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083 – L’horloge

Phrase donnée par Ambrose

L’horloge s’arrêta.

Marie sentit la migraine monter. Elle regarda l’horloge encore quelques secondes pour être sûre. Rien ne bougeait plus. Plus aucun son ne se dégageait ni de l’objet ni des alentours.

Il était temps d’agir. Elle n’avait pas longtemps avant que le temps ne reprenne son cours. L’Inhibiteur qu’avait fabriqué l’ingénieur en chef Sanboussy ne devait agir que vingt cinq minutes. Ensuite, tout reprendrait comme si de rien n’était. En attendant, il ne lui restait plus que vingt quatre minutes et quarante sept secondes pour accomplir sa mission.

Marie était agent secret ; la plus rapide et la plus capable de résister aux effets des distorsions du temps. Mais cette fois, ça n’était pas juste un simple ralentissement, c’était une pause complète. Les douleurs psychiques que les truchements du temps entraînaient sur les agents étaient impressionnantes mais l’arrêt complet, c’était Waterloo dans la tête de Marie. Elle s’attendait à quelque chose du genre mais rien d’aussi fort.

Elle allait avoir du mal à tenir le décompte du temps restant mais il fallait qu’elle avance.

La mission était simple dans son but, moins dans sa réalisation. Elle devait assassiner un président. Le président Navarrais. Il fallait faire passer cela pour un attentat de ses opposants. La Reine avait des vues sur ce petit pays et en couper la tête tout en faisant accuser l’opposition l’aiderait à mettre la main dessus.

Marie sortit de la calèche électrique et se précipita dans l’hôtel, faisant bien attention à ne bousculer personne pendant la suspension. Il fallait éviter un maximum les interactions avec les êtres vivants pendant ces périodes. Évidemment, il était impossible d’utiliser les ascenseurs. Marie dut prendre les escaliers. Avec son mal de crâne, ça n’allait pas être de tout repos. Trente-cinq étages…

Ça serait la partie la plus difficile.

Essoufflée, au bord de la folie avec cet étau qui lui enserrait la tête, elle parvint en haut de l’immeuble avec encore dix minutes trente environ. Le décompte était approximatif.

Il ne fut pas compliqué pour elle de trouver la suite du président Cathare. Tout en serrant bien l’Inhibiteur de temps pour qu’il continue à agir, Marie sortit de sa poche la grenade navarraise pui ouvrit la porte de la suite.

Tout le monde était debout sauf le président, assis derrière un bureau. Il écrivait une lettre. Marie prit un instant pour lire ce qui pouvait constituer une source de renseignements. Elle fut plus qu’étonnée de voir que le président Navarrais s’attendait à un attentat et accusait directement la Reine. Comment pouvait-il le savoir ? Marie attrapa la feuille et la tira d’un coup sec. Le stylographe du Président laissa un grand trait sur le papier.

La jeune femme allait poser sa grenada au milieu du bureau quand son esprit vit quelque chose bouger dans un coin de son regard. Elle réagit plus vite que sa conscience et d’un bond esquiva un tir.

Criant un juron en se plaquant au sol, elle eut à peine le temps de voir qu’un des agents navarrais bougeait.

C’était impossible ! Ils n’étaient pas sensés avoir cette technologie. Ce n’était pas vraiment le moment de réfléchir au comment du pourquoi. Elle devait le neutraliser et laisser la grenade rapidement si elle ne voulait pas avoir des problèmes à s’extraire de l’hôtel après l’explosion et la reprise du temps.

Le gars tira encore une salve de trois coups. Marie jeta un coup d’œil rapide pendant qu’elle changeait d’abri. D’après le modèle de pistolet, il ne lui restait plus que deux coups, voire moins. Après, elle pourrait s’attaquer à lui au corps à corps. Elle roula de derrière son divan en direction du bureau du président. L’agent dans un réflexe idiot tira ses deux derniers coups en suivant sa cible, oubliant le reste. Le président eut un sursaut et un tremblement étrange avant de reprendre la pose figée.

Marie jubilait. Elle n’aurait même pas besoin de sa grenade. Elle sauta par-dessus le bureau et profita de la seconde d’étonnement de l’agent pour lui mettre un grand coup dans le visage avec la grenade qu’elle avait encore en main. Il tomba au sol, sonné, tant pas son acte que par le coup.

Même si la mission était remplie, Marie ne pouvait partir sans s’occuper de cet homme qui ne devait absolument pas parler d’elle. Elle inséra la grenade dans la bouche de l’agent et tira la goupille.

Le lendemain, on lirait dans les journaux qu’un des agents du président Navarrais l’avait tué par balle avant de mettre fin à ses jours.

Marie ne savait plus vraiment combien de temps il lui restait. Elle devait faire vite. Elle dévala les escaliers aussi vite qu’elle put.

La jeune femme arrivait dans le hall de l’hôtel quand l’Inhibiteur eut un soubresaut étrange. Les gens, arrêtés dans leurs mouvements, reprirent vie d’un coup, comme si rien ne s’était passé. Ce qui était vrai pour eux.

Il ne restait plus que le temps à Marie du retard d’allumage de la grenade pour sortir de l’hôtel et être récupérée par la calèche. Le groom la salua comme elle sortit. L’explosion retentit à cet instant. Les vitres de la suite présidentielle volèrent et tombèrent en pluie une seconde plus tard. Le groom se mit à l’abri sous l’auvent de l’hôtel cherchant la jeune femme qui venait de sortir pour la mettre elle aussi à l’abri. Elle avait disparu.

Une calèche partit tranquillement vers l’esplanade des Victoires.

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