Phrase donnée par Polgara d’Erat
« 1, 2, 3, nous irons au bois. 4, 5, 6 planter des saucisses.
— 7,8,9 et s’taper des meufs.
L’escouade s’esclaffa à l’arrière du blindé. L’habitude était de décompresser un maximum pendant le trajet de la mission. Personne ne savait ce qu’il y aurait après, alors autant en profiter. Pour celle-ci, la présence du petit nouveau faisait que le niveau de grivoiserie et de lourdeur de l’humour atteignait des sommets. L’habitude était de voir quelle était la limite d’outrage des bleus.
Le première classe Hersnivia venait d’être affecté à l’escouade 201. Il n’avait que dix-neuf ans et un physique un peu moins étoffé que ses nouveaux camarades mais il avait passé tous les tests sportifs et psychomoteurs avec d’excellents résultats possibles. Évidemment, il n’avait pas fini premier au classement général mais les quelques autres qui l’avaient précédé n’avait pas osé choisir cette affectation renommée, prestigieuse mais contraignante.
L’escouade 201 avait pris part aux missions les plus importantes des dernières guerres sur le territoire national et sur de très nombreux théâtres d’opérations à l’étranger. Les légendes urbaines disaient même qu’elle aurait été à l’origine d’un certain nombre de changement de chefs d’État dans les anciennes colonies. Mais les méthodes souvent discutables, parfois répréhensibles au regard du droit international, de l’équipe empêchaient les gouvernements successifs de confirmer ou non l’information.
Hersnivia avait pris le poste de tireur d’élite. Personne ne voulait parler de la façon dont le précédent était mort. La seule chose de sûre était qu’il n’avait pas pris la quille. La jeune recrue essayait de ne pas trop se poser de question et de ne pas trop en poser. Il avait essayé une fois et s’était fait plus ou moins gentiment rembarrer par le sergent Martins.
Alors qu’une blague de mauvais goût, mélangeant étrangement l’âge d’Hersnivia, du lait qui coulerait encore de son nez, une chèvre et une cuillère en bois et le ceinturon du capitain, venait encore de fuser, le véhicule arrêta de bringuebaler dans un freinage brutal comme les aimait le caporal Lefèvre.
Martins se retourna vers son groupe.
« Ok les gars ! Vous connaissez la mission et vos positions ! Pas de questions ?
Silence.
— Le nouveau ?
— Non, sergent ! Pas de question ! répondit Hersnivia en serrant un peu plus son fusil et soutenant le regard de son supérieur.
— Bien ! Alors, te fait pas dessouder pour ta première mission ! J’ai pas envie d’annoncer à ta mère que tu t’es fait bouffer le cul par l’ennemi ! Allez ! Débarquez !! »
La porte arrière du blindée s’ouvrit. Le groupe sortit rapidement pendant que le conducteur, après s’être allumé un cigare, s’installait à la tourelle et commençait déjà à envoyer du tir de couverture.
Hersnivia inspira profondément. Il y était. Sa première mission, ce pour quoi il avait accepté de souffrir pendant ces quatre mois de classes. Il entendait distinctement le bruit de mitrailleuses et de tirs d’artillerie ennemi. Tous autant qu’ils étaient, ils risquaient de mourir aujourd’hui, ou demain ou pour n’importe quelle mission. Cette idée lui donna la sensation d’être plus en vie que jamais. C’était pour ça qu’il s’était engagé.
Le première classe sauta à son tour du véhicule. Le sergent lui mit un coup sur le casque.
« Ça y est ? T’as fini de te pisser dessus ?
Le tireur d’élite hocha la tête, souriant béatement et le regard dans le vide, concentré sur sa mission, il répondit évasivement au chef de groupe :
— 10, 11, 12 fêter la victoire devant une binouze ! »
Le groupe se sépara pour accomplir, encore une fois, sa mission.
du vécu on dirait ! 😉 débarquez et fouillez l’bois !
euh non, pas vraiment…