Phrase donnée par Masque de Mort
Tout en haut, il trouva un canard.
En plastique jaune et mou.
Petit. Ridicule. Navrant.
Il resta un instant interloqué, ne sachant trop s’il devait tomber à genoux en hurlant de désespoir contre le sort ou sortir son épée et découper le morceau d’hydrocarbure moulé.
Le temps passa. Il ne sut pas exactement combien. Il repensait à ce qu’il lui en avait coûté pour en arriver là. Ces années d’entraînement, ces nombreuses quêtes pour être sûr qu’il serait prêt, assez fort, suffisamment sage. Ça devait avoir payé parce que, plus jeune, arrivé si loin pour trouver ce canard, il lui aurait arraché la tête avec les dents avant de le faire fondre dans un feu de joie.
À présent, il était là à regarder ce jouet, sans rien faire.
Depuis combien de temps était-il là ? Une minute ? Une heure ? Plus ? Aucune idée. Il devait prendre une décision. Peut-être que ce canard était l’objet qu’il était venu chercher. Peut-être que c’était vraiment la relique sacrée du village, celle laissée là depuis des milliers d’années par les dieux anciens. Il n’y avait qu’un seul moyen de savoir si ce canard était bien l’objet qui ramènerait l’eau sur les terres arides depuis si longtemps.
Il allait redescendre de cette montagne. Il était l’élu. Tout le monde attendait de lui qu’il revienne avec l’objet. Comment allait-il être accueilli quand tous le verrait et découvriraient la vérité ? Il n’en savait rien.
Il ramassa l’objet et le toisa avec un mélange de mépris et d’espoir. Le canard lui rendit son regard. Ou fut-ce juste l’impression que lui renvoyèrent ces yeux à la peinture qui s’écaillait.
Avant de le mettre dans son sac, il eut l’impression que le canard était rempli. Rempli de liquide. Curieux, il appuya légèrement dessus et de l’eau sortit du bec de l’objet en plastique. Sentant la joie monter en lui, il pointa l’horizon en direction de son village et pressa la relique de toutes ses forces. De l’eau jaillit, d’abord un mince filet, puis un ruisseau, puis un jet si puissant qu’il se transformait en torrent.
Il resta là-haut à presser ce canard pendant trois jours et trois nuits. Sans s’arrêter. Ce ne fut que quand ses forces le quittèrent et qu’il posa un genou, harassé par la fatigue et la faim. Que l’eau arrêta de couler de la relique. Il sut que sa mission, accomplie avec tant de difficultés, avait été menée à bien.
Après avoir dormi encore trois jours et trois nuits, il se réveilla, reposa le canard où il l’avait trouvé, en cas de besoin des générations futures, et repartit vers son village en suivant le rivage du torrent nouvellement créé.
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