Cette semaine, j’ai failli ne rien écrire. Finalement, voici un petit texte de fantasy sur une phrase de Celle de X.
« Lâche ce lion, pose ton épée et viens manger !
— Non ! Ils sont là, pas loin, je les sens ! répondit Sheerana, la gardienne.
— Sérieux ! Moi, j’ai faim, lui répondit son compagnon et ami, Fildam. Ça fait des heures qu’on tourne en rond et on n’a rien vu. Il n’y a pas de trace de vie. Tu fais ce que tu veux, mais je prépare à manger.
— Moi aussi, renchérit Arana, la prêtresse du feu. J’ai mal partout d’avoir autant marché. Il fait nuit noire et on n’y voit plus rien. Allez, Sheerana, arrête de t’entêter et laisse ce pauvre lion se reposer aussi. Tu vas l’achever avant même qu’on tombe sur un vrai danger ! »
Sheerana, gardienne des temples Verts, soupira. Elle n’aimait pas avoir tort mais devait se rendre à l’évidence : il n’y avait aucun danger à proximité. Elle attacha la chaîne de Quuarm, son lion de combat, à un arbre et vint s’asseoir autour du feu qu’Arana venait de lancer avec ses pouvoirs.
Fildam sortit de sa besace les palombes qu’il avait réussi à attraper durant leur journée de marche. Il avait l’impression de n’avoir pas suffisamment mangé quand il n’ingurgitait que des fruits et des racines. Aujourd’hui, la chasse avait été fructueuse. Il y avait de quoi faire un festin. Il en resterait même pour demain. Le jeune homme dépluma les volatiles avant des les embrocher sur des branches.
Sheerana s’étirait. Elle n’était pas sereine, même si tout montrait que le coin était calme.
« Pourquoi tu es si tendue ? lui demanda Arana.
— J’ai l’impression qu’on nous observe depuis tout à l’heure, depuis qu’il fait nuit.
— Tu penses que ce sont des Ondrass ?
— Je ne sais pas…
— Ces esprits se sentent à des kilomètres, répondit Fildam. S’il y en avait, Quuarm les aurait sentis, même sans entraînement je suis sûr.
— Vous avez sûrement raison. Il faut que je me calme. Cette affaire est en train de me faire perdre l’esprit… »
Le feu crépitait. Les palombes avaient cuit rapidement et avaient été ingurgitées aussi vite. Les trois missionnaires commençaient à glisser dans un sommeil amplement mérité par plusieurs jours de chasse aux Ondrass. Ces petits êtres pullulaient dans les terres du nord depuis plusieurs mois et dévastaient les récoltent, dévoraient le bétail, agressaient les populations. Malgré les efforts des gardiennes des temples Verts, l’invasion n’avait que difficilement pu être enrayée. Pourtant un jour, ils avaient tous disparu, sans explication, sans raison apparente. Sheerana, Arana et Fildam avaient été missionnés pour comprendre la raison de cette disparition qui ne pouvait annoncer que quelque chose d’extrêmement grave.
Depuis une semaine, les trois vaillants missionnaires s’enfonçaient sur les terres du nord, au-delà de la frontière des temples Verts. Ils étaient en pays Ocre. C’était de là qu’étaient devenus les Ondrass et, même ici, il n’y avait aucune trace de ces lutins. Il n’y avait même pas une dépouille. C’était comme s’ils avaient disparu d’un coup. Comme s’il n’avait même jamais existé.
Quuarm rugit tout à coup. Les missionnaires sursautèrent. Le lion était tendu sur ses pattes, le poil hérissé. Sheerana attrapa son épée aussitôt. Arana incantait déjà ses pouvoirs les plus puissants pour parer toute attaque. Fildam sortit sa dague, mais restait en retrait, puisque ses capacités touchaient surtout à l’intendance.
Sheerana détacha le lion de son arbre. L’animal s’engouffra entre les arbres. La gardienne se maudissait d’avoir écouté ses amis. Elle savait qu’elle aurait dû rester sur ses gardes. Les trois aventuriers, laissant leur campement, partirent à la suite de Quuarm, le suivant difficilement dans l’obscurité de la nuit.
La course ne dura pas longtemps. Le lion s’arrêta devant une grotte et attendit que ses humains le rattrapent.
Les trois, haletants, ne réfléchirent pas longtemps pour décider d’entrer.
Le long du couloir, les pensées de la gardienne allaient bon train. Où allait les mener ce passage ? Qu’allaient-ils trouver au bout ? Pour quelle raison Quuarm s’énervait autant.
Une lueur vacilla au loin. Arana réduit la vigueur de sa flamme de manière à ne pas se faire remarquer.
Au fur et à mesure qu’ils s’approchaient de cette lumière, ils entendaient des voix. Une discussion.
Enfin, les trois missionnaires et le lion arrivèrent dans la lumière. Ils découvrirent une zone aménagée en habitat, avec deux lits, une table, un établi, beaucoup de livres. Un très vieil homme discutait avec un plus jeune. Les deux se levèrent en voyant les deux jeunes femmes. Ou fut-ce simplement un réflexe de terreur à la vue du lion ?
« Très chère ! Attendez, je vous prie ! Pas de violence.
— Qui êtes-vous ? Est-ce que vous avez à voir avec cette invasion d’Ondrass ?
— Je suis Gelb, ancien archimage de la cour du roi des Ocre. Et voici mon apprenti : Dorm. Je n’ai plus de tabouret pour vous permettre de vous asseoir, permettez-moi de vous offrir le mien… »
Sheerana resta silencieuse, mais ses yeux lançaient des éclairs de façon suffisamment éloquente.
« Je suis désolé de tous ces désagréments, dit le vieux mage. Votre ami, ici présent, vient de me dire les raisons de votre présence en ces contrées. Je dois avouer que tout est de notre faute… Mon apprenti avait pour leçon d’invoquer un esprit divinatoire du premier cercle, mais il a donné l’impression d’avoir raté son sort. Il a recommencé un bon nombre de fois avant que je me rendre compte qu’il avait remplacé par inadvertance un des ingrédients par un autre presque semblable, donnant le dérangeant résultat que vous savez. Avec mon grand âge et mes mauvais yeux, j’ai mis beaucoup de temps à m’en rendre compte, et plus de temps encore à renvoyer toutes ces sales petites bestioles d’où elles venaient.
— Et c’est tout ? demanda Sheerana.
— C’était plus compliqué que ça n’en a l’air, jeune fille, répondit, un peu vexé l’archimage.
— Et les paysans qui ont perdu toute leur récolte, tout leur troupeau, qui n’ont plus rien pour vivre… Vous croyez quoi ? Que je vais revenir chez moi et leur dire “c’est bon, c’était juste un problème d’ingrédient ?”
— Euh… c’est-à-dire que… je ne sais pas vraiment ce que je pourrais faire… bredouilla le vieil homme.
— Vous allez revenir avec nous, votre apprenti et vous, et vous allez réparer toutes vos conneries, sinon, je lâche Quuarm et il se délectera de vous. »
Le vieil homme acquiesça en tremblant. Malgré son âge avancé, l’idée de mourir sous les crocs d’un lion ne lui plaisait guère.
J aime beaucoup l histoire très captivant 😉
Merci 🙂