Phrase donnée par Lyco
Quand elle ouvrit la porte, les atomes reprirent tous leur place. Sauf un.
Lycia revérifia tous les paramètres de transfert. Il semblait que tout s’était bien passé, pourtant. Alors pourquoi lui manquait-il un atome ?
Et d’ailleurs, de quel atome s’agissait-il ? La jeune femme entreprit de lancer l’analyse pour le découvrir.
Il était assez difficilement concevable qu’il manque quoi que ce soit. Elle se sentait complète, cela dit. Pourtant la machine était formelle. Et même si les dix dernières années n’avaient vu aucun accident de téléportation se produire, il n’était pas impossible qu’il en arrive un. Mais pourquoi serait-ce arrivé à elle ?
Des fois, Lycia se disait qu’elle attirait les problèmes.
Déjà le matin même, elle avait été obligée de changer en urgence de tailleur à cause de ce nouveau garçon qui venait d’être embauché, Hurby. Cet empoté lui était rentrée dedans quand elle sortait de l’ascenseur, renversant son café encore bouillant sur sa tenue.
Il avait beau s’être excusée avec véhémence et avoir un sourire à se damner, Lycia lui en voulait. Ou lui en voulait-elle parce qu’elle avait peur de ce qu’il avait bien pu penser d’elle ?
Elle ne savait pas.
L’analyse terminée, le rapport indiqua qu’en réalité il ne lui manquait pas d’atome. Il avait juste été échangé par un autre, qui ne lui appartenait pas. Mais qu’est-ce que c’était que cette histoire ? Depuis quand la machine échangeait des atomes pendant les transferts ? Et puis après, quoi ? Elle deviendrait une autre, petit à petit, chaque jour qu’elle se téléporterait ? Chaque fois qu’elle irait au travail, en vacances ou voir ses amis ? Certes ce n’était qu’un atome et il faudrait des millions, voire des milliards d’années pour la changer entièrement, mais sur le principe, elle n’était pas d’accord. Hors de question qu’une machine ne la change de la sorte.
Dès le lendemain matin, elle appellerait Lightspeed Travels et leur expliquerait sa façon de penser.
Arrivée chez elle, Lycia essaya de penser à autre chose.
Elle repensait à cet Hurby. Elle avait dû passer pour une folle, vue la façon dont elle avait réagi. Lui avait su rester très calme malgré son air plus que gêné. Il lui avait même proposé de payer la note de teinturerie, ce qui était sympa puisqu’elle aurait pu faire attention avant de sortir en trombe de l’ascenseur.
Lycia fut interrompu dans ses réflexions par son téléphone. Elle regarda le numéro mais elle ne le connaissait pas. Maugréant intérieurement contre les gens qui appelaient à n’importe quelle heure de la nuit en se trompant de numéro, elle décrocha.
« Allo ? Bonsoir.
Lycia reconnut immédiatement la voix. Elle se redressa dans son canapé et coupa le son de sa télé.
— Je suis bien chez Lycia Saint-Clair ? continua l’interlocuteur.
— Oui ? Qui la demande ? La jeune femme essaya de rester le plus calme possible.
— C’est Hurby, Hurby van Broot. Je suis le nouveau. C’est moi qui vous ai ruiné votre tailleur ce matin.
— Ah, oui, Hurby. Elle gardait son ton le plus neutre pour essayer de ne pas s’emballer. Que se passe-t-il pour que vous m’appeliez aussi tard ? Rien de grave ? Comment avez-vous eu mon numéro d’ailleurs ?
Le jeune homme devint hésitant.
— C’est le patron qui me l’a donné… Je… Je suis désolé de vous embêter à cette heure si tardive mais voilà… en rentrant chez moi ce soir, je me suis rendu compte qu’il me manquait quelque chose et après quelques recherches, il semblerait que ce soit vous qui l’ayez.
Quoi ? Il l’appelait pour l’accuser de vol ? Il était dans la boîte depuis même pas une semaine et il l’accusait, elle qui était là depuis presque six ans à faire un boulot irréprochable, de lui avoir dérobé quelque chose ? Mais pour qui se prenait-il ?
— En fait, vous m’avez pris quelque chose mais je n’en suis pas sûr, c’est pour ça que je vous appelle. Juste pour être sûr.
— Mais de quoi parlez-vous ?
— Ce soir en rentrant chez vous, le téléporteur ne vous a pas indiqué qu’il vous manquait un atome ?
— Euh… Si ! Mais comment le savez-vous ?
— Je crois que ce matin, en nous percutant, nous avons échangé cet atome. À moi aussi il m’en manque un.
Lycia se sentit un peu décontenancée.
— Alors ça ne vient pas de la machine ?
— Apparemment pas.
— Comment est-ce possible ? Et comment allons-nous faire pour nous rendre nos pièces ?
— Je n’en sais trop rien, mais si vous n’êtes pas trop fatiguée, nous pourrions en discuter autour d’un petit verre.
— D’accord ! »
Après s’être donnés rendez-vous dans un bar non loin de chez eux, Lycia raccrocha. Elle sourit en se disant que le mélange de particules était une technique de drague qu’on ne lui avait encore jamais faite.
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