Phrase donnée pas Celle de X
« Trois métacarpiens étaient fracturés ainsi que l’amatum et le triquetrum ! annonça le médecin.
— Faut être un sacré branleur pour arriver à se péter tout ça d’un coup, rajouta la manip radio.
Le docteur lui lança un regard sévère, puis retournant la radio de la main et du poignet :
— Il s’est fait ça comment ?
— D’après lui, une chute, mais j’ai du mal à y croire.
— Quel âge il a ce garçon ? 15, 16 ans ?
— Soixante-douze.
— Pardon ? C’est impossible ! Vous avez mélangé les clichés. On voit bien que ce patient-là a encore son cartilage de croissance !
— Peut-être mais c’est sûr que c’est bien le cliché de ce monsieur. C’est moi qui ai fait la radio, je sais ce que je fais encore ! Mais bon, il fait quand même assez jeune pour son âge, alors il a peut-être un problème d’hormones qui le font vieillir moins vite et ça aura empêché son cartilage de s’ossifier. Je sais pas.
— Je n’ai jamais vu ça de ma carrière, ni jamais entendu parler d’une chose pareille. C’est la première fois qu’il vient chez nous ?
— Oui, je crois. Je peux demander aux secrétaires, si vous voulez.
— Faites-le plutôt rentrer en salle de radio, je vais l’examiner. Il faut que je voie ça de mes yeux. »
Le manip radio, sceptique, alla dans la salle d’attente récupérer le patient au poignet d’adolescent et l’emmena dans une des salles et prévint le radiologue.
Le patient ressemblait à un homme dans la force de l’âge. Il se tenait bien droit et bougeait comme si de rien n’était. Normalement, il aurait dû garder sa main contre lui, de façon à la garder bien immobile et éviter les douleurs.
Le docteur s’assit sur un tabouret et invita cet étrange bonhomme à faire de même. Il manipula le poignet cassé et pourtant le vieux n’avait pas l’air d’avoir mal.
« Monsieur, commença le radiologue, pouvez-vous me rappeler votre âge ?
— J’ai soixante-douze ans.
— Vous êtes vous déjà cassé quelque chose ?
— Non, docteur, jamais.
— Et quand je vous manipule le poignet, ça vous fait mal ?
— Non, plus maintenant, répondit l’homme étonné. C’est ma fille qui m’a poussé à venir. Je lui ai dit que ce n’était rien. Mais elle a insisté. Vous savez comme les enfants s’inquiètent quand on atteint un âge certain. Vous avez des enfants, docteur ?
— Oui, une fille moi aussi, mais elle est encore trop jeune pour s’inquiéter pour moi. Monsieur, cela vous dérange-t-il si je fais reprendre une radio de votre poignet ?
— Non, évidemment, docteur. Mais ce n’est rien de grave, dites-moi ?
— Non, non, juste un cliché de contrôle pour vérifier quelque chose qui apparaît mal sur le précédent.
Le docteur se leva.
— Restez assis, je vous envoie le technicien qui va prendre une nouvelle radio, ça ne prendra qu’une minute. »
Le docteur récupéra son manipulateur et l’envoya refaire exactement les mêmes clichés que précédemment. Une fois celui-ci développé, ils restèrent comme deux ronds de flancs.
« C’est pas possible ! lança finalement le docteur. Il n’y a plus rien !
— Si j’avais pas fait les radios moi-même, j’aurais du mal à croire que c’est la même personne à vingt minutes d’intervalles.
— Irréel. Il faut qu’on lui fasse des tests. Je dois savoir comment il arrive à guérir comme ça. Vous imaginez ce que ça peut apporter à l’humanité, la capacité à guérir d’une fracture dans la journée ? Allez me le chercher, il faut que je lui parle ! »
Le docteur s’imaginait déjà prix Nobel de médecine quand son technicien revint penaud. Il annonça que le patient était parti et que le formulaire qu’il avait rempli était tellement illisible qu’il serait impossible de le retrouver.
One comment on “031 – Le poignet”