Phrase donnée par Caroline S.
Face à sa page blanche, il cherchait l’inspiration qui le fuyait.
Il la voyait pourtant, se cacher dans le recoin d’ombre de sa feuille sur le bureau, dans celle de l’angle de la pièce que la lampe de bureau n’atteignait pas, dans le fond de son café froid.
Plusieurs fois, il avait posé la pointe de son stylo sur le papier, croyant sentir le flot des mots venir, pour le relever peu de temps après, l’esprit plus embrouillé encore.
Il se grattait la tête, s’étirait, tournait en rond sur sa chaise, mais l’inspiration semblait le bouder. Aujourd’hui, c’était elle qui ne voulait pas. Elle devait se venger des derniers jours où il avait passé plus de temps avec ses amis à faire la fête qu’avec ses feuilles, ses stylos et elle.
Il devait mériter cette froideur de sa part. Il avait préféré ne pas l’écouter, la laisser de côté alors que plusieurs fois elle était venue le titiller, l’éclairer, le faire partir loin dans des mondes que seuls eux deux, ensemble, visitent, le faisant perdre le fil d’une phrase pour prendre l’air béat et le regard perdu d’un benêt. Mais non, il avait préféré la repousser, aidé par les rappels à l’ordre de ses amis.
Ça faisait près de deux heures qu’il était là, devant cette feuille dont la blancheur commençait à lui brûler les yeux.
Il reposa la pointe de son stylo sur le papier et commença. Il n’avait rien de nouveau à raconter mais se rendait compte qu’il n’avait pas été très gentil avec l’inspiration dont il avait tant besoin.
« Très chère inspiration,
« Je sais que je n’ai pas été très présent pour toi ces derniers jours. Je te présente mes excuses pour ça. Mais est-ce bien raisonnable de me fuir ainsi depuis près de deux heures, nous qui passons habituellement de si bons moments.
« Si tu viens vers moi si souvent, c’est que tu as des choses à me dire, des choses que dont j’ai plaisir à garder traces. Je te remercie, d’ailleurs de ne les raconter qu’à moi.
« Que ce soit d’histoires de chevaliers et de dragons, de princesses et d’évasions, de vaisseaux spatiaux et d’accordéons, je me fiche de savoir de quoi tu vas me parler, j’aime juste t’écouter et écrire ces choses.
« Parle-moi encore et raconte-moi de nouvelles histoires. »
Il inspira fort, reposa son stylo, déposa sa lettre un peu plus loin devant lui, laissant apparaître une nouvelle feuille vide, puis expira profondément.
Son message avait dû toucher sa destinataire car à peine un instant après, ce fut une explosion de couleurs, de personnages, d’actions, de mondes dans son esprit. Il n’hésita pas, attrapa son stylo et commença à noircir sa feuille, puis une seconde et une troisième, et ainsi de suite, jusqu’à ce que la fatigue le gagne, tard dans la nuit.
J’aime bien cette jolie humanisation de l’inspiration 🙂
Très belle histoire d’amour, merci.