Phrase donnée par Amelodine
Aujourd’hui, j’ai rencontré une personne qui promenait son brocoli dans une sandale. Son air heureux contrastait avec mon air interrogateur. En réalité, je n’étais pas vraiment le seul à le regarder comme un extra-terrestre. Tous les gens qu’il croisait avaient plus ou moins la même réaction. J’ai vu quelques personnes s’écarter discrètement de quelques pas, comme si l’envie de promener un légume dans une chaussure était une maladie contagieuse. Certains autres fronçaient ou levaient les sourcils, réprobateurs ou tout bonnement halluciné.
Que peut-il passer dans la tête de quelqu’un pour le décider à faire d’un brocoli son animal de compagnie ?
En attendant mon métro, continuant à regarder cet homme qui tenait cette sandale comme on porte un bébé, la berçant de la même façon, j’ai laissé mes pensées divaguer.
Était-ce un artiste de rue qui jouait sa performance pour rendre les transports en commun moins moroses ?
Peut-être avait-il un super pouvoir lui permettant de parler aux légumes ou au moins les entendre se plaindre des mauvais traitements subits.
Ou alors, il avait été ensorcelé et pensait que ce brocoli était son enfant. Ou c’était son enfant qui avait été ensorcelé pour devenir prisonnier sous cette forme végétale.
Mon esprit commençait à s’emballer dans des théories plus fumeuses les unes que les autres.
Peut-être était-il juste fou ?
Le métro est arrivé. Je ne savais pas s’il allait lui aussi rentrer dans la rame, mais j’étais sûr qu’il m’accompagnerait toute la journée dans mes pensées.
Les portes se sont ouvertes. Le flot de gens m’a littéralement poussé dans la voiture.
L’homme restait là. Il a été bousculé par un des nombreux passagers, irrité de cet obstacle l’empêchant d’aller s’entasser avec ses congénères. Le brocoli est tombé par terre. Le fou a rapidement ramassé son enfant pour qu’il ne soit pas écrasé par les derniers voyageurs qui se pressaient pour permettre à la porte de se refermer.
Le signal sonore a retenti.
Venu de nulle-part, l’homme qui avait bousculé le fou a soudain reçu un coup de sandale derrière la tête. Malgré sa position instable en bord de porte, il s’est retourné pour voir le propriétaire de l’enfant-brocoli lui assener un nouveau coup de tatane. Il n’a pas eu le temps de réagir que les portes se sont refermées créant un mouvement dans la masse humaine grognante.
Le métro a démarré. J’ai juste eu le temps de voir mon fou, câliner son brocoli, l’embrasser tendrement comme un enfant pour lequel on s’est beaucoup inquiété.
À moitié écrasé contre la vitre du métro, quelqu’un me marchant sur les pieds, je me suis mis à sourire.
Peut-être est-ce nous, les fous.
J’ADORE \o/