Phrase donnée par JJ Netux
Le taxidermiste évalua rapidement le contenu du paquet déposé devant sa porte.
C’était un crâne. Un crâne de renard. Il y avait très longtemps, quand son métier était encore à la mode, il avait travaillé sur un bon nombre de ces animaux. Des trophées de chasse pour la plupart. Sans compter que ça correspondait avec les ossements qu’il avait déjà reçus, ces derniers jours. Le reste n’était que de la paille pour caler l’objet. Il n’y avait pas de nom ou de coordonnées sur ce carton non plus. Le vieil homme regarda au-dessus de ses lunettes et essaya de voir un mouvement quelconque dans l’escalier. Rien.
Après avoir levé les sourcils, perplexe et quelque peu irrité, il rentra chez lui et referma sa porte à clef.
Il se dirigea vers son bureau pour regarder plus en détails l’ossement. Il aimait essayer de deviner la vie de ces créatures dont il manipulait les restes, en regardant les lésions encore visible sur l’os mais surtout il cherchait un indice sur tout ce que ceci voulait dire. Il fut extrêmement surpris quand il examina l’occiput. Certains de ses confrères, comme lui-même le faisait, gravaient la base arrière du crâne de leur trigramme. Le crâne qu’il venait de recevoir mystérieusement portait sa propre signature. Impossible de se tromper.
Ce crâne était déjà passé dans ses mains. Il ne savait pas quand était-ce mais il n’y avait pas de doutes possibles. Mais ce qui intriguait le vieil homme était de savoir pourquoi quelqu’un aurait dépouillé une de ses œuvres pour ensuite la lui ramener en pièces détachés.
Il avait reçu tout le reste du squelette, le crâne complétait la bête. Que voulait le petit malin qui lui laissait ces paquets depuis quelques jours ? Juste lui ficher la frousse ou plus ?
Il n’avait jamais eu d’ennemis, jamais eu de problèmes avec personnes. Alors qui pouvait bien vouloir lui jouer un tour pareil ?
* * *
Le soir, assis dans son fauteuil au salon, près de la cheminée, le taxidermiste lisait comme à son habitude. Il fut soudain dérangé par des sons étranges qui venaient de son bureau. Il n’y fit d’abord pas attention. Il avait sûrement mal fermé la fenêtre et ce n’était que les sons étouffés de la rue qui venaient le déconcentrer.
Cependant, après une bonne minute à entendre quelque chose qui ressemblait à un mélange de raclements et xylophone utilisé par un enfant en bas-âge, le vieil homme décida de se lever et d’aller voir.
Il n’atteignit pas à la porte qui donnait du salon à son bureau qu’il en vit venir le renard. Ou plutôt le squelette du renard, complet, et surtout debout sur ses quatre pattes.
Le taxidermiste se demanda d’abord s’il ne rêvait pas mais l’étrange jeu d’osselets s’était réassemblé par lui-même et avançait comme du temps où il était recouvert de chair et de fourrure. L’absence de ces deux éléments, que bon nombres de scientifiques semblaient considérer comme indispensable à la vie, n’avait pas l’air de manquer à ce tas d’os.
Quand l’animal vit, ou sentit la présence du vieil homme, il s’immobilisa et commença à émettre des sons comme des aboiements mais qui, en l’absence de cordes vocales ou autres, ressemblaient au son qu’auraient pu faire deux lourdes pierres frottées l’une contre l’autre.
Le taxidermiste recula, surpris. La peur ne le saisissait pas encore. Il ne comprenait pas encore l’irréalisme de cette scène. Ce ne fut que quand le squelette commença à le mordre à la jambe que la douleur lui fit comprendre tout ça.
L’homme recula encore.
Cet animal n’était-il revenu d’entre les morts que pour se venger de cet artisan ? L’avoir empaillé l’avait-il empêché de rejoindre l’autre monde ? Était-ce pour ça qu’il revenait aujourd’hui ?
En sautillant de sa jambe libre, tout en essayant de se défaire de l’étreinte de la mâchoire osseuse, le vieil homme essayait de retrouver un semblant de stabilité. L’animal ne relâchait pas son étreinte et la douleur devenait insupportable.
Finalement le taxidermiste trébucha sur sa table basse et tomba à la renverse à côté de la cheminée, son bras directement dans l’âtre. Il roula de côté pour essayer d’éteindre la manche qui s’était enflammée instantanément mais le tissu propageait les flammes trop rapidement. Sans compter que le squelette continuait d’essayer de lui enlever un morceau de molet.
* * *
Le lendemain matin, les voisins, sentant une odeur étrange émanant de l’appartement et ne voyant pas le vieil homme sortir de chez lui comme à son habitude, appelèrent les secours.
Quand les pompiers entrèrent enfin dans l’appartement, ils ne trouvèrent que les cendres du propriétaire au milieu de la zone de parquet carbonisé. L’enquête ne put jamais déterminer comment il avait fait pour tomber dans les flammes ni ce que faisait ces ossements de renard à côté de lui.
J ai adoré ! Un peu glauque mais genial !