avoir droit à un procès populaire que je présiderai dès ce soir pour savoir quel châtiment vous subirez. Quand au pauvre Borhm, qu’une messe soit dite et qu’il soit enterré au plus vite, il a suffisamment attendu. »

  • 023 – Ruby

    Phrase donnée par Ness Cinéma

    L’obséquiosité régnante dans cette maison pour Ruby si « aimable et loyale » me donne de furieux haut-le-cœur.

    Cette fille est l’exacte copie de la peste qu’aucun enfant ne peut piffrer mais elle est assez intelligente pour que les adultes lui laissent tout passer. Le fait qu’elle s’arrange toujours pour que ce soit l’un de nous qui porte le chapeau joue aussi énormément. Et que ces parents soient les patrons de l’entreprise qui finance cette colonie de vacances doit aussi être une raison de l’attitude des gens qui nous encadrent.

    Nous ne sommes arrivés il y a trois jours. Trois longues journées. C’est impressionnant comme le temps peut ralentir quand ce qu’on vit semble des plus désagréables et c’est fou comme trois jours peuvent être immensément longs.

    Cette fille est un mélange parfait de Nelly de la petite maison dans la prairie et de Lavigna de Princesse Sarah. Je ne savais même pas que des personnes comme ça existaient dans le monde réel.

    Ruby. Déjà, rien que son nom est un avant-goût à sa personnalité. Elle doit avoir ce caractère horripilant à cause de ce prénom. Moi, je pense que je serais devenue une chipie aussi si je m’étais appelée comme ça, juste pour me venger. Sérieusement, ça devrait être interdit de donner des noms comme ça à ses gosses. Les parents devraient être déchus de leurs droits rien qu’à l’idée d’appeler leur fille Ruby.

    Dès qu’elle nous a croisés, elle nous a fait bien comprendre, à nous autres, gosses de pauvres, comme elle nous a appelés, que nous n’étions pas du même monde et que même si ses parents l’avaient envoyée-là pour se faire des amis, elle n’avait absolument pas l’intention de se mélanger avec nous. J’ai remarqué qu’elle m’avait tout particulièrement regardée. Nous sommes les deux plus vieilles du groupe, onze ans, mais, alors qu’elle ressemble à une photo de pub pour des magasins de grande marque, moi, je ressemble à une goth. Quelqu’un m’a demandé une fois si je faisais des castings pour jouer Mercredi dans une nouvelle version de la famille Addams. Mais je n’ai pas de couettes.

    Cette peste avait terminée sa première intervention devant nous en disant :

    « Restez-là pendant que je vais choisir ma chambre. Après tout cette maison est un peu à moi, c’est bien normal que je choisisse en premier. »

    Ruby était partie tranquillement par les escaliers. Nous étions restés à nous regarder les uns, les autres, assez incrédule de ce discours.

    Depuis, elle n’a pas arrêté de nous faire tourner en bourrique. Quand aucun adulte n’est là, elle nous traite comme si nous étions ses serviteurs. Dès qu’un surveillant arrive, elle va pleurer auprès de lui pour lui faire croire qu’on ne veut pas jouer avec elle. À chaque fois, ses réactions nous étonnent tellement que nous n’arrivons pas à répondre ou réagir. Le surveillant nous réprimande et nous exhorte à l’intégrer à notre groupe. Les premières fois nous n’avons rien dit, au bout de la quatrième ou cinquième fois où elle nous a fait le coup, j’ai essayé d’expliquer la réalité mais les adultes n’ont pas l’air décidés à me croire. Je sais qu’avec ma dégaine de gothique j’inspire moins confiance que mademoiselle gnan-gnan mais les faits sont là.

    En tout cas, si nous devons passer trois semaines ensemble, il est hors de question que ce jeu ne dure plus longtemps. Je suis venue ici pour m’amuser, par pour être le bouc-émissaire ou le souffre-douleur de cette… Je vais essayer de rester polie.

    Comme les autres gosses sont tous plus jeunes que moi, je me suis un peu retrouvée chef de bande de la révolte. Nous sommes quinze. Je ne compte évidemment pas la Peste. Le plus jeune a cinq ans. Nous sommes censés dormir dans des chambres de trois. Sauf évidemment Ruby qui a fait un caprice pour dormir seule. Elle a réussi à embobiner les moniteurs pour qu’ils acceptent. Ce qui a fait que Lucius et moi dormons dans le salon. Lucius est un garçon de dix et malgré qu’il a, lui aussi, un nom difficile à porter, il est très sympa.Comme quoi ! Nous dormons donc dans sur les canapés du salon. Ce qui a obligé les monos à migrer dans la cuisine pour finir leurs soirées quand tous les gosses sont couchés.

    Je suis sur le canapé et je réfléchis à ce que je peux concocter à cette si aimable et loyale Ruby. Comment les adultes peuvent être si aveugles quant à la réelle nature de cette sale gamine ? Je les entends rire derrière la porte de la cuisine. Des fois, je me demande si nos parents sont conscients de nous laisser aux mains de jeunes adultes peut-être moins responsables que moi.

    L’idée est née dans mon esprit comme une explosion de feu d’artifice. Il faut que la Peste soit prise en flagrant délit de fumer ou de boire de l’alcool. Elle serait directement renvoyée, même en étant la fille du patron.

    Le plan est assez simple à réaliser.

    Le lendemain, en début d’après-midi, pendant le moment où habituellement les monos nous laissent tranquilles pour faire ce que nous voulons, ils nous rassemblent dans le salon. Comme je l’espérais.

    « Cette nuit, commence la chef des monos, des bouteilles de bières ont été volées dans le frigo de la cuisine. C’est un comportement inadmissible. Vous êtes des enfants et vous n’avez absolument pas le droit de boire de l’alcool. J’attends donc que le coupable se dénonce et ramène ces bouteilles, en espérant qu’elles soient encore intactes. Je vais vous laisser une heure tranquilles. Si d’ici là, le coupable se fait encore attendre, nous irons chercher dans vos chambres ! »

    J’essaie de rester la plus sérieuse possible. Il ne faut pas que j’ai l’air trop euphorique, ça pourrait mettre la puce à l’oreille de la Peste ou des monos.

    L’heure écoulée, la chef des surveillants et deux de ses acolytes commencent le tour des chambres en commençant par le salon et mes affaires. Pas de problème. J’ouvre mon sac, et montre que je n’ai rien à cacher. Idem pour Lucius. Pendant que la troupe d’enfants et les trois enquêteurs montent à l’étage pour commencer la fouille dans les chambres, je pars voir un des moniteurs resté en bas. Je joue la timide, celle qui ne sait pas comment dire quelque chose d’embarrassant et finalement, je balance le pavé dans la mare.

    « Cette nuit, j’ai vu Ruby descendre dans la cuisine. J’ai cru qu’elle avait soif et qu’elle voulait boire un verre d’eau mais quand elle est remontée j’ai cru entendre un bruit de bouteilles.

    — Tu es sûre ? me demande le gars à qui je déballe tout ça.

    — Oui, mais je n’ai rien osé dire devant tout le monde tout à l’heure, comme ce sont ses parents qui… » Et je ne finis pas ma phrase pour lui faire croire que j’ai peur des conséquences de ma délation.

    Le gars me dit de rester là et d’attendre sur le canapé. Je le laisse monter prévenir la chef. Mes oreilles attirent le bord de mes lèvres mais je fais tout pour les empêcher de bouger. Il faut que je reste aussi neutre que possible.

    Quelques minutes plus tard, j’entends la Peste crier. Elle explose en sanglot, criant qu’elle ne sait pas ce que ces bouteilles font dans sa chambre ni pourquoi il y en a une de vide, que ce n’est pas elle qui l’a bue.

    Je reste assise sur le canapé, à regarder le fond de la cheminée en face.

    Quelques heures plus tard, le père de Ruby arrive pour la récupérer. C’est un gros bonhomme avec une grosse moustache qui roule dans une grosse voiture. Il est littéralement rouge de colère. J’ai presque de la peine pour la Peste quand je vois son père la traîner par le bras jusqu’à la voiture en lui hurlant dessus.

    Mais finalement, j’ai l’impression d’avoir vengé princesse Sarah. Je suis contente.

    Tous les gamins avec moi ont l’air soulagés, très heureux de ce qui vient d’arriver.

    Finalement, ce n’est pas si difficile que ça de manipuler les adultes.

  • 022 – Le chat

    Phrase donnée Par Mélize the Fairy

    Sur le parking, il y avait un vilain chat qui me regardait de ses yeux phosphorescents.

    Rien avoir avec Garfield ou Félix ni même celui qu’avait trouvé Usagi et qui l’avait changée en Sailor Moon. Non, celui-là semblait sauvage, méchant. Il était déjà à moitié cambré. Je voyais son pelage se redresser lentement dans la pénombre. Sa gueule s’ouvrait petit à petit. Je sentais qu’il allait se mettre à feuler d’ici peu de temps.

    Mais diable qu’avait donc ce vilain matou ? Je ne lui avais rien fait. J’étais juste revenue à ma voiture avec mon chariot de courses. C’était peut-être le bruit de cet engin mal entretenu, qui couinait de façon stridente. Même moi ça m’énervait. Mais comme ils étaient tous à peu près dans le même état, je n’avais pas pris la peine de le changer.

    C’était peut-être à cause de la viande et de la charcuterie que j’avais acheté. Il devait croire que c’était une proie et me prenait pour une concurrente. Ou alors, il venait de la forêt qui jouxtait le parking du centre commercial et espérait que je lui laisse un peu de nourriture.

    « Pschhhttt ! »

    Je me sentais ridicule à crier comme ça contre cet animal pour le faire déguerpir. J’aurais dû ranger mes paquets dans mon coffre et rentrer chez moi tranquillement, tout en l’oubliant. Je ne hais pas spécialement les chats mais celui-ci ne m’inspirait pas confiance. J’avais peur qu’il se jette sur moi pendant que je lui tournais le dos, et vu son état, j’avais du souci à me faire.

    Je tapai du pied et criai encore.

    « Allez ! Va-t’en ! »

    Rien n’y fit. Il resta là. La queue droite comme un paratonnerre et les poils du dos dans la même direction.

    Il ne s’arrêtait plus de feuler.

    Au bout d’un moment, c’en fut assez. Je n’allais pas rester là toute la nuit en attendant qu’il me laisse charger ma voiture. Je pris une des boîtes de conserve que j’avais achetées, des raviolis, une grosse boîte, et je fis mine de la lui jeter dessus.

    Enfin, il déguerpit. Pourquoi n’avais-je pas fait ça plus tôt ?

    Soulagée. Je le regardais disparaître dans la lisière du bois quand j’entendis derrière moi, tout prêt, un grognement étrange. Je tournai la tête et comprit de quoi le chat avait peur. Ses feulements avaient dû couvrir le bruit de ses pas.

    Je n’eus que le temps de voir cet immense ours noir lever la patte avant de me l’abattre dessus.

  • 021 – Le canard

    Phrase donnée par Masque de Mort

    Tout en haut, il trouva un canard.

    En plastique jaune et mou.

    Petit. Ridicule. Navrant.

    Il resta un instant interloqué, ne sachant trop s’il devait tomber à genoux en hurlant de désespoir contre le sort ou sortir son épée et découper le morceau d’hydrocarbure moulé.

    Le temps passa. Il ne sut pas exactement combien. Il repensait à ce qu’il lui en avait coûté pour en arriver là. Ces années d’entraînement, ces nombreuses quêtes pour être sûr qu’il serait prêt, assez fort, suffisamment sage. Ça devait avoir payé parce que, plus jeune, arrivé si loin pour trouver ce canard, il lui aurait arraché la tête avec les dents avant de le faire fondre dans un feu de joie.

    À présent, il était là à regarder ce jouet, sans rien faire.

    Depuis combien de temps était-il là ? Une minute ? Une heure ? Plus ? Aucune idée. Il devait prendre une décision. Peut-être que ce canard était l’objet qu’il était venu chercher. Peut-être que c’était vraiment la relique sacrée du village, celle laissée là depuis des milliers d’années par les dieux anciens. Il n’y avait qu’un seul moyen de savoir si ce canard était bien l’objet qui ramènerait l’eau sur les terres arides depuis si longtemps.

    Il allait redescendre de cette montagne. Il était l’élu. Tout le monde attendait de lui qu’il revienne avec l’objet. Comment allait-il être accueilli quand tous le verrait et découvriraient la vérité ? Il n’en savait rien.

    Il ramassa l’objet et le toisa avec un mélange de mépris et d’espoir. Le canard lui rendit son regard. Ou fut-ce juste l’impression que lui renvoyèrent ces yeux à la peinture qui s’écaillait.

    Avant de le mettre dans son sac, il eut l’impression que le canard était rempli. Rempli de liquide. Curieux, il appuya légèrement dessus et de l’eau sortit du bec de l’objet en plastique. Sentant la joie monter en lui, il pointa l’horizon en direction de son village et pressa la relique de toutes ses forces. De l’eau jaillit, d’abord un mince filet, puis un ruisseau, puis un jet si puissant qu’il se transformait en torrent.

    Il resta là-haut à presser ce canard pendant trois jours et trois nuits. Sans s’arrêter. Ce ne fut que quand ses forces le quittèrent et qu’il posa un genou, harassé par la fatigue et la faim. Que l’eau arrêta de couler de la relique. Il sut que sa mission, accomplie avec tant de difficultés, avait été menée à bien.

    Après avoir dormi encore trois jours et trois nuits, il se réveilla, reposa le canard où il l’avait trouvé, en cas de besoin des générations futures, et repartit vers son village en suivant le rivage du torrent nouvellement créé.

  • 020 – La gravité

    Phrase donnée par Khyreena

    Je n’ai jamais pensé aussi clairement que depuis le jour où j’ai arrêté de croire en la gravité de ce monde.

    Avant, tout me semblait si important, si lourd de conséquences, si vital. Mon existence n’était dictée que par des « Je n’ai pas le choix », « c’est comme ça », « c’est la loi », « personne ne peut aller contre ».

    Quand j’ai quitté mon boulot, tout le monde a cru que c’était sur un coup de tête. Ils ont dit que c’était parce que je ne supportais pas la charge de travail, le poids des responsabilités.

    J’en avais juste marre d’avoir l’impression de m’enfoncer un peu plus chaque jour dans ce bourbier, de sentir l’écrasement de la culpabilité de rester en bas de l’échelle alors que j’aurai dû être là-haut, tout là-haut.

    À présent, je suis en haut de cet immeuble. Et j’ai compris.

    J’ai compris que mes soucis et mes problèmes ne sont qu’une vision de l’esprit et que ce sont eux qui m’empêchent de faire ce que je veux.

    Je regarde tout en bas, les gens sont si petits. Certains lèvent la tête et me montrent du doigt, inquiet.

    Alors que je m’élance, ils crient. Je les entends par dessus les bruits naturels de la rue.

    Je regarde le ciel et les quelques nuages.

    J’ai envie de crier de bonheur.

    Je regarde le ciel et les quelques nuages. J’ai envie de crier de bonheur. Et finalement, la seule chose qui me vient à l’esprit c’est :

    « Newton n’était qu’un boulet ! »

  • 019 – Survie

    Phrase donnée par Aloyse Blackline

    « C’est pas juste !!!

    — Écoute Erwann, s’énerva le grand-père, tu es le plus jeune donc tu prends ce qu’il reste, c’est comme ça, c’est la règle. Et puis, va parler de justice à ton père, à Sarah et à Paul !

    — Non mais je me retrouve quand même avec l’arme la plus pourrie du groupe. En fait, vous voulez que ce soit moi le prochain, c’est ça ?

    — Putain, t’es chiant Erwann ! coupa Damien, l’aîné. T’es toujours en train de te plaindre. C’est clair qu’à se rythme, on s’occupera peut-être de toi avant que ça t’arrive !! »

    Sur quoi, il démarra sa tronçonneuse pour vérifier son bon fonctionnement et surtout éviter d’entendre son plus jeune frère continuer à se plaindre.

    Ils étaient quatre survivants, Erwann et Damien, leur mère, Gisèle, et le père de celle-ci. Toute la ville avait été submergée de zombies en moins d’une journée. À présent, il fallait qu’ils quittent la zone avant que les militaires ne décident de la boucler et d’éradiquer tout ce qui pouvait être une menace. Ça se passait comme ça dans les films, il y avait peu de chances que ça se passe différemment dans la vraie vie. Ce qui était dingue pour ces quatre survivants, c’est que l’épidémie de monstres s’était déclarée ici, dans cette petite ville de province et pas à Paris. Pourtant ici, il n’y avait aucun laboratoire, aucune entreprise ou grand groupe qui travaillât dans la branche des virus ou produits du genre. En tout cas, personne n’était au courant.

    En tout état de cause, ils n’étaient plus que quatre sur la famille de sept qu’ils étaient encore peu d’heures plus tôt. Le père d’Erwann et de Damien, Martin, ainsi que leur sœur Sarah et leur autre frère, Paul, avaient été contaminés. Ils étaient partis en voiture au centre-ville pour en revenir à l’état de zombies titubants.

    Ils avaient essayé de se nourrir des autres mais Gisèle, perspicace et réactive, avait rapidement dégommé son mari sans trop de problèmes — elle avait une dent contre lui depuis qu’elle savait qu’il avait couché avec cette traînée de la compta. Il lui avait été plus compliqué de s’occuper de Sarah, même si au moment où elle avait collé le batteur électrique dans les yeux de sa fille, elle ne ressemblait déjà plus trop à l’adorable bébé aux bouclettes rebelles qu’elle voyait chaque fois qu’elle posait les yeux sur elle. La cervelle, facilement atteinte à travers les orbites, avait giclé dans toute la cuisine. Pour Paul, le troisième, c’était le grand-père qui s’en était occupé. Après lui avoir fait un croche-pied avec sa canne, il lui avait fait tomber le dictionnaire sur la tête qui s’était écrasée sous le poids du livre.

    « Quand je disais qu’il avait rien dans le crâne, celui-là ! » avait-il rajouté en regardant Gisèle, déconcertée.

    Avec tout le raffut, Damien et Erwann avaient dévalé les escaliers pour voir ce qu’il se passait et avaient frémi d’horreur en voyant ce qu’il restait d’une partie de la famille.

    « Il ne faut pas rester ici, avait dit Gisèle. Il faut prendre de quoi se défendre et trouver un véhicule avec les clefs pour partir le plus loin possible. »

    Le grand-père était allé chercher son fusil de chasse et toute ses cartouches. Pour les sangliers, les chevreuils, les palombes, tout ce qu’il avait. Gisèle avait pensé un instant à prendre l’arc de sa fille mais elle s’était doutée que les flèches, au mieux, traverseraient le corps mou des zombies, mais ne leur causeraient pas trop de dégâts. Elle avait eu du mal à se décider et finalement, avait pris le katana d’apparat que son mari avait posé fièrement au-dessus de la télé. Il n’était pas aiguisé, la lame n’était peut-être même pas en métal, mais ça serait sûrement suffisant contre ces pourritures sur pattes. Damien avait immédiatement choisi la tronçonneuse après avoir vérifié qu’il avait une réserve suffisante de carburant pour la faire fonctionner.

    Ils étaient prêts à sortir de la maison pour essayer de trouver un moyen de transport. Tout le monde enserra son arme, prêt à s’en servir, et tous sortirent par la baie vitrée du salon. Ils n’avaient pas traversé le jardin qu’une cinquantaine de zombies se dirigeaient déjà vers eux.

    Grand-père avait déjà dégommé quatre de ces « saloperies » comme il avait dit, quand les premiers des monstres furent sur le groupe. Gisèle envoya son sabre japonais en tous sens et découpa avec une étrange facilité bras, jambes et têtes de ces monstres. Damien s’en donnait à cœur-joie avec sa tronçonneuse. Il trouvait étonnamment plus drôle de découper du monstre que des stères de bois. Quand à Erwann, il restait un peu en retrait, presque honteux de cette arme censée lui sauver la vie. Jusqu’au moment où encerclé, il dut lui aussi passer à l’attaque. D’un grand mouvement en arc de cercle, il envoya son arme dans la tête du zombie qui en voulait à sa chair. La tête du monstre explosa comme le bouquet final d’un feu d’artifice de fête nationale. Erwann jubila.

    « Wouhou !! Mais en fait, elle est trop bien cette pelle !! »

  • 018 – Le temps

    Phrase donnée par Ambrose

    Le temps n’est plus ce qu’il était.

    C’est ce que je me dis chaque matin quand je me regarde dans le miroir pour me raser. Ou bien c’est moi qui vieillis. Je ne sais pas trop.

    Et maintenant, me voilà dans cette satanée salle d’interrogatoire. À perdre mon temps. Oh, je sais bien pourquoi je suis là. Ils n’ont pas eu besoin de me le dire quand ils m’ont ramassé sur les quais de Seine. Même si je me demande comment ils ont su. Je revenais d’un boulot pour un gros client. J’allais planquer à l’endroit habituel mon butin en attendant de réunir la commande complète. Heureusement, ils m’ont chopé juste avant que je ne me serve de la cachette. Ce n’est pas la seule planque que j’ai dans la ville mais c’est toujours ennuyeux d’en perdre une. Il est très difficile de trouver un abri qui résiste au temps.

    Je regarde encore une fois les murs. Il n’y a pas d’horloge. C’est à devenir fou d’être là, enfermé à imaginer les secondes s’égrainer comme le sable d’un sablier. Au moins à l’époque de cet objet, ils ne s’embêtaient pas à faire des « pressions psychologiques » en faisant poireauter un suspect pendant des heures en garde à vue. À l’époque, ils le torturaient direct, au moins on perdait pas de temps. Mais là. Là ! Je n’y tiens plus. J’ai envie de hurler. Mais je sais que c’est ce qu’ils veulent. Me voir craquer. Ils attendent que je sois à point.

    Suis-je bête. C’est ce que je devrais faire. Faire semblant de péter un câble pour qu’ils viennent enfin me parler, m’inculper, ou essayer, et me laisser partir.

    Enfin, deux agents arrivent. Ils sont en civil. Le genre décontracté. Je déteste ces gens-là. Ils sont tellement vulgaires dans leurs postures pseudo-cools. Au moins après la révolution française, les policiers étaient sérieux et prenaient leur rôle très au sérieux. Ils ne la jouaient pas les héros de série américaine.

    « Bien, bien, bien ! commence le premier en posant sur la table le bracelet franc en bronze sculpté incrusté de pierres précieuses qu’ils m’ont pris en m’arrêtant.

    — D’après nos experts, reprend-t-il, ce bijou est authentique. D’époque. Entre le IV° et le VI° siècle. On attend les analyses complémentaires au carbone 14 pour être sûr. Seulement, il n’a jamais été répertorié par aucun archéologue et ne porte aucun signe de détérioration dû à un enterrement prolongé.

    — C’est normal, il n’a jamais séjourné dans le sol, réponds-je.

    — Seulement voilà, continue le second flic, il y a un bon ami à moi qui travaille au service d’histoire du Louvre. Service du folklore régional. Et il y a peu de temps, il m’a raconté une histoire étrange d’un bracelet que Clovis aurait perdu une nuit. Une histoire racontée qui s’est transformée en légende dans un petit village de Picardie. Heureusement, il y a des écrits qui ont apporté cette histoire étrange jusqu’à nous. Clovis avait un bracelet qu’il aimait beaucoup et qu’il portait toujours. C’était une sorte de porte-bonheur. Il s’en servait surtout lors des combats. Et puis, une nuit, il a vu une personne s’introduire dans sa tente, lui prendre le bracelet et s’enfuir. Quand Clovis est sorti de sa tente, immédiatement après son voleur, celui-ci avait disparu dans la nuit. Aucune trace de lui dans le camp. Personne ne l’avait vu. Et personne n’a jamais retrouvé ce bracelet.

    — Vous essayez de me faire croire que c’est ce bracelet là, celui que j’avais sur moi ? Soyons sérieux deux minutes. Vous me dites que vous m’arrêtez sur base d’une légende d’un patelin paumé ?

    — Le truc c’est qu’il y a tout au long de l’Histoire, des légendes similaires à des lieux et de époques très différentes…

    — Sérieusement, reprends-je sans me démonter et comme si je n’avais pas entendu cette dernière phrase, c’est quoi le chef d’inculpation ? Si c’est vol, y a prescription depuis, non ? »

    Les deux flics se regardent. Le premier soupire et se lève. Il me fait signe de l’imiter.

    Après qu’il m’a libéré de mes menottes, il me raccompagne jusqu’à l’entrée du commissariat.

    « Faites attention à vous ! me préviens le second agent. Nous vous avons à l’œil. Vous ferez un faux pas un jour ou l’autre. Nous avons le temps.

    — Le temps n’est plus ce qu’il était, vous savez ! » dis-je en souriant. Avant de quitter les lieux, je demande à récupérer mon bien. Il a de la valeur et je n’ai aucune raison de leur laisser.

    Une fois loin du poste de police et de ces deux agents un peu trop pressants à mon goût, je m’arrête un instant. La rue est vide. Je range le bracelet bien à l’abri de l’air et des interférences quantiques. Je regarde ma montre. Finalement, j’ai encore le temps de revenir un peu en arrière me prévenir de cette arrestation, histoire que je sache qu’ils sont à mes basques, et d’aller récupérer les ferrets d’Anne d’Autriche avant mon rendez-vous avec le client. Je souris Après tout, j’ai toujours le temps.

  • 017 – L’amour vache

    Phrase donnée par Dexash

    « Et puis… Elle m’a embrassé. Là comme ça. Alors que trente secondes plus tôt, elle me jetait des noms d’oiseaux à la tête. »

    Pierre attendait une réaction de son ami qui remuait le fond de sa bière en la regardant. Au bout de quelques secondes qui parurent assez longues à Pierre, Jules leva le nez.

    « Effectivement, c’est assez étrange… Mais pas autant que la tête que tu me tires-là. Qu’est-ce qui te gêne ? Elle te plaît pas ?

    Pierre fut décontenancé par cette question, pourtant simple. Il resta un instant pensif, le regard dans le vide, ne voyant plus passer les voitures dans la rue derrière les arbustes qui délimitaient le café.

    — Si, évidemment qu’elle me plait. Enfin, oui, elle est très mignonne et tout mais son caractère… tu imagines ça, toi ?

    Pierre se pencha pour que les personnes aux autres tables de la terrasse n’entendent pas.

    — Après des années à me détester, à me faire des coups bas, à lancer des rumeurs à la con sur mon dos, je te rappelle que l’histoire de la chèvre, c’est elle qui l’a lancée quand même, et ben après tout ça, elle arrive et m’embrasse comme jamais personne ne m’a embrassé ? Je comprends plus rien.

    — La chèvre, c’était elle ? Jules sourit. C’était quand même bien joué.

    — Jules !! C’est pas le sujet.

    — Ouais ! mais quand même, non ? Si ça avait pas été contre toi, t’en dirais quoi ? C’était bien joué. Il faut l’avouer.

    Pierre se rejeta au fond de sa chaise et but une rasade de sa bière.

    — On peut pas discuter sérieusement avec toi ! Je sais même pas pourquoi je t’en parle !

    — Parce que ton chien est mort d’ennui la dernière fois que tu lui as raconté une de tes aventures ? »

    Pierre leva les yeux au ciel.

    Le silence se fit une minute ou deux. Il ne fut rompu que par le portable de Pierre qui se mit à vibrer. Il lut rapidement le SMS et reposa l’appareil sur la table en soufflant fort.

    « Quoi ? C’est elle ? » s’enquit rapidement Jules avec un large sourire.

    Pierre refusa de répondre. Son ami était parfois tellement puéril. Il ne voulait pas lui dire le contenu du message.

    Jules sortit son paquet de cigarettes, en sortit une et l’alluma.

    « Bon, reprit-il après avoir tiré une grosse bouffée, et il s’est passé quoi après ce baiser ? Tu m’as pas dit.

    Il semblait avoir repris son sérieux.

    — Ensuite, on est parti marcher dans la nuit.

    — Romantique à souhait.

    Jules souriait de sa façon la plus ironique possible. Pierre lui jeta un regard menaçant de s’arrêter là.

    — Et on a parlé. Enfin surtout elle. Elle m’a avoué qu’elle avait craqué pour moi le premier jour qu’elle m’avait vu et que si elle avait été odieuse avec moi, c’est parce qu’elle était dégoûtée que je fasse pas attention à elle.

    — Les rumeurs… coupa Jules.

    — Les rumeurs ?

    — Oui ! C’est quoi son explications pour toutes ces rumeurs à la con qu’elle a lancées sur ton dos ?

    Pierre sembla un peu embarrassé.

    — Elle m’a dit que c’était pour faire fuir les filles à qui je plaisais, parce qu’elle n’aurait pas supporté de me voir avec une autre.

    — C’est de la jalousie ou je m’y connais pas. Ta vie va être un enfer. Enfin, si tu gères bien, elle fera tout ce que tu veux mais faudra pas faire de faux mouvements. Si elle est aussi amoureuse qu’elle le dit.

    — Tu n’y crois pas ? s’inquiéta Pierre.

    — C’est étrange quand même. Moi, je me méfierais quand même, que ce soit pas une nouvelle de ses fourberies.

    — T’aimes pas que je sois heureux, en fait, c’est ça ? s’énerva Pierre.

    — Je suis très content pour ce qu’il t’arrive mais fait gaffe à tes arrières. Une nana qui te pourrit la vie depuis l’entrée au lycée et qui tombe dans tes bras comme ça en une soirée alors qu’elle a même pas bu… je trouve ça bizarre… Elle était bien à jeun quand elle t’a embrassé ?

    — Oui, je crois. Elle me semblait sobre.

    Pierre regardait le fond de son verre, rattrapé par la logique implacable de son ami. Jules commençait à le faire douter. Il avala la fin de sa bière d’une traite.

    — Le problème, c’est que j’ai toujours été amoureux d’elle, je crois. Alors maintenant que j’arrive à sortir avec, j’ai pas vraiment envie de rater ça. Quitte à souffrir un peu.

    Jules posa sa main sur l’épaule de son pote.

    — Je comprends tout à fait, mais fais juste gaffe à pas te faire broyer par cette fille. Elle a un caractère fort et toi, tu es trop gentil pour t’y opposer. Ça m’inquiète. Je sais ce que c’est qu’une relation à problème comme ça. En général, tu te rends compte que t’es en petits morceaux qu’une fois que tu te retrouves tout seul. Allez, il faut que j’y aille ! »

    Jules se leva, attrapa sa veste et serra la main de Pierre, laissant celui-ci à ses réflexions.

    Quelques minutes étaient passées quand il fut rejoint par sa nouvelle petite amie. Elle était belle comme un cœur et avait ce sourire béat qu’ont les jeunes amoureux fixé sur le visage.

    Pierre ne pouvait s’empêcher de voir la fille qui lui avait fait tant de mal pendant ces années mais il ne pouvait empêcher son cœur d’être sourd à ces souvenirs.

    Elle s’approcha mais ne s’assit pas à la table.

    « Pierre écoute. Je crois que c’était une erreur de ma part de t’embrasser hier soir. N’espère rien de moi. Je préférais quand même te le dire en face. Salut. »

    La jeune fille s’éloigna. Pierre était anéanti sur sa chaise. Il ne voulait pas y croire et eut même l’impression de la voir, de dos, essuyer une larme.