Phrase donnée par Anne L.
En ce matin d’août ensoleillé, le jardinier trouva une drôle de chenille géante au milieu de ses pommes de terre.
D’abord, il eut du mal à comprendre ce qu’il voyait en train d’écraser ses plants. La chose plus haute que lui ressemblait à une grosse tente, du genre qui se déplie toute seule quand on la lance. Mais ça n’était pas translucide comme une tente. C’était bien opaque.
Arrêté à cinq pas de la chose, le jardinier se passa la main sur le front, autant incrédule de la situation qu’en manque d’idée pour faire bouger cette chose. Il imaginait déjà ses pauvres petites patates complètement écrasées, lui qui les bichonnait depuis le mois de mars et avait passé tant de temps à les protéger du mauvais temps de ce printemps si pourri.
Il se demandait si c’était l’engrais extra-puissant qu’il avait acheté sur internet, parce qu’interdit ici, qui avait fait grandir cette bestiole de façon si extraordinaire. L’idée d’avoir une amende de la part des autorités s’il leur demandait de l’aide pour se débarrasser de cet insecte lui fit immédiatement oublier cette possibilité.
Ce bonhomme ne disposait pas de beaucoup de matériel pour s’occuper de son petit jardin mais à cet instant, il aurait bien voulu avoir un bon gros tracteur pour tirer cette dérangeante invitée hors de ses plates bandes.
Est-ce qu’au moins cet insecte était vivant ? De sa fourche, il tenta de piquer la chair à l’apparence épaisse. Les pointes s’enfoncèrent sans déchirer l’enveloppe. En réalité, le tout était tout à fait flexible et avait repris sa forme quand le jardinier avait, lui, repris son instrument.
Il aurait pu essayer de rouler la chose mais, d’une part, il ne savait pas s’il pourrait la bouger tout seul, elle semblait vraiment lourde, d’autre part, il ne savait pas si cette chenille faisait partie de celles dont le corps est recouvert de poison — d’ailleurs, il devrait sûrement laver sa fourche avant de s’en servir — et surtout, il devrait sacrifier une grande partie de ses plantations pour faire sortir l’intruse. Donc il n’était pas question de faire rouler cette chose.
Au bout de vingt minutes à contempler cette bizarrerie de la nature, le jardinier se dit qu’il devait agir. Le mieux était peut-être de la tuer pour la découper en morceaux avec la tronçonneuse pour la sortir plus facilement. Oui. Mais comment tuer quelque chose de la taille d’un éléphant en étant sûr qu’il ne se débattrait pas. Le jardinier ne voulait pas risquer d’être blessé, ni lui, ni son jardin. Sans réelle solution, il se résigna à asperger d’essence la chenille et l’enflammer.
Il allait entrer dans sa remise à outil pour chercher ce qu’il fallait quand un grand bruit de déchirement retentit dans l’air. Le bonhomme se retourna vivement vers la chenille, inquiet pour ses courgettes et ses plants de tomates. Il faillit tomber à la renverse en voyant la chenille déployer de gigantesques ailes colorées. Le vent qui souffla quand elles se mirent en action fit s’envoler le chapeau de paille de l’incrédule.
Celui-ci regarda un instant le papillon de la taille d’un petit avion s’élever dans les airs et s’éloigner. Ce ne fut qu’une fois hors de vue qu’il se précipita vers sa plantation pour voir l’étendue des dégâts, finalement pas si important qu’il ne le pensait.
J’aime beaucoup…c’est très buccolique!