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091 – Patte d’Ours

Phrase donnée par JohnButcher

Les moqueries fusèrent lorsque la silhouette malingre apparut. Son teint pâle et maladif et son manteau en lambeaux n’aidaient pas à rendre le personnage impressionnant. Il se dirigea vers le comptoir en claudiquant, s’appuyant sur une béquille qui ressemblait plus à une vieille branche qu’à autre chose. Rapidement, les clients de la taverne reprirent leurs activités sans plus s’en préoccuper.

Il commanda au tenancier une cervoise qui lui fut servie dans l’instant. Le bonhomme derrière le comptoir ne s’était pas attardé sur l’estropié. On n’aimait pas trop les étrangers et ceux dans son genre n’attiraient en général pas la confiance des habitués, ni celle du patron.

Au bout d’un long moment à rester immobile et boire sa cervoise, l’intrus héla le tavernier :

« Patron, sauriez-vous si, dans votre clientèle de gentilshommes, se trouve un dénommé Patte d’Ours ?

Le tavernier avait eu un mouvement sarcastique en entendant la façon dont cet inconnu qualifiait ses habitués. Il devint plus méfiant en entendant le nom de Patte d’Ours.

— ’Connais pas ! Jamais entendu parler ! répondit-il sèchement avant de repartir à l’autre bout du comptoir.

L’inconnu but une nouvelle gorgée avant d’être bousculé par une grande armoire à glace.

— T’excuse pas, surtout, quand tu bouscules quelqu’un ! » lui lança l’arrogant. L’estropié resta silencieux et immobile, ignorant cette agression.

L’opportun tapa sur la chope de l’intrus. La cervoise s’étala en éclat sur le sol. Bien loin de s’énerver ou de réagir, l’homme en guenilles se baissa tranquillement pour récupérer sa chope. En se relevant, il frappa maladroitement de l’arrière de sa tête le menton du molosse. Se frottant la tête, l’inconnu se rendit compte qu’il venait de laisser tomber sa béquille. Alors que, en rage de n’avoir pas vu cet assaut, sans vraiment être sûr que c’en était un, l’autre envoya un coup de poing qui manqua sa cible. Celle-ci à nouveau baissée attrapa son bâton et fit trébucher son assaillant.

Voyant leur compère choir devant si frêle ennemi, la quasi-totalité des clients se levèrent.

L’inconnu leva les mains au-dessus de sa tête et annonça simplement :

« Je suis venu trouver Patte d’Ours ! Je ne veux pas vous causer de problèmes ! »

Seuls des rires gras et cruels lui répondirent juste avant que les premiers ne se jettent sur lui. Frappant du sol avec sa béquille, une lame de feu circulaire repoussa les agresseurs. L’inconnu se débarrassa de son manteau sale et troué pendant que le bout de chiffon camouflant le haut du sceptre s’embrasait.

L’homme avait l’air d’avoir grandi et portait une riche robe de mage, de velours et de fil d’or. Toute la taverne en fut impressionnée. Le mage les avait, pour la plupart, tous reconnus. Albert le poinçonneur, Dent de Fouine, le grand et le petit Auguste — qui n’en avait que le nom —, Sanglier Sanguinaire et tant d’autres dont la tête était mise à prix. Mais Patte d’Ours manquait.

Alors que les plus proches des sorties tentèrent courageusement de fuir, le mage lança un sort de fermeture des portes et fenêtres. Ça ne tiendrait pas longtemps mais suffisamment pour s’occuper de tout le monde ici. Il monta sur le comptoir, cherchant du regard le tavernier. Il avait dû bien se cacher. Il n’était plus là. Le mage grogna. Son premier agresseur se releva, bien amoché par l’attaque de feu.

« Qui es-tu ? demanda-t-il en se tenant toujours le menton.

— Geoffroy de Tallisard, mais ça n’a pas d’importance. Dites-moi où se trouve Patte d’Ours et je ne vous tuerai pas ! »

Ces menaces étaient à prendre au sérieux mais il était clair qu’ils ne donneraient par leur ami comme ça. Un second assaut se lança contre l’homme sur le bar. Ce n’était qu’un mage après tout. Si l’un d’eux arrivait à le mettre à terre en l’éloignant de son sceptre, le tuer serait un jeu d’enfant.

Le problème fut de l’atteindre. L’homme était agile et puissant. Il parvint à défaire chaque assaut grâce à une vague d’énergie assommante. Rapidement, il se retrouva seul debout dans l’établissement. Mais toujours aucune trace de sa cible et surtout plus personne en état pour lui donner d’information.

Le mage sauta du comptoir, attrapa sa chope, encore à sa place, et regarda tristement le vide qu’elle contenait.

Des bruits de pas lourds retentirent soudain dans l’escalier arrivant de l’étage. L’intrus posa rapidement sa chope vide et enserra son sceptre, prêt à incanter.

« Qui me cherche ici et maltraite mes amis ? annonça la voix rauque et reconnaissable entre toutes de Pattes d’Ours. Le colosse, à côté duquel le premier agresseur du mage n’était qu’un gringalet, ce qui lui avait valu son surnom, apparut dans la salle.

Ses yeux, à moitié cachés par de broussailleux sourcils scrutèrent la seule personne encore debout dans la taverne, mécontents et méfiants.

« Ils ne sont pas très accueillant, tes amis ! annonça le mage. Le regard dur de Patte d’Ours se détendit et un sourire se dessina à travers sa barbe.

—  Geoffroy, mon frère !! Dans mes bras ! »

Pendant que les deux hommes s’étreignaient cordialement, Patte d’Ours regarda le spectacle de tous ces hommes comateux.

— Tu aurais peut-être pu t’annoncer !

— Je l’ai fait, à un moment ! »

Les deux frères éclatèrent de rire et fêtèrent leurs retrouvailles.

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