Bonne Année tout le monde.
À partir de cette semaine, je ne sais pas si je peux continuer le marathon. Peu de temps et je voudrais me concentrer sur mes autres projets. Donc, ça sera une surprise pour vous à chaque semaine.
Et pour commencer l’année, une phrase donnée par Juliette A B, qui m’a donné par mal de fil à retordre (la phrase, pas Juliette). J’espère que le résultat vous plaira.
Bonne lecture.
« Ghost ! Eh p’tite sœur ! Viens donc ! Notre nouvelle amie voudrait enfin parler ! Ceci dit, il était temps, Père commence à s’inquiéter pour la rançon…
— Arrête de l’appeler comme ça, répondit une voix qui résonnait dans la pièce vide. Ce n’est pas notre père ! »
Grande et maigre adolescente, Soul regardait en tous sens, mais ne voyait aucune trace de sa sœur.
Dans la maison abandonnée, elle tournait en rond en attendant que Ghost daigne se montrer. Sa petite sœur aimait se réfugier dans les coins les plus reculés de la vieille bâtisse : elle avait la chance de le pouvoir. Malheureusement pour Soul, il fallait avoir une carrure de petite souris comme Ghost pour s’y glisser.
« Ghost ! T’es où ? Qu’est-ce que tu fous ? »
Enfin, la fillette sortit d’un de ses trous. Elle se redressa et épousseta sa robe qui avait été blanche, il y a longtemps.
« Pas la peine de crier ! Je t’ai entendue.
— Je n’ai pas crié !
— Si ! Tu as crié…, siffla la petite fille. Comment sais-tu qu’elle veut parler ?
— Je l’ai vue s’agiter sur sa chaise et faire des sons bizarres.
— Tu as passé combien de temps à l’espionner ? » demanda Ghost, suspicieuse.
Soul se tortilla les mains. Elle se sentait embarrassée, prise en flagrant délit. Depuis que cette jeune femme avait débarqué dans la maison, Soul n’arrivait pas à s’en détacher. Elle passait une grande partie de son temps à l’observer par une des fentes du mur, dans la pénombre de la pièce. La jeune femme ne pouvait pas bouger, attachée à la chaise comme elle était. Au début, elle avait hurlé, mais elle avait rapidement arrêté d’elle-même. Pourtant, Soul ne pouvait s’empêcher de l’épier.
« Ce n’est pas grave, reprit Ghost. Je vais aller voir ce qu’elle veut.
— Fais attention à toi… »
Ghost rit dans un soupir en levant les yeux au ciel, comme s’il n’y avait aucun danger.
La petite fille se glissa dans la pièce par un passage qu’elle était seule à pouvoir emprunter, à l’abri du regard de l’otage.
Dans la pièce, sa voix semblait plus aigüe, plus cristalline, elle résonnait avec un écho irréel.
« Bonjour. Tu as bien dormi ? Tu es réveillée depuis longtemps ? J’espère que tu n’es pas malheureuse ici ? »
Ghost faisait la conversation comme si de rien n’était, pourtant la vision de cette gamine aux airs fantomatiques effraya plus qu’elle ne rassura l’otage. Accablée par un temps inconnu de séquestre, elle éclata en pleurs.
« Chut… chut. Ça va aller.
— Pourquoi suis-je là ? parvint à demander la jeune femme entre deux sanglots.
— Parce que c’est chez toi, maintenant.
— Chez moi ? Mais pourquoi ??
— Parce que c’est comme ça. Quand on vient ici, on y reste pour toujours.
— Et la rançon ? J’ai entendu quelqu’un en parler. Mes parents paieront, j’en suis sûre. »
Ghost grinça des dents. Ce fut comme si des centaines de craies avaient crié en même temps.
Décidément, Soul n’en ratait pas une. Pourquoi avait-il fallu qu’elle parle si fort pour laisser de l’espoir à leur nouvelle invitée ? Ghost n’était pas contente, parce qu’elle savait que Père ne le serait pas. Et parce qu’il fallait plus de temps pour s’intégrer à celles qui espéraient.
Ghost était arrivée la première. Elle n’espérait plus rien depuis le premier jour. C’était pour cette raison qu’elle s’était si bien faite à la maison, à ses recoins, à ses bruits, à sa saleté.
« C’est un peu plus compliqué que ça, en fait. Mais ne t’inquiète pas, il va bientôt arriver et il t’expliquera, en attendant, il faut que tu te calmes.
— Qui ça, “il” ? »
Ghost ne répondit pas. Elle passa seulement sa main glacée sur la joue de la jeune femme, qui en frissonna, avant de quitter la pièce comme elle était venue.
La jeune femme sur sa chaise criait, comme elle criait quand elle était arrivée, comme une folle, à s’en rompre les cordes vocales. Derrière le mur, à travers la fente, Soul n’avait rien perdu de la scène. Elle souriait en voyant la fille se secouer dans tous les sens, les cheveux partir n’importe comment, la chaise balancer légèrement.
Ghost arriva près de Soul qui s’arracha au spectacle.
« Elle n’a pas eu peur de moi, dit la fillette, presque déçue. Tu aurais dû tenir ta langue ! Elle t’a entendue avec cette histoire de rançon !
— Mais tu as réussi à bien lui faire peur, quand même, répondit Soul, essayant de faire oublier son erreur. Père ne devrait pas tarder à arriver, à ce rythme. »
Ghost grogna à cette évocation. Elle ne l’aimait pas. Même si elle s’était très rapidement intégrée à la vie de cette maison, Ghost n’arrivait pas à se faire à cet homme qui venait de temps en temps pour n’apporter qu’un peu plus de noirceur. Alors que cette maison était déjà parfaite.
Soul, elle, aimait bien Père. C’était elle qui lui avait donné ce nom. Il était une figure rassurante. Après tout, à part Ghost, il n’y avait plus personne ici. Les autres sœurs avaient fini par disparaître sans qu’on sache comment. Personne n’avait vraiment cherché à comprendre et Soul n’osait pas poser de question. Elle était trop timide et réservée pour ça, même en étant la plus âgée. Enfin, ça, c’était jusqu’à l’arrivée de la nouvelle. Elle l’aimait bien, parce qu’elle lui ressemblait, mais avait l’air plus sûre d’elle, plus forte. Pourtant, ça n’avait rien changé. Maintenant, elle était ici avec Ghost et Soul.
Et à présent que la jeune femme hurlait de toutes ses forces et se déchaînait, les murs de la maison semblaient trembler de toute part. La lumière de l’extérieur entrait un peu plus. Soul se protégea les yeux d’un bras. Ghost préféra glisser vers un coin d’ombre.
Enfin, les pas de Père retentirent lourdement dans la masure. Ce n’était qu’une ombre, une forme indéfinissablement sombre. Seuls ses yeux ressortaient dans l’obscurité de sa silhouette. Il n’eut pas besoin de clef pour ouvrir la porte. Il n’en avait jamais besoin. Pourtant, personne d’autre que lui ne pouvait entrer par là. Il ne devait pas savoir que Ghost arrivait à se faufiler, elle aussi.
Il pénétra dans la pièce. La jeune fille se calma instantanément en le voyant. Avant de reprendre de plus belle. Des cris suraigus, cette fois. Jusque-là, elle était désespérée et enragée. À présent, elle était terrifiée.
« Tu es enfin réveillée ? Je n’y croyais plus. »
Père avait une voix douce. Elle rendait Soul mélancolique chaque fois qu’elle l’entendait. Elle mettait Ghost en colère.
« Qu’est-ce que j’ai fait pour être ici ? demanda la jeune femme prisonnière de sa chaise.
— Chhhh… tu n’as rien fait de mal, ne t’inquiète pas. C’est pour te protéger que je t’ai fait venir ici. Tout ira bien. Nous allons bientôt recevoir la rançon. Grâce à elle, tes sœurs et toi allez pouvoir vivre heureuses ici encore longtemps.
— Non !! Je ne veux pas ! Je veux rentrer chez moi ! Laissez-moi partir !! »
L’ombre s’approcha et défit les liens de la jeune femme. Elle bondit comme un diable et bousculant Père, partit hors de cette pièce pour trouver une sortie. Elle courut à en perdre haleine, passant devant Soul et Ghost, ne les voyant même pas.
Toutes les fenêtres étaient murées, mais laissaient passer un peu de lumière. Elle continua à courir, cherchant un moyen de sortir. Enfin, elle trouva une porte.
Quand elle posa la main sur la poignée, Ghost et Soul lui sautèrent dessus en hurlant.
« Non !! Tu ne dois pas partir ! dit Soul. C’est dangereux dehors.
— Nous avons besoin de toi pour la rançon ! ajouta Ghost. Tu dois rester avec nous. Et même si tu arrivais à partir, tu reviendras. Nous revenons toutes. Alors, autant ne pas partir.
— Lâchez-moi !! Vous êtes folles !! Laissez-moi sortir !! »
La grande forme sombre de Père s’approcha des trois filles étalées par terre, au pied de la porte qu’il était seul à pouvoir ouvrir, comme toutes les autres de la maison. Il saisit la jeune femme au bras. Ce fut comme une douloureuse et violente piqûre. Il la traîna vers la pièce de laquelle elle s’était enfuie.
« Je vois que tu n’es pas encore prête à t’intégrer à ta nouvelle famille. Je vais te laisser réfléchir encore un moment. Soul et Ghost continueront de prendre soin de toi !
— Non ! pleura l’autre. Je vous en prie. Laissez-moi partir. Je ne sais pas qui vous êtes, je ne sais pas ce que vous voulez. Je ne suis personne. Laissez-moi…
— Tu es chez toi, ici. Que tu le veuilles ou non. »
La forme sombre s’arrêta pour se redresser. Elle sourit de plaisir.
« Aaaaah ! C’est l’heure de la rançon. Tu as bien travaillé. »
La forme sombre de Père s’évanouit dans l’obscurité de la maison. Soul et Ghost souriaient elles aussi. La jeune femme se sentait plus sereine, moins apeurée. Elle ne savait pas pourquoi. Elle n’avait presque plus mal. Finalement, cette maison n’était pas si lugubre.
* * *
« Vous êtes sûr que c’est une bonne chose de lui administrer toujours plus de ces psychotropes, docteur ? Les dernières fois, ça a été si difficile pour elle de s’en sortir. Elle n’était plus la même, j’ai l’impression.
Le médecin retirait la seringue du bras de sa patiente en regardant la mère.
— Je comprends que cela vous inquiète, madame, mais ce n’est pas la première fois que votre fille fait une crise de ce type. Pour l’instant, c’est le seul moyen que nous avons pour l’empêcher de nuire à quelqu’un ou à elle-même. Je vous l’assure, ça ira. »