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123 – Alan

Phrase donnée par Alice Saturne

Il lança les dés, attendant que son destin soit scellé.

C’était une idée folle qu’il avait eu de jouer son droit à monter à bord de cette navette par ce biais. Les chances qu’il parvienne à faire un double six sur un seul lancé étaient mince. Évidemment, il aurait pu utiliser ses pouvoirs pour arriver à ce résultat mais il savait très bien que les télékinésiens n’étaient pas appréciés et c’était justement pour cette raison qu’il avait besoin de monter à bord et de fuir cette planète un peu trop hostile pour lui.

Alan avait lancé les dés forts sur la grande table. Ils avaient rebondi sur les parois deux fois déjà et continuaient à tournoyer sur eux-mêmes. Leur rotation commençait à ralentir, ils allaient enfin tomber et annoncer leur verdict.

Le jeune homme retint son souffle sans vraiment s’en rendre compte. Le temps sembla ralentir. Les dés tournoyaient mais n’avaient pas l’air de vouloir s’arrêter. Il eut l’envie fugace d’appuyer dessus à distance pour terminer ce supplice et découvrir s’il pouvait monter à bord mais il se retint. Il ne voulait pas se mettre à dos ce capitaine qui, déjà, n’avait pas l’air de vouloir l’embarquer. On lui avait dit que c’était l’homme à voir pour quitter la planète le plus rapidement possible mais qu’il avait un caractère étrange et des méthodes pour juger les gens, peu conventionnelles. Ce qu’Alan avait immédiatement pu constater. Il l’avait trouvé assis sur une chaise en train de fumer un cigare, ses grosses bottes posées sur la table de jeu sur le pont arrière.

Les dés tournaient toujours. Comment le pouvaient-ils ? Et ça ne semblait choquer personne. Le jeune homme regarda les quelques membres d’équipage qui entouraient leur capitaine et avaient les yeux rivés sur le tapis de jeu. Un ramassis d’hommes et de femmes de tous âges qui semblaient tous repris de justice. Se pouvait-il qu’il y ait un autre télékinésien dans le lot ? Les dés continuant de tourner sur eux-mêmes, le jeune homme essaya de découvrir lequel de ces personnages agissaient. Il ne serait pas compliqué à trouver, il fallait juste trouver celui qui avait l’air le plus concentré. Derrière deux gros balèzes, qui devaient être mécano ou quelque chose dans le genre vu la couche de cambouis sur leurs mains et leur bras hypertrophiés, se cachait une jeune fille aux cheveux courts et roses. Au premier regard, Alan comprit que c’était elle qui faisait ça.

Mais pourquoi continuer à faire tourner les dés alors qu’il aurait été facile de les faire s’arrêter sur autre chose qu’un double six ? Il n’en savait rien mais si elle voulait jouer, elle avait trouvé le bon partenaire. N’hésitant plus, il commença à ralentir la rotation des petits cubes pour voir où se positionnaient les six pour les faire s’arrêter comme il le voulait. Au début, les dès ralentirent mais rapidement, ils repartirent de plus belle. Le temps pour la demoiselle de se rendre compte que l’invité surprise avait compris le manège.

Forçant un peu, il continua d’essayer de ralentir le mouvement des dés. La jeune femme semblait puissante car malgré les efforts du jeune homme, elle parvenait à maintenir une bonne vitesse de rotation.

Les forces invisibles qui contraignaient les deux petits cubes de résines étaient telles qu’elles commencèrent à déformer la matière, les faisant s’allonger verticalement, suivant l’axe de rotation, usant prématurément la moquette de la table de jeu.

Le jeune homme commençait à avoir chaud et sentait des gouttes de sueur poindre sur son front et dans son dos. Derrière les deux armoires à glace, il voyait à peine le front de la jeune femme se plisser. Elle n’avait pas l’air de forcer plus que ça. Il fallait arrêter de jouer. Alan envoya lâcha un peu la pression avant de renvoyer un bon coup. Les quelques fois où il avait dû combattre des gens avec les mêmes capacités que les siennes, il avait agi de la sorte et en était ressorti vainqueur.

Malheureusement, cette fois-ci, la jeune femme sembla anticiper son attaque et teint le choc. Les dés vacillèrent mais continuèrent leur course. Allan agrippa la table, comme pour se stabiliser et se concentra le plus intensément possible. La jeune femme se mit sur la pointe des pieds pour lui lancer un regard empli autant de détermination que de plaisir.

Sur le pont, toutes les parois commencèrent à vibrer sous les puissances qui se combattaient en silence. Les vibrations devinrent rapidement des secousses. Les boulons qui assemblaient les plaques de métal des murs et du sol commençaient à se dévisser.

Encore une dizaine de seconde et le vaisseau allait tomber en pièces sur le tarmac d’envol. Le capitaine claqua finalement des doigts. Les dés se plantèrent dans la table aussi vite que s’ils étaient sortis d’une arme à feu. Les tremblements stoppèrent. Alan relâcha immédiatement son esprit et la table, haletant comme s’il venait de faire un sprint, voyant la jeune femme s’essuyer le front du revers de la main. Le capitaine reposa ses pieds par terre et se leva de sa chaise. Tirant son cigare de ses lèvres :

« On ne m’a pas menti sur toi, tu n’es pas mauvais. Bienvenu à bord ! Suis Hank, il va te montrer où tu crécheras pendant le voyage ! »

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