Phrase donnée par Dexash
« Et puis… Elle m’a embrassé. Là comme ça. Alors que trente secondes plus tôt, elle me jetait des noms d’oiseaux à la tête. »
Pierre attendait une réaction de son ami qui remuait le fond de sa bière en la regardant. Au bout de quelques secondes qui parurent assez longues à Pierre, Jules leva le nez.
« Effectivement, c’est assez étrange… Mais pas autant que la tête que tu me tires-là. Qu’est-ce qui te gêne ? Elle te plaît pas ?
Pierre fut décontenancé par cette question, pourtant simple. Il resta un instant pensif, le regard dans le vide, ne voyant plus passer les voitures dans la rue derrière les arbustes qui délimitaient le café.
— Si, évidemment qu’elle me plait. Enfin, oui, elle est très mignonne et tout mais son caractère… tu imagines ça, toi ?
Pierre se pencha pour que les personnes aux autres tables de la terrasse n’entendent pas.
— Après des années à me détester, à me faire des coups bas, à lancer des rumeurs à la con sur mon dos, je te rappelle que l’histoire de la chèvre, c’est elle qui l’a lancée quand même, et ben après tout ça, elle arrive et m’embrasse comme jamais personne ne m’a embrassé ? Je comprends plus rien.
— La chèvre, c’était elle ? Jules sourit. C’était quand même bien joué.
— Jules !! C’est pas le sujet.
— Ouais ! mais quand même, non ? Si ça avait pas été contre toi, t’en dirais quoi ? C’était bien joué. Il faut l’avouer.
Pierre se rejeta au fond de sa chaise et but une rasade de sa bière.
— On peut pas discuter sérieusement avec toi ! Je sais même pas pourquoi je t’en parle !
— Parce que ton chien est mort d’ennui la dernière fois que tu lui as raconté une de tes aventures ? »
Pierre leva les yeux au ciel.
Le silence se fit une minute ou deux. Il ne fut rompu que par le portable de Pierre qui se mit à vibrer. Il lut rapidement le SMS et reposa l’appareil sur la table en soufflant fort.
« Quoi ? C’est elle ? » s’enquit rapidement Jules avec un large sourire.
Pierre refusa de répondre. Son ami était parfois tellement puéril. Il ne voulait pas lui dire le contenu du message.
Jules sortit son paquet de cigarettes, en sortit une et l’alluma.
« Bon, reprit-il après avoir tiré une grosse bouffée, et il s’est passé quoi après ce baiser ? Tu m’as pas dit.
Il semblait avoir repris son sérieux.
— Ensuite, on est parti marcher dans la nuit.
— Romantique à souhait.
Jules souriait de sa façon la plus ironique possible. Pierre lui jeta un regard menaçant de s’arrêter là.
— Et on a parlé. Enfin surtout elle. Elle m’a avoué qu’elle avait craqué pour moi le premier jour qu’elle m’avait vu et que si elle avait été odieuse avec moi, c’est parce qu’elle était dégoûtée que je fasse pas attention à elle.
— Les rumeurs… coupa Jules.
— Les rumeurs ?
— Oui ! C’est quoi son explications pour toutes ces rumeurs à la con qu’elle a lancées sur ton dos ?
Pierre sembla un peu embarrassé.
— Elle m’a dit que c’était pour faire fuir les filles à qui je plaisais, parce qu’elle n’aurait pas supporté de me voir avec une autre.
— C’est de la jalousie ou je m’y connais pas. Ta vie va être un enfer. Enfin, si tu gères bien, elle fera tout ce que tu veux mais faudra pas faire de faux mouvements. Si elle est aussi amoureuse qu’elle le dit.
— Tu n’y crois pas ? s’inquiéta Pierre.
— C’est étrange quand même. Moi, je me méfierais quand même, que ce soit pas une nouvelle de ses fourberies.
— T’aimes pas que je sois heureux, en fait, c’est ça ? s’énerva Pierre.
— Je suis très content pour ce qu’il t’arrive mais fait gaffe à tes arrières. Une nana qui te pourrit la vie depuis l’entrée au lycée et qui tombe dans tes bras comme ça en une soirée alors qu’elle a même pas bu… je trouve ça bizarre… Elle était bien à jeun quand elle t’a embrassé ?
— Oui, je crois. Elle me semblait sobre.
Pierre regardait le fond de son verre, rattrapé par la logique implacable de son ami. Jules commençait à le faire douter. Il avala la fin de sa bière d’une traite.
— Le problème, c’est que j’ai toujours été amoureux d’elle, je crois. Alors maintenant que j’arrive à sortir avec, j’ai pas vraiment envie de rater ça. Quitte à souffrir un peu.
Jules posa sa main sur l’épaule de son pote.
— Je comprends tout à fait, mais fais juste gaffe à pas te faire broyer par cette fille. Elle a un caractère fort et toi, tu es trop gentil pour t’y opposer. Ça m’inquiète. Je sais ce que c’est qu’une relation à problème comme ça. En général, tu te rends compte que t’es en petits morceaux qu’une fois que tu te retrouves tout seul. Allez, il faut que j’y aille ! »
Jules se leva, attrapa sa veste et serra la main de Pierre, laissant celui-ci à ses réflexions.
Quelques minutes étaient passées quand il fut rejoint par sa nouvelle petite amie. Elle était belle comme un cœur et avait ce sourire béat qu’ont les jeunes amoureux fixé sur le visage.
Pierre ne pouvait s’empêcher de voir la fille qui lui avait fait tant de mal pendant ces années mais il ne pouvait empêcher son cœur d’être sourd à ces souvenirs.
Elle s’approcha mais ne s’assit pas à la table.
« Pierre écoute. Je crois que c’était une erreur de ma part de t’embrasser hier soir. N’espère rien de moi. Je préférais quand même te le dire en face. Salut. »
La jeune fille s’éloigna. Pierre était anéanti sur sa chaise. Il ne voulait pas y croire et eut même l’impression de la voir, de dos, essuyer une larme.
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