Category: Nouvelles

  • 076 – Le message instantané

    <Message de service> À partir de maintenant, je mettrai en italique la ou les phrases données. </Message de service>

    Phrase donnée par Masque de Mort

    Il répondit de manière fort évasive au message instantané.

    Il était tard et n’avait aucune envie d’entrer dans une de ces discussions interminables où chacun tenterait d’avoir raison et n’essaierait pas de comprendre ni même d’écouter l’autre.

    Mais elle revint à la charge, répétant sa question presque mot pour mot.

    Au lieu de répondre, il préféra ne rien dire et continuer ce qu’il faisait. C’était bien plus intéressant qu’une dispute.

    Mais elle ne lâchait pas l’affaire. Elle le harcelait, sachant très bien que le son des notifications qui entrecoupait la musique l’énerverait suffisamment pour le pousser à bout. Elle savait qu’il ne couperait pas le son, même si c’était la meilleure solution pour se débarrasser du problème finalement.

    Il craqua au bout de la cinquième fois que ce sample horripilant fut joué et alla voir ce qu’elle racontait.

    Il étouffa un juron en voyant qu’elle ne s’était même pas embêtée et avait copié/collé le même message.

    Un sixième, identique, arriva et fit sonner encore une fois cette horrible mélodie.

    Il se résigna à répondre. De toute façon, elle savait la vérité. Il était impossible de nier. Peut-être qu’avouer permettrait d’arranger les choses, ou au moins de la calmer. Soupirant lourdement, il tapa rapidement et envoya sa réponse sans relire, de peur de changer d’avis.

    « Oui, J’AI mangé le dernier yaourt !! »

  • 074 – Demain

    Phrase donnée par Masque de Mort

    Demain, nous arriverons à destination. Et ce sera le dernier jour de ma vie.

    Bien sûr, je n’y mourrai pas forcément demain, voire pas du tout avec de la chance mais j’ai vu tellement de gens revenir sans leur raison… ils n’étaient plus eux-mêmes… C’est peut-être pire que la mort. Vivre dans un monde où les gens qui nous aiment ne nous reconnaissent plus et où l’on n’arrive pas à leur faire comprendre ce qu’on a vécu là-bas, ce qu’on ressent… Je ne suis même pas sûr qu’on arrive à le comprendre soi-même.

    Rassemblé avec mes camarades, un ensemble disparate de vieux et de jeunes, de gens de la ville et de paysans, j’attends silencieusement que l’inéluctable arrive en écrivant frénétiquement sur mon carnet mes peurs et mes regrets.

    Surtout ceux concernant Catherine.

    Je revois son triste sourire quand je lui annonçai ma mobilisation. Je n’ai jamais osé lui avouer mes sentiments, même à ce moment-là. Je crois que je l’ai perdue pour toujours. Même si elle m’attendait, j’ai tellement peur qu’elle retrouve quelqu’un qui ne soit plus moi après, comme ma mère avaient retrouvé mon père totalement différent à la fin de la précédente guerre.

    Elle avait tenu le coup parce qu’elle se considérait comme chanceuse d’avoir retrouvé son mari, contrairement à la plupart des voisines, mais ça avait été loin d’être la panacée. Il était devenu très nerveux et violent.

     

    Voilà donc les choix qu’il me reste. Mourir ou devenir fou.

     

    Regardant par la porte grande ouverte du wagon de marchandise qui  nous transporte, je réfléchis encore un instant. Je me lève et tends mon carnet de notes à mon voisin. Il me regarde incrédule avant de prendre l’objet. Je me déleste de mon paquetage et de mon fusil. Je saute dans l’air frais de ce mois de septembre.

     

    Je préfère mourir en sauvant ma peau plutôt qu’en trouant celle de quelqu’un d’autre.

  • 073 – Le brocoli

    Phrase donnée par Amelodine

    Aujourd’hui, j’ai rencontré une personne qui promenait son brocoli dans une sandale. Son air heureux contrastait avec mon air interrogateur. En réalité, je n’étais pas vraiment le seul à le regarder comme un extra-terrestre. Tous les gens qu’il croisait avaient plus ou moins la même réaction. J’ai vu quelques personnes s’écarter discrètement de quelques pas, comme si l’envie de promener un légume dans une chaussure était une maladie contagieuse. Certains autres fronçaient ou levaient les sourcils, réprobateurs ou tout bonnement halluciné.

    Que peut-il passer dans la tête de quelqu’un pour le décider à faire d’un brocoli son animal de compagnie ?

    En attendant mon métro, continuant à regarder cet homme qui tenait cette sandale comme on porte un bébé, la berçant de la même façon, j’ai laissé mes pensées divaguer.

    Était-ce un artiste de rue qui jouait sa performance pour rendre les transports en commun moins moroses ?

    Peut-être avait-il un super pouvoir lui permettant de parler aux légumes ou au moins les entendre se plaindre des mauvais traitements subits.

    Ou alors, il avait été ensorcelé et pensait que ce brocoli était son enfant. Ou c’était son enfant qui avait été ensorcelé pour devenir prisonnier sous cette forme végétale.

    Mon esprit commençait à s’emballer dans des théories plus fumeuses les unes que les autres.

    Peut-être était-il juste fou ?

     

    Le métro est arrivé. Je ne savais pas s’il allait lui aussi rentrer dans la rame, mais j’étais sûr qu’il m’accompagnerait toute la journée dans mes pensées.

    Les portes se sont ouvertes. Le flot de gens m’a littéralement poussé dans la voiture.

    L’homme restait là. Il a été bousculé par un des nombreux passagers, irrité de cet obstacle l’empêchant d’aller s’entasser avec ses congénères. Le brocoli est tombé par terre. Le fou a rapidement ramassé son enfant pour qu’il ne soit pas écrasé par les derniers voyageurs qui se pressaient pour permettre à la porte de se refermer.

    Le signal sonore a retenti.

    Venu de nulle-part, l’homme qui avait bousculé le fou a soudain reçu un coup de sandale derrière la tête. Malgré sa position instable en bord de porte, il s’est retourné pour voir le propriétaire de l’enfant-brocoli lui assener un nouveau coup de tatane. Il n’a pas eu le temps de réagir que les portes se sont refermées créant un mouvement dans la masse humaine grognante.

    Le métro a démarré. J’ai juste eu le temps de voir mon fou, câliner son brocoli, l’embrasser tendrement comme un enfant pour lequel on s’est beaucoup inquiété.

    À moitié écrasé contre la vitre du métro, quelqu’un me marchant sur les pieds, je me suis mis à sourire.

    Peut-être est-ce nous, les fous.

  • 072 – L’amitié

    Phrase donnée par Masque de Mort

    « C’était une soirée merveilleuse avec toi, mais je ne veux pas gâcher notre amitié »

    Fred avait annoncé ça avec un tel aplomb que Matt resta une seconde silencieux, se demandant ce que voulait vraiment dire son ami. Ils venaient de passer une excellente soirée et avaient rencontré deux jolies demoiselles. Après deux ou trois verres, ils avaient décidé d’aller tous se promener dans la fraîcheur estivale de la nuit. Les traits d’humour avaient fusé, les œillades, les rires un peu niais. Les parades amoureuses dignes de volatiles s’étaient jouées, plus ou moins consciemment, du côté des quatre jeunes gens. Et finalement, avant qu’aucune conclusion ne se fasse, les demoiselles avaient dû rentrer, laissant leurs numéros de téléphones à ces deux charmants garçons pour une prochaine entrevue.

    « Qu’est-ce que tu racontes ? s’inquiéta Matt au bout d’un trop long moment de silence de son ami. Celui-ci hésita une seconde.

    — Je dois t’avouer un truc.

    Matt déglutit, embarrassé.

    — … Je préfère la blonde, termina Fred au bout d’encore quelques secondes de suspens.

    — Putain tu m’as fait peur !! J’ai cru que…

    — Cru quoi ?

    — Non rien !…

    — Enfin, comme t’avait l’air de bien la kiffer, j’espère que ça t’embêtera pas.

    Matt sourit.

    — En fait, ça tombe bien : je préfère la brune ! mais comme t’avais l’air plus sur elle que sur sa copine…

    — C’était parce que toi t’avais l’air plus occupé par la blonde.

    Fred et Matt éclatèrent de rire de ce quiproquo qui leur avait fait perdre un peu de temps dans leur parade amoureuse. Chacun rassuré par la volonté de son ami, Matt conclut :

    — Allez, on va finir de gâcher notre amitié avec une dernière bière ! »

  • 071 – L’après

    Phrase donnée par CHloeildh
    Allez voir son blog, il est magique

    Ils se rassurent tous en disant que plus on tombera bas, plus on volera haut. Ils nous disent que plus la vie sur Terre sera un enfer, plus l’après sera un paradis. Mais la chute est continue et l’après, toujours plus incertain.

    Et pourtant, qu’il est tentant de partir voir de l’autre côté s’ils ont raison. Leurs mots sont un miel doux amer qui apaise les peurs puis les ravivent de par son manque. Ils nous tiennent comme ça et nous empêche de voir la vérité : que ce sont eux qui font de notre vie un enfer.

    Certain ont réussi, précipitant les choses, et eux-mêmes dans l’après, mais s’ils volent haut à présent, ce dont personne n’est sûr puisque aucun n’est revenu nous l’annoncer, ils ont pris si fort appui sur nous, qui restons, que nous tombons toujours plus vite, toujours plus bas.

    Et ces charognards sont là, autour de nous à continuer de nous faire croire en des choses dont personne n’a la preuve, surtout pas eux. Alors pourquoi espérer voler dans l’après, haut ou pas, quand on ne maîtrise déjà pas sa chute dans le présent. Il suffirait juste de le vouloir, de les renvoyer au Diable, et de tout faire pour inverser le sens de la chute dès à présent.

    Peut-être retrouverons-nous la trace de ceux qui nous précèdent.

  • 070 – Kykathamoro

    Phrase donnée par Masque de mort

    « Les indigènes nous regardent, professeur. Je crois qu’ils ont compris »

    Au fond de la grotte sacrée de la tribu Kykathapoek, le professeur Lingenstein et son assistant étaient cernés. Les regards des indigènes mêlant colère et indignation s’appuyaient sur les deux étrangers. Leurs mains posées sur la relique du village, la statuette à l’effigie du dieu local Kykathamoro, mélange de grand singe, araignée et serpent, et le fait de les trouver là au milieu de la nuit levaient les derniers doutes qu’avait le chef de la tribu quant aux réelles intentions de ces deux hommes habillés de façon trop étrange. Ils n’avaient rien à faire ici et encore moins sans être accompagnés par le shaman.

    Le professeur Lingenstein se redressa et parla dans le dialecte de ces hommes :

    « Votre Dieu m’a envoyé chez vous pour le prendre et le ramener dans mon pays. Il veut que je répande sa volonté et sa parole.

    — Kykathamoro ne parle pas, répondit sèchement le shaman. Et personne n’a le droit de poser les mains dessus sans initiation. »

    Le professeur avait bien l’intention d’emporter avec lui cette statuette avec lui. Il avait passé des années à présenter des recherches sur cette divinité dont trop peu de traces prouvaient l’existence. À tel point que ces autres collègues commençaient à le railler de s’acharner sur ce mythe au lieu de passer à autre chose.

    Il emporterait cette statue avec ou sans leur consentement. Ça n’allait pas être une bande de primitifs qui l’en empêcheraient.

    « Je vous demande de me laisser passer avec votre relique. Je vous promets de la ramener d’ici quatre lunes.

    — Nous n’avons pas confiance en vous, professeur ! coupa sèchement le chef, puis à ses hommes : Attrapez-les ! »

    Le premier rang de chasseurs de la tribu fit un pas en avant vers les deux intrus. Ils n’étaient armés que de simple lance en bois. Très rudimentaire, elles étaient pourtant très efficaces pour le gibier. L’assistant du professeur dégaina son arme. Il n’avait que six cartouches contre une bonne trentaine d’autochtones mais ils savaient à quoi cette arme servait pour l’avoir vu utilisée pendant une chasse. Le premier rang eut un petit mouvement de recul mais poussé par le rang suivant, ils continuèrent à avancer vers le professeur, les mains toujours posées sur la statue, et l’assistant.

    Celui-ci fit feu, deux fois, trois fois, jusqu’à ce qu’il ne fasse plus qu’actionner le mécanisme de son revolver dans le vide. Les chasseurs Kykathapoek marchèrent sur le corps de leurs frères sans hésiter et s’emparèrent violement des deux profanateurs.

    Au petit matin, ils se trouvaient attachés à deux arbres, côte à côte, en plein milieu de la forêt. De la tribu, il ne restait plus que le chef et le shaman. Ce dernier avait allumé un feu et dansait autour en chantant très fort.

    « Nous laisserons Kykathamoro décider de votre sort. Si demain au levé du soleil, vous être toujours là, en vie, vous serez libre de quitter nos terres vivant ! » annonça le chef avant de partir.

    Le professeur et son assistant ne purent que regarder le shaman continuer son rituel. Au bout d’un instant, la terre trembla légèrement. Par à-coup. Comme une démarche. Des oiseaux s’envolèrent en grands nombres au-dessus des arbres.

    Le shaman se tourna vers les prisonniers et, avec un regard sadique, ne leur dit que ce dernier mot, qui signifie adieu mais que l’on dit seulement qu’aux incinérations des morts de la tribu. Il s’enfuit plus qu’il ne partit.

    Les tremblements se firent plus forts, les cimes des arbres un peu plus loin s’agitaient étrangement, comme si le vent s’était levé mais c’était d’une façon très localisée.

    Rapidement, écartant les arbres centenaires comme de simples joncs, une créature immense, plus grande que les plus hauts arbres arriva devant les deux prisonniers. Mélange étrange entre un grand singe, une araignée et serpent, le dieu Kykathamoro regarda les offrandes. Il poussa un cri qui sembla de colère et abattit sa main sur les petits êtres attachés aux arbres.

    On n’entendit plus jamais parler du professeur Lingenstein ni de son assistant.

  • 069 – Le clown

    Phrase donnée par Masque de Mort

    Le clown la regardait fixement. Ses vêtements étaient sales et il sentait l’alcool sous son maquillage.

    Elle n’avait jamais aimé les clowns mais celui-ci particulièrement ne lui inspirait pas confiance. Surtout dans cette ruelle un peu trop sombre. Elle resserra la main sur la lanière de son sac à main puis inspira profondément. Les relents de l’homme déguisé atteignirent son palais. Elle dut retenir un haut-le-cœur. Ils étaient tous les deux immobiles.

    Le regard du clown était vague, pas vraiment fuyant. C’était comme s’il n’arrivait pas à se fixer sur la jeune femme. Il regardait tout autour d’elle. Pas ses jambes, son sac, ou ses cheveux. Vraiment tout autour d’elle. Comme poser son regard sur elle lui brûlait la rétine.

    La jeune femme pris son courage à deux mains et fit un pas en avant. Puis un second, puis un troisième. Elle était lancée. Se décalant un peu pour éviter le l’effrayant et triste bonhomme, elle se retint de fermer les yeux pour se donner la force de continuer quand elle passa à son niveau. Il fallait garder les yeux ouverts au cas où il tenterait quelque chose.

    Elle avait fait six, sept, huit pas, après lui. Il n’avait pas l’air d’avoir bougé. L’avait-il au moins vue ? Elle souffla. Fort. Soulagée.

    Pourquoi fallait-il qu’elle prenne ces petites rues pour rentrer le soir chez elle ? se demanda-t-elle. C’était la première fois qu’elle tombait sur quelqu’un d’aussi bizarre mais chaque fois qu’elle passait là, elle sentait l’angoisse monter en elle et, chaque fois, elle se disait que ce serait la dernière fois.

    Presque arrivée au bout de la rue, elle se retourna pour voir le clown. Il n’avait par l’air d’avoir bougé d’un iota.

    Sans avoir le temps de se retourner, elle buta dans quelque chose, ou plutôt quelqu’un. Un homme, la dépassant d’une tête, lui saisit le poignet. D’où venait-il ? Cette partie de la ruelle était complétement vide il y avait un instant encore.

    Elle tenta de se libérer de son étreinte mais elle était trop puissante. Soudain, une paire de mains se posa sur ses épaules. Ils étaient donc deux. Ce ne pouvait être le clown, il n’aurait pas pu parcourir cette distance en si peu de temps.

    Le premier agresseur de sa main libre attrapa le sac à main et tira pour l’arracher à sa propriétaire. Celle-ci résista tant qu’elle put mais ces efforts furent vain, retenue par le complice. Elle cria à peine. Tout juste fut-ce un haussement de ton de protestation. Autant parce qu’elle savait que jamais personne ne viendrait l’aider que pour ne pas énerver ces deux délinquants et les pousser à des actes plus graves qu’un simple vol.

    Pendant que le premier fouillait le sac, elle sentit soudain l’étreinte du second se défaire et le vit tomber par terre à son côté. Le premier gars leva la tête de l’intérieur du sac, prit une expression de surprise apeurée. Il jeta le sac par terre et s’enfuit en courant.

    Elle se retourna pour voir et se retrouva nez-à-nez avec le clown. Surprise, elle recula d’un pas, marcha sur son sac à main et tomba au sol sur les fesses. Vue d’en bas, il était encore plus effrayant. Elle essaya de reculer encore un peu mais le sol était glissant ses mains n’avaient pas de prise réelle.

    Le clown sortit de son immobilisme et ramassa le sac. Elle resta immobile, préférant perdre le peu d’argent qu’il contenait plutôt que de finir comme son assaillant au sol. Elle ne savait pas s’il était juste inconscient ou mort…

    Finalement, le clown, sans même fouiller le sac, le tendit à la jeune femme qui eut un petit mouvement de stress avant de tendre fébrilement la main vers son bien. Il lui tendit ensuite une main usée et sale. Elle attendit quelques secondes, incertaine, puis l’attrapa. Avec une force incroyable, le clown la tira du sol et elle ratterrit sur ses pieds presque instantanément.

    La jeune femme lâcha la main du clown pour enserrer son sac. Elle commençait à trembler après cette mésaventure.

    « Merci… merci beaucoup. » trouva-t-elle la force de dire. Elle le pensait du fond du cœur mais ne put l’exprimer comme elle le voulait. Elle ne savait même pas s’il l’avait entendu.

    Il lui fit un signe de tête et sa bouche s’étira dans ce qui devait être un sourire bienveillant mais rendait étrangement carnassier sur cette figure au maquillage passé.

    Elle fit un pas en arrière, fixant son étrange sauveur, puis se retourna pour sortir d’un pas pressé de la ruelle. Avant de rejoindre le brouhaha de la grande rue, elle eut l’impression d’entendre le clown maugréer :

    « C’est ma rue, personne n’agresse personne dans ma rue ! »

    En jetant un dernier coup d’œil, elle vit le clown frapper à grands coups de pieds l’agresseur qui était encore au sol.

    Elle n’aurait peut-être plus peur de passer par là finalement.

  • 068 – La fissure

    Phrase donnée par Masque de Mort

    « Tu avais déjà remarqué cette fissure dans le mur des toilettes ?

    Paul fit semblant de ne pas avoir entendu son colocataire et continua à taper sur son ordinateur, rentrant légèrement la tête dans ses épaules comme pour disparaître. Bien évidemment qu’il avait vu la fissure dans le mur des toilettes. C’était plus un trou béant qu’une simple fissure.

    — Vu ton silence, reprit Franck, tu devais l’avoir remarquée.

    Celui-ci s’approcha de son ami et se pencha sur lui.

    — Et donc, reprit-il, tu voulais te le garder pour toi tout seul, sale égoïste ! J’imagine que tu avais remarqué que ça donne sur la salle de bain de l’appart’ voisin. Je me demande si c’est la blonde sexy. L’autre fois, quand je l’ai croisée, elle m’a regardé avec insistance, je suis sûr que je lui fais de l’effet.

    Paul se tourna vers son ami, incrédule quant aux films qu’il se faisait sur cette habitante de l’immeuble. Il levait les yeux au plafond, secouant la tête. Et Franck continuait dans son délire, se dandinant dans la pièce :

    — Je l’imagine déjà en train de se passer de la crème sur tout le corps après sa douche. Et toi, salaud, tu m’avais caché que tu assistais à se spectacle.

    — Je n’ai regardé qu’une fois ce trou pour voir s’il était traversant ou pas, objecta Paul.

    — C’est ça, lança Franck avec un petit sourire entendu. Raconte ça à d’autres. Tu voulais te garder ces visions féeriques pour toi tout seul.

    — T’es vraiment con des fois, Franck. Réfléchis un peu. C’est le vieux gros qui habite l’appart d’à côté. Maintenant, si tu veux aller te pignoler en le mâtant, vas-y fais-toi plaisir. Moi, c’est pas mon truc !

    Franck fit une grimace de dégoût non feint.

    — Argh, je crois que je vais vomir ! »

  • 066 – Le drôle

    Phrase donnée par Zwergmeister

    « Mais que fait ce balai dans mon cul ? »

    Bernard venait de sortir de la cuisine, le pantalon à peine baissé, un balai coincé entre les fesses.

    Bernard était le boute-en-train de la bande, celui qui égayait les soirées un peu mornes. Certes son humour tirait plutôt du côté du collégien attardé mais tout le monde s’en fichait. Après tout, ils s’étaient tous connus à cette époque, c’était comme un souvenir vivant d’alors.

    « Bernard ! Tu veux pas arrêter de jouer deux minutes et nous donner un coup de main à ranger cette salle des fêtes ? »

    Brigitte, la femme du joyeux drille, était son opposé, du genre de celles qui ne sourient que quand elles se pincent ou se brûlent. Personne dans la bande n’avait jamais compris comment ils avaient réussi à rester ensemble assez longtemps pour se marier. Aussi acariâtre que rabat-joie, les blagues potaches de son mari ne semblaient lui tirer que des réprimandes en lui et place de sourires. Même s’il était vrai que cette fois, un coup de main de Bernard aurait été plus apprécié qu’une de ses innombrables plaisanteries potaches.

    Le drôle enfonça la tête dans ses épaules, récupéra son balai, remonta son pantalon et commença à balayer.

  • 065 – La ficelle

    Phrase donnée par Charly aka Lapin

    Tant d’année d’abnégation réduite à néant par cette ficelle qui décida sans doute que l’expérience devait s’arrêter là.

    Les deux planètes allaient recommencer à s’éloigner l’une de l’autre. L’expérience avait duré près de cent vingt ans. C’était terminé.

    La ficelle était le surnom donné par la population des deux mondes mais en réalité c’était un ensemble de câbles plantés à plusieurs kilomètres de profondeur dans le sol et tissés les uns aux autres. Ils attachaient ensemble deux planètes voyageuses, c’est-à-dire qu’elles n’étaient pas fixées à des systèmes solaires. Le but premier de cette ficelle avait été de relier deux mondes finalement assez proches pour pouvoir les stabiliser près du soleil Gran’Nivra. Ce qui avait permis aux habitants de Triquan et de Velmar, en plus de côtoyer d’autres habitants de la galaxie paisible, chose assez rare pour être soulignée, de pouvoir bénéficier de climats plus agréables.

    Triquan et Velmar sont deux planètes assez petites avec une population d’environ soixante-dix millions de personnes pour la première et cent vingt millions pour la seconde. Elles étaient habituées aux hivers rudes et extrêmement longs, dû aux longues périodes loin de sources de chaleur, mais les populations connaissaient cela depuis des millions d’années et savaient très bien le gérer.

    Cependant, quand les scientifiques de Velmar, un peu plus avancés, on découvert l’existence de Trisquan et calculé que les deux planètes très proches l’une de l’autre au passage du soleil Gran’Nivra, ils ont établis le contact avec leurs homologues et ont entrepris d’installer la ficelle.

    Il aura fallu du temps pour arriver à planifier tout cela, mais finalement, tout se fit sans problème. Les peuples virent immédiatement l’extrême utilité d’entrée en orbite d’un soleil permanent, malgré les quelques inconvénients prévus par les modèles théoriques des scientifiques, comme le déplacement du centre de gravité des planètes, par exemple.

    En moins de cinq ans, les câbles furent installés sur les planètes, le plus compliqué ayant été de ne pas détruire leurs noyaux en creusant les fondations du monument.

    Il y eut de nombreuses fêtes. Pour célébrer la fin de la pose des câbles, le mélange des atmosphères, la fin de la mise en tension de la ficelle.

    Évidemment quand les premiers tremblements de terre se sont fait ressentir, des opposants à se projet sur les deux mondes crièrent à la fin du monde et à la folie scientifique mais tout cela avait été prévu et expliqué. Le déplacement du centre de gravité entraîna forcément quelques changements. Des montagnes se « formèrent » autour de la ficelle, laissant plus de mers aux points opposés.

    Velmar et Triquan n’était plus éloignées que de cinq kilomètres. C’était une vision étrange et magnifique. Les gens pouvaient se déplacer d’un monde à l’autre sans problème. Il suffisait de gravir les montagnes d’un côté puis arrivé au milieu de la ficelle de se laisser « tomber » vers le sol de l’autre monde. Sensation étrange et magique.

    Les deux planètes tournant autour de cette ficelle, les forces qu’elle subissait étaient tout bonnement gigantesques. Il fallait entretenir ce monument et cela demandait beaucoup de temps, de main d’œuvre et d’argent. Mais la douceur de la vie apportée par l’orbite autour d’un soleil valait la peine de tous ses efforts.

    Et puis un beau jour, sans prévenir, malgré le soin qui lui était apporté, la ficelle lâcha.

    La population fut immédiatement paniquée. Personne, sur aucune planète, ne voulait reprendre le voyage interminable dans l’espace et l’hiver intersidéral mais il ne fut rien possible de faire. En mois de quatre heures les planètes étaient déjà éloignées de mille kilomètres, sans compter que de nouveaux tremblements de terre apparurent pour remodeler chaque planète. Rien ne fut possible.

    Velmar et Triquan reprirent leurs voyages respectifs vers un bout de la galaxie dans le froid et l’obscurité, pleurant déjà la perte du soleil Gran’Nivra.